Ça avait failli bien commencer. Comme il est toujours plus drôle de voir tomber un matamore arrogant qu'une pauvre cloche, et que Sarkozy cumulait ces deux tares, François Hollande, sorti du chapeau après l'explosion de braguette de DSK, avait gagné les élections.
Voir un pépère à l'Elysée, ça nous changeait agréablement. On a toujours un peu de mal à se reconnaître dans un lapin Duracell ou un chihuahua vibrionnant. C'était rassurant, prometteur d'une main assurée sur le gouvernail, d'un chemin réfléchi et sans aventure, avec le label « gauche » qui devait nous protéger d'un recours trop fréquent à la marche arrière, de regards trop appuyés dans les rétroviseurs et de velléités passéistes comme celles qui agitaient le petit tressautant.
Certes, le pillage des ressources du pays favorisé par une conjoncture internationale fondée sur le racket et autorisé avec conviction par le gouvernement précédent avait mis la France dans une situation difficile. Le monde de l'actionnariat traitait les chômeurs d'assistés alors que c'était lui qui était assisté par la manne de nos impôts versés au secours des entreprises que des cohortes d'actionnaires et de spéculateurs avaient vidées de leur sang.
Pour remédier à tout cela, il fallait séparer les banques de dépôt et les banques d'investissement. Fermer la vanne qui versait notre argent à fonds perdu dans le tonneau des Danaïdes de la spéculation. Raté. Pas fait. Peur de toucher à la grosse machine.
Alors, ils nous ont donné un morceau du mariage gay. Pas tout. Juste le plus gros bout. Ça ne coûtait rien, et comme c'était une promesse dont on avait beaucoup parlé, qui avait suscité de belles manifs, et que ça énerverait bien les gros cons qu'on espérait pouvoir maîtriser, ils l'ont voté.
S'ils avaient imaginé les vagues que les crapauds de bénitier allaient réussir à produire dans le tranquille marigot politique, ils ne l'auraient peut-être pas fait. La preuve : ils viennent de renoncer pour la deuxième fois à la PMA, le morceau du mariage pour tous qui avait déjà été ajourné, pour la bonne bouche, et qui vient de se faire éjecter de la loi sur la famille, devant une pauvre levée de quenelles de morue.
Parce que, Pépère, on l'a voulu, eh bien on l'a. En fait, on aurait du élire Indiana Jones. Le problème, c'est qu'au PS (comme ailleurs en politique), il n'y en a pas. Le peu qu'il y a, comme dans tous les grands partis institutionnels, on les vire pour qu'ils ne fassent pas d'ombre aux autres, à la foule des médiocres. Un parti politique, ce sont des éléphants qui défilent de leur pas pesant en tenant par leur trompe la queue de celui qui les précède. Une file bien continue, pas qu'un importun vienne doubler à la lumière de sa lumière, justement, et vienne s'insérer à une place enviable sans avoir fait la queue comme tout le monde.
Comme à l'armée : nous on en a chié, faut que t'en chies. Si l'intelligence permet de réussir, que va devenir la foule des cons ? Alors, exit la PMA.
Il fallait aussi lutter contre le chômage. Pour ça, dans sa grande sagesse, le peuple français avait, par référendum, en 2005, repoussé par 54,7 % des voix le projet de constitution européenne qui déroulait le tapis aux spéculateurs pour faire fabriquer par les plus pauvres ce qu'on allait vendre aux plus riches. Du coup, comme les esclavagistes se seraient mis la différence dans la poche, les plus pauvres seraient restés les plus pauvres, et les travailleurs des pays moins pauvres se seraient retrouvés sur le carreau. Et les actionnaires se seraient démesurément enrichis. Fallait éviter, le peuple français l'a perçu, et a voté en conséquence.
A noter qu'une bonne partie du PS – dont Pépère-, était en 2005, favorable à cette constitution esclavagiste, et qu'à la suite du refus populaire, c'est le petit nerveux qui, deux ans plus tard, d'une grande louche de vaseline parlementaire, a introduit de force l'odieux incube dans le corps social français.
Et voilà maintenant que le Sénat, qui est à gauche, vient de protéger le droitiste Serge Dassault, lourdement convaincu de mélanger avec désinvolture fortune personnelle et vie politique, et de créer à Corbeil Essonne une enclave ploutocratique digne des contes et légendes.
Pure générosité, clament hautement l'intéressé, ses partisans et ses défenseurs. On s'en tiendra là tant que l’enquête en cours n'aura pas accouché, mais que peut donc produire tant de fumée si ce n'est pas un feu ? Nous voilà dans une situation paradoxale où l'on peut mettre Serge Dassault en examen, mais pas en garde à vue, et l'entendre seulement comme « témoin assisté » ? Il y a beaucoup de voleurs de bicyclettes qui voudraient bien bénéficier d'un tel statut.
On connaissait le plafond de verre dans les entreprises. Y en aurait-il un en politique ? On n'a jamais pu coincer Chirac pour les emplois fictifs, Sarkozy paraît intouchable sur le financement de ses campagnes, et le maire de Corbeille Essonne serait hors de portée de la justice de son pays ?
Et on s'étonne après que les « anti-système » fassent florès ? Bon, comme anti-système, Dieudonné, si j'en juge par le Canard Enchaîné de cette semaine qui parle de l’enquête de Tracfin lancée à son encontre, n'est convaincant que pour les gogos : le système, il l'a drôlement bien en main, que ce soit pour soulever des foules béates, pour mettre son grisbi en lieu sûr, et pour s'offrir de formidables publicités gratuites en semant les outrages humanistes comme des miettes de pain pour faire voleter autour de lui un essaim de journalistes affamés qui se disputent des miasmes de scandale pour becqueter...
Au moment où j'écris, le tribunal administratif, empêtré dans la lourde procédure qui le régit, n'a pu qu'autoriser le spectacle, et Manuel Valls s'expose personnellement en saisissant le Conseil d’État pour surenchérir dans cette triste escalade. Or on se souvient que les tribunaux administratifs ont peu de latitude d'appréciation, puisque celui de Perpignan, l'été dernier, déjà saisi par Dieudonné pour faire casser l'interdiction du spectacle par le maire, avait déjà dû l'autoriser.
Ce qui avait valu au maire UMP de la ville une caisse entière de lettres d'injures et de menaces, incluant une de Dieudonné in person, montrée ce midi au 13h. de France2, lui souhaitant « un cancer généralisé avant la fin du mois ».
La hauteur des arguments décrit fort bien le niveau de culture et de civilisation des auteurs. C'est bel et bien une bande de forbans qui tente de se tailler, par la menace et tout autre moyen que la justice et Tracfin s'attachent à définir, une position de groupuscule séditieux. Ceci dit, le règne des prédateurs est toujours éphémère. Dans la nature, il l'est au point qu'on les classe parfois en espèces protégées. Mais la civilisation est régie par l'humanisme, pas par la loi de la jungle. Ce monstre là disparaîtra comme les autres, même si son naufrage n'exclut pas qu'il en surgisse un jour de nouveaux...
Tiens, rayon intolérance et frustration, le leader des jeunes frontistes approuve la loi réprimant l'expression de l'homosexualité en Russie.
Il devra se débrouiller avec Steve Briois dont le caractère public de l'homosexualité vient d'être reconnu par la Cour d'Appel de Paris.
et avec quelques autres dont on ne manquera pas de baisser la culotte à la première occasion. Être homosexuel dans un parti qui n'exclut pas les homophobes dénote une hypocrisie et mauvaise foi incompatibles avec toute carrière politique ou publique. Qu'il se méfie qu'un jour, on ne vote une loi empêchant les crétins de faire propagande..