Avec : Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, Peter Graves, James Gleason, Gloria Castillo, Don Beddoe, Evelyn Varden...
Genre : Drame - Thriller.
Origine : États-Unis.
Durée : 1 heure 33.
Date de sortie : 11 mai 1956.
Synopsis : Un prêcheur inquiétant poursuit dans l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol et meurtre. Avant son incarcération, le père leur avait confié dix milles dollars, dont ils doivent révéler l'existence à personne. Pourchassés sans pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes.
Bande annonce française
"Mon petit gars, tu regardes mes doigts. Aimerais-tu que je te raconte l'histoire de la droite et de la gauche ? L'histoire du bien et du mal. Ça, c'est la haine. Et c'est avec cette main gauche que le frère Caïn tua Abel qui était aimé de Dieu. Ça, c'est l'amour. Voyez ces doigts, chers cœurs, ces doigts ont les veines qui les relient à l'âme humaine. L'amour, c'est cette main, c'est la main droite. Regardez , c'est là l'image de la vie. Ces doigts, chers cœurs, sont toujours en lutte les uns contre les autres. Regardez-les. Voilà la main gauche, frères, la main gauche de la haine au combat, qui écrase celle de l'amour. Mais patientez, patientez un instant. La chaleur de l'amour vaincra, oui, Seigneur, c'est l'amour qui l'emporte, tandis que la main de la haine doit s'avouer vaincue."
Il m'en aura fallu du temps mais j'ai enfin réussi à découvrir ce mythique "La nuit du chasseur". Après en avoir entendus de très bons échos à de nombreuses reprises et après avoir lu son synopsis, ce film avait tout pour me plaire et bien que je possédais le blu-ray, je n'avais jamais franchi encore le pas avant aujourd'hui où j'ai pris le temps de m'installer bien confortablement pour le découvrir.
Et je ne regrette pas cette découverte tout comme je ne regrette pas mon investissement dans ce blu-ray d'une très grande qualité. J'ai vraiment beaucoup aimé ce scénario écrit par James Agee et Charles Laughton d'après le roman de Davis Grubb. Pourtant, en étant pas mal axé sur la religion, le long métrage aurait pu me perdre mais ça ne fut jamais le cas. Bien au contraire, j'ai été captivé de bout en bout par ce thriller intense où le suspense est maintenue jusqu'au bout. Bien sûr par moment j'ai quand même regretté cette omniprésence de la religion (j'y peux rien j'ai beaucoup de mal avec ça au cinéma surtout quand je trouve ça trop lourd) mais cette lutte entre le Bien et le Mal avec ce croque mitaine moderne terrifiant fait que j'ai été passionné par cette intrigue.
Partant d'une base assez simple (un truand fanatique qui veut récupérer un butin), le scénario nous livre un thriller haletant placé sous le point de vue de l'enfance qui rend le film encore plus noir, plus terrifiant. Très bien écrit, on se sens alors nous aussi en danger tout en regardant se portrait acide d'une société rurale qui confine l'intrigue au strict nécessaire et évite de nous perdre. Il y à parfois un petit ton moralisateur je trouve mais qui ne se trouve jamais condescendant et colle plutôt bien avec ce récit même si pour ma part, même si il y à beaucoup de choses à débattre entre les lignes, c'est surtout le thriller en lui même et le sort des enfants qui m'intéressait.
Et si le film à un statut de classique, il le doit aussi en partie grâce à Robert Mitchum qui nous offre tout son talent au service de ce film. Dans la peau du complexe révérend Harry Powell, l'acteur se révèle être aussi charismatique que terrifiant même si aucune ambiguïté n'est possible sur les intentions de son personnage. Le comédien porte en tout cas une grande partie du film sur ses épaules avec ses tatouages sur les mains aussi mythique que son rôle en lui même. J'ai beaucoup aimé la façon dont il jouait sur plusieurs tableaux avec son côté manipulateur et son côté plus féroce qui attaque de façon assez brutale. Parfois, ça sonne un peu faux dans la gestuelle je trouve (la scène dans l'escalier où il ne réussit pas à rattraper les enfants tout comme celle dans le marais par exemple) mais ça s’intègre quand même avec la recherche de tension que l'on cherche à faire véhiculé. C'est en tout cas très bien compensé par le regard lourd et le timbre de voix expressif de Robert Mitchum qui donne ses lettres de noblesses à son personnage.
Face à lui, j'ai beaucoup aimé le jeu des jeunes acteurs à savoir Billy Chapin et Sally Jane Bruce, respectivement John Harper et Pearl Harper. J'ai une petite préférence pour le premier qui s'en sors un peu mieux je trouve dans le rôle du grand frère qui va tout faire pour protéger ses proches et tenir sa promesses, mais j'ai beaucoup aimé la naïveté et l'innocence de la seconde qui ne s'en sors pas trop mal non plus même si elle n'as pas toujours conscience du danger qui entoure son personnage. Les deux jeunes comédiens m'ont en tout cas beaucoup plu et on la bonne repartie je trouve face à Robert Mitchum qui n'étouffe jamais le reste du casting et fait que l'on sens bien le regard de cette histoire vis à vis des proies et non vis à vis du prédateur.
Sinon, j'ai trouvé Shelley Winters un peu plus légère en Willa Harper. Non pas que son personnage ne m'as pas plus mais je ne l'ai pas trouvé toujours bien exploité et j'ai même trouvé qu'elle avait un petit côté détestable lors de ses dernières apparitions dans cette intrigue. Ça n'as pas gâché mon plaisir c'est juste que j'ai trouvé l'évolution de son rôle et la façon de l'interprété cette évolution trop brutale. En revanche, même si elle arrive un peu tardivement, j'ai adoré Lillian Gish en Rachel Cooper. J'ai aimé la force de caractère de son personnage et le jeu de la comédienne qui m'as beaucoup plu.
Rien à redire concernant le reste du casting. Chacun fait ce qu'il a à faire avec pas mal de réussite. C'est ainsi par exemple que même si on le voit peu, j'ai bien aimé l'apparition de Peter Graves (le futur Jim Phelps dans la série télévisée "Mission : Impossible" ;-) ) en Ben Harper. Gloria Castillo en Ruby m'as un peu agacé dans son comportement que je trouvais un peu excessif et j'ai bien aimé le couple Don Beddoe et Evelyn Varden, respectivement Walt Spoon et Icey Spoon, que j'ai trouvé assez attachant et tendre même si ils n'ont pas non plus un très grand rôle dans cette histoire. J'ai adoré aussi James Gleason en Birdie Steptoe, très touchant et qui m'as beaucoup fait rire au point que je n'aurais rien eu contre le voir un peu plus.
Premier et unique vrai long métrage de Charles Laughton (il réalisa seulement quelques scènes de "L'Homme de la Tour Eiffel"), j'ai beaucoup aimé le travail qui à été fait sur la mise en scène. Bien sûr la qualité inouïe de restauration faite sur mon blu-ray donne un coup de jeune à ce film qui du coup vieilli très bien mais on ressens quand même malgré tout la prouesse technique qui à été faite à l'époque sur ce film et notamment sur l'excellent travail fait sur la lumière avec des jeux d'ombres saisissant. La photographie est vraiment d'une très grande beauté et les plans s'enchaînent avec une très bonne fluidité ce qui fait que l'on ne s'ennuie jamais et qu'on reste en haleine jusqu'à la fin.
Il y à aussi un très bon travail qui à été fait sur l'exploitation des décors. Bien mis en avant justement par cette très belle lumière, j'ai beaucoup aimé la maison des Harper par exemple mais aussi l'exploitation de l'espace comme lors de la scène dans la grange où on voit le cheval de Powell au loin que j'ai trouvé d'une très grande beauté. Dans la noirceur de cette histoire, il y à une poésie macabre qui en ressors avec certaines scènes qui pourraient même faire office de tableaux de par leurs maitrises. Le montage est en tout cas très bien réussis et apporte beaucoup aussi au rythme de ce long métrage.
J'ai bien aimé aussi le travail fait sur le maquillage des comédiens. On ressens bien les différents traits des visages et avec la lumière cela accentue même encore un peu plus leurs différentes expressions ce que j'ai apprécié même si parfois c'est peut être un peu trop appuyé notamment lorsque le personnage de Powell joue la comédie au point qu'on se demande quand même pourquoi ceux qui sont face à lui ne se rendent pas compte de son double jeu. Quant à la bande originale composée par Walter Schumann, elle est elle aussi très bonne et apporte aussi un certain lyrisme à cette histoire sans pour autant en faire trop dans les violons à quelques exceptions près (la scène avec le train où la découverte sous l'eau de l'Oncle Birdie).
Pour résumer, je suis vraiment content d'avoir enfin pu découvrir ce mythique film qu'est "La nuit du chasseur" et je comprends un peu mieux l'aura qu'il peux avoir auprès des cinéphiles. Œuvre puissante, thriller noir intense, ce film m'as captivé de bout en bout avec son histoire très prenante porté par un Robert Mitchum dans l'un de ses plus beaux rôles et par la mise en scène de Charles Laughton éblouissante qui nous fait même regretter qu'il s'agisse là de sa seule et unique vraie réalisation. Première et dernière réalisation certes, mais un chef d’œuvre du cinéma malgré tout qui vaut le déplacement et qui mérite d'être vu au moins une fois. Pour ma part, je me le rematterais en tout cas avec beaucoup de plaisir.