Savile Row : l’élégance à l’anglaise" border="0" title="CULTURE > Savile Row : l’élégance à l’anglaise" />
Tailoring at Henry Poole and Co./London 1944
Si James Bond a vulgarisé le nom dans les années 1960, Savile Row recouvre une toute petite partie du quartier luxueux de Mayfair, proche de Buckingham Palace à Londres. Par un clin d’œil de l’histoire, les tailleurs les plus prestigieux au monde s’y trouvent regroupés sur un peu plus d’un kilomètre carré appelé legolden mile (cher aux initiés).Il faut remonter au début du XVIIIe siècle pour trouver l’origine de Savile Row. A l’époque, le comte de Burlington s’était offert un palais dans Picadilly, puis l’homme donna à la rue passante derrière sa propriété (devenue aujourd’hui l’Académie Royale des Arts) le nom de son épouse Lady Dorothy Savile. La proximité des demeures royales -St. James jusqu’en 1761, puis Buckingham Palace- et la cour qui les accompagne a favorisé la construction de nombreux palais qui ont élevé la réputation prestigieuse du quartier londonien. Les tailleurs, militaires d’abord et civils ensuite, ne s’en sont emparés qu’au XIXe siècle, après que la révolution française eut balayé les tenues de cour -conçues de soies, de velours et de broderies, brocards, damas et autres enluminures- et que George Brummell ait inventé le dandysme à travers le culte de l’élégance masculine. Initialement fondé sur les tenues équestres et champêtres, Brummell a déclenché l’ouverture des premières maisons de couture bespoke (sur mesure), promptes à adapter l’art tailleur à la demande.C’est à l’une d’entre elles, Henry Poole, proclamé "fondateur de Savile Row", que l’on doit l’identité particulière du golden mile. Fort d’un titre à peine officieux, Henry Poole est devenu l’homme fort du Row, personnalité influente qui recevait et conseillait tout ce que l’Angleterre comptait de personnalités influentes. Une renommée équivalente, pour bien des élégants britanniques, à celle d’Anderson & Sheppard. Créée en 1806 par James Poole sous la direction de son fils Henry, le tailleur a joui d’une image sans cesse grandissante durant tout le XIXe siècle, et s’est imposée comme la maison de toutes les monarchies européennes. Celui qui devait devenir l’un des tailleurs les plus célèbres d’Angleterre possédait une simple boutique de nouveautés au début de sa vie. En 1806, son père James s’est, lui, installé comme tailleur militaire. Engagé dans les guerres napoléoniennes, il s’y est distingué par la qualité de ses uniformes, qu’il confectionnait lui-même. Ce qui lui valut l’admiration -et surtout la clientèle- des officiers de sa gracieuse Majesté. De retour à la vie civile, Sir Poole retrouva son affaire dans laquelle il eut vélocement l’occasion de présenter ses créations à la reine Victoria, séduite par leur élégance et leur qualité.Sir Henry, qui l’avait rejoint dans les années 1830, poussa la maison familiale à contenter une clientèle plus moderne. A la disparition de son père, en 1846, Sir Henry pris une décision majeure : il décida de déplacer l’entrée de la boutique familiale, alors située sur Old Burlington Street, sur Savile Row.
Familier des cercles royaux, Henry Poole l’était également de celle de l’empereur Napoléon III, dont il signa certains uniformes. Si ce carnet d’adresses enviable fit sa fortune, il causa également sa perte ; le montant des factures royales irrécouvrables menaçait l’entreprise de faillite, jusqu’à sa mort, en 1876. A cette époque, déjà, la coupe Poole était affirmée et identifiable au premier coup d’œil, les gentlemen reconnaissant les vestes dépourvus de doublures de dos, le col et les revers caractéristiques, mais aussi et surtout cette épaule naturelle presque dépourvue de padding résultant du montage tout en finesse de la tête de manche et de la répartition de l’embut.D’Edouard VII à Elisabeth II, les monarques britanniques ont toujours renouvelé leur confiance en cette maison, qui est la seule à pouvoir s’enorgueillir de quarante Royal Warrants (certificats royaux) attestant sa qualité de couturier officiel de la famille régnante. Par les fenêtres des sous-sols on aperçoit encore le département des livrées, qui confectionne les uniformes de la maison royale.FG