Le corps des tirailleurs sénégalais a été formé au milieu du XIXe siècle dans les colonies françaises d’Afrique subsaharienne, et pas seulement au Sénégal. Les soldats qui forment ce corps, avant de servir de chair à canon dans les tranchées de 14-18, ont notamment combattu aux côtés des troupes françaises au Maroc, lorsque celui-ci s’est retrouvé bien malgré lui protectorat (donc colonie) de la France. Après les opérations militaires, des tirailleurs ont été rapatriés à Marseille, d’où ils ont pris le paquebot qui les ramenait au pays. C’est ce départ qu’évoque un article du Petit Journal, en bas de première page.
257 tirailleurs, pour certains accompagnés de leur famille (104 femmes, surnommées "Mesdames Tirailleurs", et 59 enfants, selon le décompte du journal), ont quitté Marseille "avec une joie non dissimulée" au début du mois de janvier 1914. L’auteur de l’article affirme dès le départ que les Sénégalais portaient de "l’amour" pour "le grand pays des blancs", mais ils ont néanmoins souffert de la rudesse de l’hiver : "habitués au brûlant soleil des tropiques, les Sénégalais ont souffert beaucoup du froid qui sévit sur notre région depuis une huitaine de jours". Malgré la générosité dont semblent avoir fait preuve les Marseillais à leur égard, leur apportant "mille friandises et des vêtements chauds", ainsi que des couvertures, les tirailleurs et leur famille sont restés à grelotter dans leurs chambrées.
Certains tirailleurs sont cependant restés à quai, ou plus précisément à l’hôpital, où ils devaient recevoir des soins avant d’affronter le voyage, "mais ils ne seront guéris réellement que lorsqu’ils auront retrouvé le bon soleil de leur pays".