Dieudonné ne me fait pas rire. Quand on sème le racisme, l'antisémitisme et la haine, on récolte la tempête médiatique. Mais que le Conseil d'Etat flingue 80 ans de jurisprudence (arrêt Benjamin du 19 mai 1933), ça me sidère. Jetons un œil aux arguments du juge des référés...
Ordonnance
du 9 janvier 2014
Ministre
de l'intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala
M'Bala
4.
Considérant que l'exercice de la liberté d'expression est une condition de la
démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés;
qu'il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre
les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de réunion; que les
atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces
libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées;
Avouez que ça rassure. C'est le cadre, rien à dire, et surtout la CEDH n'y verra rien de mal. En effet, chaque article de la convention européenne que chaque Etat conserve la possibilité de réglementer un droit ou une liberté par des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
5.
Considérant que, pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle
« Le Mur », précédemment interprété au théâtre de la Main d'Or à Paris, le
préfet de la Loire-Atlantique a relevé que ce spectacle, tel qu'il est conçu,
contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale,
et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l'apologie des
discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la
Seconde Guerre mondiale; que l'arrêté contesté du préfet rappelle que M.
Dieudonné M'Bala M'Bala a fait l'objet de neuf condamnations pénales, dont sept
sont définitives, pour des propos de même nature; qu'il indique enfin que les
réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier font apparaître, dans un climat
de vive tension, des risques sérieux de troubles à l'ordre public qu'il serait
très difficile aux forces de police de maîtriser;
C'est ce qui rend légitime la décision. Le spectacle est un ramassis d'incitations à la haine qui ne devrait attirer l'attention de personne. Et l'auteur, condamné à 9 reprises par la justice, ne devrait pas avoir l'occasion de remonter sur scène. Mais nous sommes dans une société libérale : tant qu'il a un public, il parle. Peut-on rendre sourds les crétins qui l'écoutent ? Lire "Dieudonné la honteuse" par Stéphane Guillon suffit à s'en convaincre.
6.
Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre
public mentionnés par l'arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du
dossier que par les échanges tenus au cours de l'audience publique; qu'au regard
du spectacle prévu, tel qu'il a été annoncé et programmé, les allégations selon
lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause
la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas
repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de
nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes,
notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine; qu'il
appartient en outre à l'autorité administrative de prendre les mesures de
nature à éviter que des infractions pénales soient commises; qu'ainsi, en se
fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l'ordre public
et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux
autorités de l'État de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas
commis, dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative, d'illégalité
grave et manifeste;
Tout est dit. Nous sommes sûrs qu'il proférera ce soir des paroles que le pacte républicain ne peut souffrir être prononcée sur le sol français. Il doit se taire. Même devant une salle vide. Et le Préfet, nouvel agent d'une police administrative de prévention, peut obtenir ce silence, au nom de la dignité qui jadis interdit aux nains de se faire lancer.
Bref, tout cela semble légitime. Mais le problème, Mesdames Messieurs, n'est-ce pas plutôt que ce soir, plus de 5000 personnes attendaient à Nantes que ce type énonce ses scandaleux propos ? Quand vous déciderez-vous à vous en occuper ? Car ce que dit ce cuistre se combat par l'humanité, la politesse, la considération de l'autre... en un mot par l'éducation.
L'intégralité de la décision ici