De fait, il s'est trouvé un noyau dur d'inconditionnels mêlant antisémites "de souche" opportunément reconvertis en farouches défenseurs des Palestiniens et soi-disant musulmans issus de l'immigration arabo-africaine, les uns et les autres ayant en commun la haine du "sionisme". Un public qu'il a fallu satisfaire à coups de provocs, de dérapages sciemment construits, genre Faurisson en habits de déporté. Un public qui en redemande.
Passons sur l'énergie que déploie actuellement le gouvernement pour faire disparaître le vilain-pas-beau du paysage, acharnement que la Ligue des Droits de l'Homme considère très justement comme contre-productif: n'eût été la malencontreuse cabriole de Michael Schumacher sur les pentes de Méribel, Dieudonné serait en France le "people" le plus en vue du moment.
Et notons qu'il y a des signes qui ne trompent pas: cela fait maintenant plusieurs semaines que le "ravi" du Théâtre de la Main d'Or fait la "une" admirative de l'hebdomadaire Rivarol, journal qui, pour faire court, se situe quelque part entre la droite et l'extrême-droite du FN. C'est un signe car les rédacteurs de cet hebdo en connaissent un rayon côté "antisionisme" et savent à coup sûr distinguer un vrai bouffeur de Juifs, où qu'ils soient et quoi qu'ils fassent ou disent, d'un d'humaniste mou du genou simplement choqué par le sort fait aux Palestiniens. Dieudonné a passé le test avec succès, bon pour le service, le voilà désormais enrôlé du côté des pourfendeurs de l"Anti-France".
Mais ce "signe", en même temps, donne à penser.
D'une part, accessoirement, parce que "Rivarol" ne manqua pas, en d'autres temps, de dire tout le mal qu'il pensait de la décolonisation et tout le bien qu'il fallait penser du régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Voilà, aujourd'hui, qu'il se met à encenser un Noir tout noir affublé d'un patronyme tout ce qu'il y a de plus post-colonial. Tout fout le camp, ma pauvre dame.
D'autre part, surtout, parce que comme le disait Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui: faute de quoi ce ne sont pas seulement les limites de l'intelligence que l'on franchit mais aussi, potentiellement, celles qu'on fixe à l'image que l'on veut donner de soi. Naguère, un Dieudonné habillé en "Klansman" provoquait tout autant qu'un Semoun en SS, mais il était entendu que l'homme originaire du Cameroun ne portait pas davantage dans son coeur les Sudistes au crâne pointu que le Juif ne chérissait les défenseurs de la "race supérieure". Désormais, au vu de l'admiration qu'il suscite chez les excités de l'Occident hélléno-chrétien (sic), ce costume ne lui va rétrospectivement pas si mal.
Dieudonné M'bala M'bala a bien, tout compte fait, suivi une "filière d'intégration accélérée". Mais à un moment, il s'est gouré de porte. Le voilà intégré à une France rancie, aigrie, haineuse, paranoïaque. Il fut un temps où Dieudonné faisait légitimement rire. Mais à l'époque on ne savait pas que c'était avec un n'importe qui, qui finirait par faire n'importe quoi.
Bonne année à tous, cela étant.