Pour réussir une romance, il vous faut une jeune femme seule à la vie sentimentale inexistante. Une jeune femme jolie mais sans plus, loin de la gravure de mode. Ensuite il faut que cette jeune femme rencontre un homme. Pas n’importe lequel, l’homme avec un grand H. Évidemment, il est plein de charme. Beau comme un dieu grec. Un corps d’athlète, fortement membré et particulièrement performant au lit. Ici, l’homme idéal est un lettré. Un choix original et judicieux qui change du pompier ou du magnat de la finance. Il embrasse divinement bien, sent très bon (l’hygiène douteuse n’a en effet pas sa place dans une romance, c’est compréhensible) et en plus, dixit Émilie, la jeune femme qui va lui succomber, « il a un cul sublime. » Samuel, l’homme idéal d’Émilie, est également attentionné, prévenant, intrusif mais pas trop, drôle et sensible. Bref, comme d’habitude, c’est un héros de science-fiction mais ça fait du bien de croire que de tels hommes existent et qu’en plus ils sont célibataires.
Je ne vous raconterais pas l’évolution de leur histoire, somme toute classique mais fort bien construite. Ce que j’ai apprécié particulièrement, c’est la légèreté de l’ensemble. Les choses sont simples et amenées sans chichi, les relations entre les personnages féminins sentent le vécu à plein nez. En plus il y a des situations et des répliques qui font sourire, ce qui est rare avec des textes de ce genre. On évite d’alourdir le propos comme c’est souvent le cas ailleurs avec des fêlures d’enfance mal cicatrisées et un bellâtre qui, sous sa carapace indestructible, cache une personnalité fragile et tourmentée. Le genre de trucs qui me donne envie de m‘enfoncer deux doigts dans la gorge pendant la lecture. Un récit que l’on sent travaillé, beaucoup plus écrit qu’il n’en a l’air au premier abord mais qui pour autant ne se prend pas plus au sérieux que nécessaire et franchement ça fait du bien.
Maintenant il y a quelques petites choses qui m’ont agacé. Le Name Dropping permanent donne peut-être davantage de réalisme mais personnellement je trouve le procédé sans intérêt. Ensuite les filles se moquent des petites bites et des éjaculateurs précoces, et ça c’est pas bien (même si je ne suis absolument pas concerné, entendons-nous, je me dois d’être solidaire avec les pauvres hommes qui n’ont pas eu la chance d’être aussi solidement dotés par la nature que moi). Enfin le provincial que je suis ne peut que s’insurger contre les clichés très parisianistes d’Émilie et de sa sœur qui, se rendant chez leurs parents en banlieue, ont l’impression d’aller au bout du monde dans une sorte de no man’s land où toutes les maisons sont identiques et où l’ennui semble être la seule philosophie de vie possible. Un peu facile et gratuit tout ça...
Bon allez, pour autant et même si ça me coûte, je vais tomber le masque et avouer que ce petit roman m’a bien plu. Qu’à chaque fois que je prenais ma liseuse pour retrouver Émilie, ses copines et le beau Samuel, je le faisais avec plaisir. Que je vais proposer à ma femme de le lire et que je suis certain qu’elle va adorer. Bref que la qualité de ce texte est de loin supérieure aux romances dans lesquelles j’ai mis le nez jusqu’alors.
Maintenant je dois aussi dire que j’ai trouvé la fin trop abrupte. On laisse nos deux tourtereaux sur leur petit nuage mais j’aurais aimé les revoir quelque temps plus tard, quand monsieur n’hésitera plus à péter au lit et à se gratter les roubignoles sous les yeux de sa dulcinée parce qu’« après tout, chérie, on a plus rien à se cacher. » En gros quand il jouera franc jeu et deviendra un homme comme les autres. Vous ne pensiez quand même pas que j’allais finir ce billet sans une pointe de cynisme, non, n’oubliez pas que j’ai une réputation à préserver.
L’homme idéal (en mieux) d’Angela Morelli. Harlequin, 2013. 207 pages. 3,99 euros (livre numérique).
Une première lecture commune de l'année qui me voit particulièrement bien entouré puisque j'ai le plaisir de la partager avec Liliba, Noukette et Sara.