1. La fille qui n’existait pas de Denis Thériault
C’est mon coup de cœur, j’ai dû me lever en pleine nuit pour le terminer. Je suis encore sans mot. J’ai le trac, je me demande comment communiquer ce que j’ai ressenti en vivant cette histoire « à la poupée russe » où les couches soulevées une à une dévoilent une réalité autre que celle que je croyais. L’intrigue repose sur des clés, ouvrant des portes, qui elles ouvrent d’autres portes. Le commentaire suivant vient d’une personne qui a moins aimé. Malgré tout, voyez les qualités que Danielle Morisset lui trouve : Je salue cependant l’imaginaire qui a généré tout ça. La tendresse et l’ingénuité qui persiste malgré et au delà de l’horreur et de l’invivable. La beauté de la langue et le secret bien gardé. - critique complète ici.
2. Le frère du trapéziste de Denis Robitaille
Ce roman a tout pour me plaire : foisonnant, des rebondissements surprenants avec un thème que je privilégie : le jeu des apparences. Je n’ai pas su pressentir, prévoir ou deviner. L'auteur m'a pris en otage.
J’aime ce genre de roman qui bouge, par l’action physique et psychologique, tout en conservant une aura de mystère. Cette histoire dépasse le lecteur pour la bonne raison que le personnage principal est lui-même dépassé par ses actions et décisions. Cela fait penser à la vraie vie. C’est un roman mettant en relief de nombreux contrastes: la stabilité versus la sédentarité, l’enracinement, l’errance. L’amusement ou le sens du devoir. L’idéalisation de l’être aimé. Être soi pour soi, ou pour répondre à ce que l’autre attend de soi. Le pouvoir des racines dans une quête d’identité. Et finalement, ce thème si cher à plus d’un auteur, le jeu des apparences. - critique complète ici.
3. Si tu passes la rivière de Geneviève Damas
Ce roman m’a émue, bouleversée. Il est venu me chercher au plus profond de mes valeurs.
J’ai tout aimé de ce roman, les défauts ont fini par se confondre aux qualités, tellement j’ai pris du plaisir à entendre la voix de François. Rien n’est expliqué, tout est démontré, vu et vécu. Le lecteur a de la place pour pondre sa propre histoire sous les mots. J’en suis même arriver à déduire qu’une relation d’amour, qu’elle soit avec un chien, un humain ou un cochon ouvre les digues d’une compréhension, autant que n’importe quel discours étoffé de connaissances. - critique complète ici.
4. L’enfant qui savait parler la langue des chiens de Joanna Gruda
J’ai été un enfant qui change de foyers à répétition, parce sa mère veut le protéger. Comment une mère peut protéger son enfant avec un instinct maternel défaillant ? Cette histoire basée sur la réalité est relatée par la petite-fille d’une manière juste, judicieuse et intelligente.
La trame repose sur un garçon obligé de fuir l’ennemi en changeant de famille à répétition. Son itinéraire est supervisé par une mère à l’instinct maternel défaillant, c’est déjà une intrigue en or. Sans la voix que Joanna Gruda a su donner à l’enfant, cela aurait pu être une suite d’événements émotifs et bien documentés mais cette voix, qui passe progressivement de 6 à 14 ans, revêt une subtilité à ce point tangible, que j’étais cet enfant. - critique complète ici.
5. La fiancée Américaine d’Éric Dupont
Parce que c’est rare un tel souffle de conteur. Parce que j’aime que l’on me raconte plusieurs histoires dans une, jusqu’à ce que je ne sache plus démêler la part d’imaginaire et de réalité.
J’ai aimé ce roman feuillu et touffu. Dès les premières lignes, la force du conteur agit sur le lecteur qui s’ouvre comme un enfant prêt à tout voir et à tout croire. L’auteur nous fait vivre des liens familiaux complexes, les émotions qui s’y rattachent sont rouges foncées : jalousie, passion, violence, rivalité, favoritisme, sexualité, inceste, avortement. L’histoire nous envoie aux extrêmes : de la guerre à la paix, de la richesse à la pauvreté, de la religiosité à l’athéisme, de l’érudition à l’ignorance, de la campagne à la ville, de la force musculaire à celle de l’esprit. - critique complète ici.
6. Man de Kim Thùy
Pour le style délectable. Pour bouffer peu de mots mais pesés un à un. Parce que Kim Thùy la femme pudique, faisant maintenant partie de notre paysage médiatique, a cette générosité de soulever le voile enveloppant son cœur de femme.
Sa vie de femme mariée, de maman, d’amie et de cuisinière, par sa plume, sonne comme une poésie du quotidien. Son écriture est pesée et posée, ses silences laissent respirer les mots. Ce qu’elle nous livre est concentré et concis. Avec un style de cette teneur, on s’attendait à de la retenue et de la pudeur et, ô surprise, non. Man lève le voile sur l’intimité de Kim Thùy. - critique complète ici.
7. Le mouvement naturel des choses Éric Simard
Pour la performance. Présenter un journal aussi intime, aussi long, aussi quotidien, avec autant de naturel et d’intérêt, il faut soit, avoir du talent, soit être d’un naturel captivant, ou soit, être vrai. D’après moi, ce sont les trois.
Une personne qui se donne à son lecteur à ce point-là m’impressionne. Le principal intéressé dirait probablement qu’il a posé des filtres, mais comparativement au commun des mortels, si peu. Éric Simard se livre par heure, par jour, par mois, lesquels finissent par donner des années (1989 à 1997), à partir de journaux intimes tenus avec passion. Comment faire tenir huit années dans 400 pages, tout en conservant la forme journal ? On parle de travail de réécriture ici. D’un puissant recul qui pousse la lucidité dans ses derniers retranchements. De don pour donner et tenir un rythme. - critique complète ici.
8. Les portes closes de Lori Saint-Martin
Parce que les histoires de couple, c’est passionnant. On cherche toujours à trouver leur secret. Parce que cet auteur écrit avec maîtrise. Parce que cette histoire de couple n’est pas banale, étant tous deux des artistes peintre.
À tour de chapitre, Philippe et Catherine se confient au mode « je », comme à un journal. Le lecteur arpentera trente-cinq années de vie d’un couple partageant le même toit, le même travail, les mêmes enfants. La juxtaposition de ces deux visions dévoile, pelure par pelure, la vie d’un ménage qui a persisté malgré la proximité. Jusqu’où doit s’étendre le jardin secret de personnes vivant si près une de l’autre ? Ce roman aborde de près, et avec habileté, les limites de l’intimité dans un couple. - critique complète ici.
9. En terrain miné de Roxanne Bouchard et Patrick Kègle
Pour la paix entre les êtres humains, avant la paix entre les peuples. Pour cette démonstration claire que l’on peut discuter, chacun sur son continent, sans s’être vus, avec des valeurs opposées. Parce qu’un terrain miné peut devenir un terrain d’entente. Parce que j’adore les correspondances.
Une auteure chez elle et un soldat en mission en Afghanistan se répondent sans jamais essayer de se convaincre, ce qui soulage le lecteur de tout semblant d’obstination. Voilà pourquoi je traite d’art ce recueil de lettres, le mot « recueil » se prêtant à une réflexion sereine. Ce recueillement, que j’ai senti se dégager de part et d’autre en fait un lieu, pas de réaction, mais plutôt de réflexion. Roxanne Bouchard finira subtilement par développer, ou aller en dénicher en elle de la compassion, de la solidarité, de l’empathie. Tandis que Patrick Kègle, homme pacifique par excellence déploie sa patience et son habileté à exposer et expliquer sa position, en utilisant un langage désarmant de naturel.
- critique complète ici.
10. Pourquoi moi ? Ma vie chez les Juifs hassidiques
Comment ne pas s’interroger devant un être qui a désiré autant se cloîtrer dans une religion qui me semble hermétique, bizarre, incompréhensible pour l’être libre que je tiens à être. Pour mieux connaître cet être, mieux comprendre une religion qui m’apparait étouffante. J’en sais beaucoup plus mais je n’en sais pas encore assez. Pour l’insaisissabilité du sujet.
Le récit se présente sous le mode d’un incessant questionnement. Pourquoi cet attrait soudain pour la religion en général, et cette religion en particulier ? Nous en apprenons beaucoup en entrant dans ces maisons où d’innombrables rituels complexes régissent la vie des hassidiques. Peu de Québécois ont été admis aussi chaleureusement, car peu ont aimé aussi sincèrement cette religion. L’auteure touche aux relations homme et femme, les enfants, la cuisine, les fêtes, les coutumes. C’est à travers de sincères échanges humains, d’ailleurs plusieurs amitiés naissent ou meurent en cours de conversion, que sont dévoilés les sens sacrés. L’auteure distille les informations progressivement, nous avons le temps de les assimiler et mets en relief d’importantes dissensions entre les diverses communautés hassidiques. - critique complète ici.