Fabien est surveillant au Louvre. Il aime son métier. Il aime aussi Mathilde. Celle-ci le présente à sa famille, dans la vaste maison de campagne près d’Angers. Non sans appréhension, car le clan Benion est un peu spécial. Il y a son père, Louis, qui est à la tête depuis 1975 de l’entreprise familiale de meubles, fondée en 1947, et ses deux frères, Maxime, l’aîné, et Joseph. Ils ne sont pas méchants, plutôt maladroits et ont un humour qui n’est pas forcément subtil.
Le fait que Fabien travaille au Louvre est une coïncidence bienvenue, puisqu’ils viennent de retrouver au grenier, le tableau d’un aïeul, peint au XIXe siècle. C’est une affreuse toile représentant un pauvre clébard qui louche. Que vaut le travail de l’ancêtre ? demandent les Benion. Est-ce une croûte ou un chef-d’œuvre ? Fabien, bien emmerdé, botte vaguement en touche. Alors, pour les Benion, la cause est entendue, tant que l’inverse n’est pas prouvé, nul doute que le tableau ait sa place sur les cimaises du musée du Louvre ! On s’en amuse et Fabien espère que tout ça n’est qu’une lubie. Jusqu’au jour où, les deux frangins débarquent au Louvre et s’enquièrent de ses démarches. Le Chien qui louche au Louvre serait la preuve de son engagement pour marquer son entrée dans la famille Benion ! Alors là, Fabien est très mal. C’est de Monsieur André Balouchi que viendra son salut. Il est l’un des visiteurs les plus assidus du musée et fait partie de la très secrète République du Louvre, qui s’intéresse au bizarre, à l’aléatoire, à l’improbable… De quiproquos pittoresques, en malentendus drolatiques et autres hypothèses irréalistes, Le Chien qui louche sera pourtant bel et bien accroché, et de façon définitive, dans l’une des salles les plus fréquentées du musée, tout près, très, très près même, du Radeau de la Méduse de Géricault… ! Et les Benion, en rangs serrés, de passer de l’autre côté de la Seine, à la conquête de l’Académie Française ! Mais oui, on ne vous a pas tout dit : l’aïeul a aussi commis quelques écrits…
Cet album est une magnifique chronique sociale, comme le sont souvent les ouvrages d’Etienne Davodeau. L’histoire qui peut, à première vue, paraître simple, arrive à combiner différentes intrigues, qui permettent, une fois de plus à l’auteur, de s’en sortir brillamment.
Tout d’abord, Davodeau aborde avec humour et précision la sempiternelle question : Qui ou qu’est ce qui fait qu’une œuvre mérite sa place au musée ? C’est une remise en question sur le point de vue de chacun, qui est-on pour juger l’œuvre d’une vie ?
On trouve ensuite dans ce récit, l’idée farfelue du cambriolage à l’envers tel que l’avait réalisé l’artiste britannique Bansky. Pour ceux qui ne connaissent pas, en 2005, il réussit à placer des œuvres factices dans plusieurs américains (dont le MoMA et au musée américain d’histoire naturelle de New York !) et britanniques (dont le British Museum !). Il s’agissait d’un dessin au fusain d’un homme préhistorique. Davodeau fait le même « casse » avec sa république du Louvre et son Chien qui Louche.
Tout ceci sur fond d’histoire d’amour et d’intégration. Jusqu’où Fabien est il prêt à aller pour se faire accepter dans sa belle-famille ?
Autant de questions qui trouvent réponse dans cet excellent album, illustré de façon classique pour l’auteur, mais, qui permet à l’œil averti de le reconnaître dès la première page. On ne cherche pas dans le dessin d’Etienne Davodeau autant de détails que pour d’autres auteurs, le but n’étant pas là ! Ses illustrations sont au service d’une remarquable histoire.
A quelques jours du festival d’Angoulême où cet album est nominé, je ferais bien du Chien qui Louche mon favori.