Pour une fois, je vais m’embarquer sur un sujet que je ne maîtrise globalement pas pour ne jamais y avoir été confronté personnellement. Je peux cependant en parler parce qu’il est omniprésent et constitue la première raison de préoccupation des populations et pas seulement en France. Mon seul lien avec lui reste l’actualité et évidemment la situation de quantité de proches pour lesquels le quotidien en est dramatiquement saturé.
Ce sont les images des futurs chômeurs de l’usine Goodyear d’Amiens-nord, retenant 2 chefaillons dans une salle de réunion, qui m’ont décidé. Le chômage est un sujet grave et délicat et j’ai cette grande chance, pour l’instant, de ne pas avoir à envisager cette situation. Mais j’en mesure la portée parce que, comme tout le monde, j’ai une famille à nourrir, des enfants à éduquer et à lancer dans le grand bain. Je n’ose même pas imaginer le cataclysme que constitue un licenciement, de surcroît dans certaines contrées déjà sinistrées, et passé un certain age. Rien que l’idée me fait trembler, moi qui, avec mon salaire garanti de petit fonctionnaire affecté aux taches d’exécution, compte chaque jour au centime près pour tenter de donner à ma descendance des armes contre ce fléau.
Alors, quand j’entends le monde politique quel qu’il soit parler de chômage et des solutions pour arriver au plein emploi, je bous. Dans les systèmes libéraux tels que ceux du moment, aux mains des puissances de l’argent, régis par la loi de l’offre et de la demande, il n’y a aucun intérêt d’y parvenir. Un volant élevé de chômeurs est primordial car il empêche de fait toutes velléités des travailleurs qui sont systématiquement cantonnés à l’état de demandeurs. L’employeur est tout puissant et impose ses conditions d’autant plus facilement que les demandeurs sont nombreux. Et comme l’épée de Damoclès de la perte d’emploi frôle les têtes, il n’y a quasiment plus de grèves et de manifestations. L’autorégulation, c’est cela. C’est ainsi qu’en 2013, les seules manifs ont été celles des chefs d’entreprises/pigeons/rapaces friqués défendant leurs fortunes trop facilement acquises, et de fachos/bigots effrayés que tous disposent de mêmes droits…Les vrais victimes de la crise ne battent plus le pavé. Et je persiste à le dire : le chômeur est d’abord une victime, statut parfois confirmé en raison des agissements peu scrupuleux des donneurs d’ordre. La sanction est immédiate, violente, abrupte et sans recours, avec des conséquences démesurées et à vie. Sans opposition, sans contrôle puisque dans le même temps on a asséché tous les corps de contrôle de l’Etat, tout devient possible et ordinaire. Parce que tout est possible pour cette catégorie de dirigeants. Ils ne connaissent pas la crise, et si jamais elle pointait le bout du nez dans leurs affaires, ils actionnent leurs réseaux et montent au créneau comme jamais pour ne subir aucune chute même minime de revenu. La crise, ce n’est pas pour eux, que les pauvres se débrouillent. Sous Sarkozy, on leur a fait et tenu des promesses sur mesure. Sous Hollande, menaces incessantes et lobbying agressif reçoivent bizarrement une oreille attentive. Mais quand un ouvrier défend son emploi et ses 1600 euros brut mensuel après 30 ans de labeur, maladie professionnelle comprise, toutes les portes se ferment et on lui envoie les CRS.
Le monde a la fièvre, et les dollars montent dans le thermomètre plus vite que le mercure. Les 300 premières fortunes de la planète ont vu leurs avoirs gonfler de 300 milliards de dollars. Pour Goodyear, la société a annoncé en février 2013 sa prévision de bénéfice de 1,4 milliard en même temps la fermeture de son site d’Amiens-nord. Et à y regarder de plus près, cet arrêt d’exploitation ressemble assez à une punition pour ne pas avoir, comme les ouvriers du site du même groupe d’Amiens-sud, accepté quelques menus sacrifices comme la réorganisation d’horaires en 4×8 qui est particulièrement perturbante pour la vie familiale. Quant aux bénéfices, bien réels, ils partent sous le manteau directement au Luxembourg pendant qu’on annonce que l’usine n’est pas compétitive. Du grand art.
Guère étonnant alors d’assister à ces secousses de personnalités. On se demande juste pourquoi cela n’arrive pas plus souvent. Et d’ailleurs, que faire d’autre devant le mépris affiché et l’absence de tout discussion ? Comment pourrait-il y avoir puisque dans la majorité des cas, il s’agit de soigner un cours de bourse, donc des actionnaires. Je comprends et soutiens toutes ces personnes abattues, aux yeux rougis de fatigue et de colère à force de se battre contre du vent. Que reste t-il à part secouer un peu les esclavagistes ou saccager son outil de travail pour solde de tous comptes ? Je comprends et serais même capable d’être en première ligne dans la bagarre parce qu’en restant bien gentiment dans la légalité, on ne récolte guère que des miettes. De toute manière, les mets de choix, on ne les aura jamais.
Mais parallèlement, s’en prendre à Hollande et Montebourg m’apparaît comme assez injuste. Dans cet espace mondialisé, il n’y sont pour rien dans l’attitude ignoble de Goodyear, de Mittal, de Total et autres grands profiteurs. Cela reste quand même la conséquence directe de ce que promeuvent les libéraux les plus acharnés de la «World Company» dont notre parti de droite dite populaire fait son fond de commerce : faire du pognon, vite et beaucoup, sans entrave, et quelles qu’en soient les conséquences. On y est. Puisque la casse est permise pour eux, cassons aussi.
Et évitons juste à l’avenir de leur redonner les clefs du camion.