Les Nuits d’Angelin Preljocaj
Au Théâtre National de Chaillot, du 3 au 19 janvier 2014
© Jean-Claude Carbonne
S’inspirant des contes des Mille et Une Nuits, Preljocaj nous imbibe des saveurs orientales. Il choisit la musique de Natacha Atlas pour guider les rythmes, entre mélodie arabe et rythmes occidentaux, la scénographie de Constance Guisset et les costumes de Azzedine Alaïa , offrant sensualité et magnifique spectacle visuel.
Il revisite le mythe de Shéhérazade, la conteuse des Mille et Une Nuits, qui use de sa ruse pour faire cesser les massacres du roi de Perse, Shahryar. Ce dernier, ayant exécuté sa femme pour cause d’infidélité, se met dans la tête que toutes les femmes sont perfides. Pour se venger, il décide d’épouser chaque jour une nouvelle femme vierge et de la tuer le lendemain matin des noces. Shéhérazade s’étant présentée comme prétendante, met à contribution ses talents de conteuse. Le soir des noces, elle raconte au roi une histoire palpitante sans la terminer. Le lendemain, son époux désire tellement connaître la suite de l’histoire qu’il lui laisse la vie sauve pour une journée de plus…et cela dura 1001 nuits, au bout desquelles le sultan décide de garder Shéhérazade, ayant retrouvé sa bonté de coeur et d’esprit.
Autant dire que la femme détient le rôle titre dans la pièce de Preljocaj.
© Jean-Claude Carbonne
Les critiques parues dans la presse, telles que celle du Figaro ou du Monde, sont mitigées quant à la présence d’une sensualité trop exagérée et des relations homme-femme stéréotypées. J’ai quant à moi, été bouleversée par les chorégraphies qui ne laissent pas un seul instant l’esprit dériver : les corps sont épris d’une chaude sensualité, certes, mais c’est en tout propreté et esthétisme visuel. Les femmes ne tiennent pas un rôle dominant : c’est en revanche l’énergie féminine qui, il me semble, prime, et dont les deux sexes s’imprègnent indifféremment.
bain »hammam » dès l’ouverture : hommes et femmes se tortillent avec la fumée, le corps quasiment dénudé. S’en suivent des duos chorégraphiés avec un érotisme magique, dignes du baiser du Parc de ce même grand chorégraphe, où les mouvements, même saccadés, paraissent onduler. Quand les tapis volant s’invitent sur scène, c’est alors jeux de pieds enfantins et humour qui prennent le pas. Preljocaj mise sur le dos d’une de ses danseuse, qui nous hypnotise à lui seul par sa souplesse animale le temps de quelques minutes. Les scénographies se succèdent tel un album photo. Les décors sont minces mais en imposent. Je pense notamment à ces jarres sur lesquelles les femmes sont posées telles des mantes religieuses, ou encore ce jeux de grilles superposées, qui me font cruellement pensé à un numéro du Crazy Horse.
Entre cabaret charnel, charme à l’oriental et onirisme, Preljocaj retient nos âmes.