Vers la connexion globale (4)
Voilà donc l’humanité qui passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent.
Avec Internet, c’est un nouveau type de cellule qui émerge, composé d’êtres humains qui échangent de l’information et collaborent, ce sans qu’aucun centre ou processus de décision unifié et centralisé n’existent. Comme l’a écrit Michel Serres, « le connectif remplace le collectif » (1). Que donnera ce connectif et que deviendra-t-il demain ?
Ceci n’est pas sans conséquences vis-à-vis des structures politiques qui régissent aujourd’hui les relations humaines. Elles sont toutes construites autour de la géographie et de l’adresse physique des personnes, et sont déstabilisées en profondeur par la naissance des hommes élargis et par l’émergence de systèmes auto-organisés multiples. Sans parler du poids croissant pris par les entreprises globales.
Le politique est donc à réinventer : il faut trouver les nouvelles lois du Neuromonde, des « neurolois » pour un Neuromonde ?
Toutes ces propriétés émergentes vont-elles toujours naître volontairement et de façon contrôlée ? Je ne le crois pas. Je pense que les mécanismes actuels sont en train de nous échapper, et de donner naissance à des forces qui dépassent ou dépasseront notre intelligence individuelle : comme les fourmis de feu, nous sommes en train d’inventer des radeaux qui décupleront notre puissance et prolonger notre survie, sans que nous puissions analyser dans le détail comment ils se créent.
Comment vont s’articuler les Matriochkas infiniment complexes et mouvantes de l’auto-organisation 2.0 ? Sans parler de ce qui va suivre, et dont nous n’avons simplement pas idée… C’est un défi dont nous ne sommes qu’à l’aube.
(1) Michel Serres, Le temps des crises, p.20
(extrait des Radeaux de feu)