Affaire Dieudonné : le retour des Montagnards
Publié Par Marc Crapez, le 9 janvier 2014 dans Droit et justiceLa décision d’interdiction est un risque pour les libertés. Le libéralisme suggère de contenir les extrémistes sans les censurer.
Par Marc Crapez.
On ne peut que désapprouver la violence de certains propos de Dieudonné. Et comprendre qu’on puisse se sentir meurtri par le fait qu’il tourne en dérision le génocide des Juifs. Il faut bien qu’il y ait des limites. Mais les lois en vigueur constituaient déjà un arsenal suffisamment répressif sans qu’il faille en rajouter.
Trop répressif, même, puisque deux lycéens de l’Essonne ont été mis en garde à vue pour « apologie de crime contre l’humanité »… après avoir fait le fameux geste des partisans de Dieudonné. Cette arrestation résulte de la loi Taubira… qui avait déjà servi à poursuivre un historien ayant montré la part de responsabilité arabo-musulmane dans la traite négrière.
Le ministre de l’Intérieur réclame l’interdiction des spectacles de Dieudonné et donne consigne aux préfets d’agir de concert avec « les associations… contre les comportements racistes, antisémites, antimusulmans ou intolérants ». Volonté d’interdiction successivement récusée par le tribunal administratif, puis validée par le Conseil d’État. Entre ces deux décisions, dans une conférence de presse, Manuel Valls invoque un « sursaut » républicain. Et déclare « espérer » une décision du Conseil d’État qui aille dans son sens. « Le combat continue et tous les moyens doivent être employés », affirme-t-il.
La décision d’interdiction est un risque pour les libertés. Conjecturer qu’un spectacle constitue, a priori et par nature, une atteinte à la dignité humaine donc un trouble à l’ordre public, va renforcer les amalgames voulant traquer le racisme jusque dans les non-dits et accréditer une confusion entre propos racistes et intentions violentes.
Comme la colère, la censure est mauvaise conseillère. De toutes parts, ceux qui prennent la main sont les plus extrémistes. Retour à la mentalité des Montagnards. Ils s’échangent des anathèmes et rêvent d’en découdre. Veulent éradiquer le Malin ou extirper le Mal. Alors que la République est la chose de tous et la démocratie le règne du peuple.
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Marc Crapez est l’auteur de la notice « Littérature, racisme et antisémitisme » du Dictionnaire historique et critique du racisme dirigé par P.-A. Taguieff (PUF, 2013). Suivre les articles de l’auteur sur Facebook.
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