[Critique] BLACKFISH

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre Original : Blackfish

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Gabriela Cowperthwaite
Distribution/Intervenants : John Hargrove, Samantha Berg, Mark Simmons, Carol Ray, Dean Gomersall, John Jett, Dave Duffus, Howard Garrett, John Crowe …
Genre : Documentaire
Date de sortie : 19 janvier 2013

Le Pitch :
Vers l’âge de 2 ans Tilikum fut capturé et enlevé à sa famille, afin d’être exporté vers un parc aquatique aux États-Unis. Il sera ensuite placé à Sea World. Depuis sa détention, Tilikum a tué trois personnes. Retour sur l’enfance et l’histoire de cette orque mâle constamment victime de maltraitance depuis sa capture…

La Critique :
Blackfish est sorti le 19 janvier 2013 sur les écrans américains. À lui tout seul le film a déclenché une avalanche de questionnements quant à la captivité des orques dans les parcs aquatiques, et de manière plus générale quant à la captivité des animaux sauvages tout court. Des questionnements ont également été soulevés sur les intérêts financiers des industries des delphinariums jusqu’alors prospères. Une prospérité dorénavant toute relative, car après les interrogations vinrent les protestations, qui à ce jour n’ont pas cessé et se sont même faites grandissantes. On peut d’ailleurs dire que l’organisation Sea World qui naquit le 21 mars 1964 à l’ouverture de son premier parc et qui dispose aujourd’hui de trois sites aux États-Unis, est peut-être entrain de vivre ses derniers instants.

En Europe la situation est différente. En effet, la mobilisation autour de ce sujet n’est pas là et pour cause, à ce jour Blackfish n’a toujours pas été distribué en France par exemple. Et cela en dépit de ses nombreuses présentations à travers le monde lors de prestigieux festivals, dont celui de Sundance (sélection officielle) et des prix qu’il a obtenu. Il serait intéressant de se pencher sur les raisons de ce blackout notamment lorsque l’on connait les bénéfices engrangés par les delphinariums en France, en Europe, ou ailleurs.

Appuyé par de nombreux témoignages d’anciens dresseurs, d’anciens gestionnaires de parcs aquatiques, ou encore de spécialistes qui ?uvrent contre la captivité de ces cétacés, ce documentaire tout à fait brillant, nous amène aux racines d’un business qui n’est que peu reluisant. Ainsi nous plongeons aux prémices de l’histoire de Tilikum, l’orque captive de Sea World Floride, qui à ce jour est impliquée dans la mort de trois personnes, dont la dernière en date a eu l’effet d’une bombe. Le 24 février 2010, Tilikum n’obtempéra pas aux ordres de sa dresseuse Dawn Brancheau puis entraîna cette dernière par le fond, mettant ainsi fin à sa vie. Et c’est au commencement de l’histoire tragique de Tilikum que le spectateur est amené, lorsque cette orque mâle seulement âgée de deux ans fut enlevée violemment à sa mère et à sa famille, puis placée dans un parc aquatique insalubre et minuscule (Sealand) pour finalement arriver à Sea World. Et durant toute son évolution Tilikum a connu plusieurs souffrances physiques et psychiques.

Les images d’archives qui parsèment le film sont là pour attester du fait que les premières orques ont été capturées dans des conditions franchement inhumaines. Ce n’est pas pour rien que Blackfish a fédéré autour de lui. Ce dernier a permis de rendre visible à un plus grand public, les images atroces et terriblement déchirantes des pratiques de capture, et du mode de vie des cétacés en captivité. Pour la suite, on connait l’histoire, inséminations artificielles et consanguinité sont la norme afin de perpétrer le business de ces industries qui tablent sur des bénéfices toujours plus gros. De cette façon artificielle, des familles d’orques sur mesure sont ainsi recréées. Ces dernières qui de toute façon dépériront lentement (si mère et enfant ne sont pas séparés pour diverses raisons), au sein de ces étroits bassins d’eau chlorées.

Blackfish est fascinant dès les premières secondes. Le teaser et la bande-annonce donnaient déjà le ton d’un grand documentaire digne de ce nom. Digne de ce genre qui bouscule le spectateur et les idées reçues pour amener à une profonde réflexion. Les images qui illustrent les sévices physiques et les traumatismes psychologiques que subissent ces animaux sont difficiles à supporter. Au visionnage, un fort sentiment d’injustice naît face à ces nombreuses abominations qui continuent d’exister dans le seul but d’engranger un maximum d’argent.

Le film est viscéral, les sentiments qu’il provoque chez le spectateur aussi. La gorge serrée on entre totalement dans l’histoire pour se laisser submerger. Comme happé dans la narration, il est difficile de décrocher ne serait-ce qu’une seconde, tellement l’histoire est prenante. La musique toujours appropriée qui est très présente tout le long, appuie cette sensation.

L’intelligence du documentaire et de sa talentueuse réalisatrice Gabriela Cowperthwaite réside dans son traitement non manichéen du propos, car la faute n’est pas rejetée sur les dresseurs de manière générale, mais plutôt sur l’avidité de certaines industries qui bradent aisément leur humanité pour quelques billets. Et quelques billets en réalité c’est peu dire ! Les intérêts économiques générés par les delphinariums sont colossaux, il est bel et bien question de millions. Et dès lorsqu’il s’agit d’argent à foison, la question de l’éthique est souvent balayée d’un revers de la main.

Passionnant de bout en bout, Blackfish alterne donc les divers témoignages, les images d’archives ou encore brièvement les reconstitutions de procès. Par le biais de tous ces supports, le documentaire concis et efficace, est une véritable enquête menée d’une main de maître, qui glace le sang et perturbe. Certains passages semblent même extraits d’un thriller noir, ce qui confère au film une atmosphère bien particulière et tout à fait captivante.

L’équilibre parfait parmi les multiples tons donnés est tout de même trouvé, afin d’offrir à Blackfish une dimension unique. Ainsi il est également empreint d’une forte poésie, en particulier lors de certains passages tout à fait magnifiques qui transportent la réalisation à un niveau supérieur. Rares sont les documentaires aussi bien faits.

À l’heure où de nombreux pays ont d’ores et déjà banni les delphinariums de leur territoire (le Royaume-Uni, l’Australie ou encore l’Inde pour ne citer qu’eux …) Blackfish apparaît à la fois comme un hymne à la liberté mais aussi comme un pamphlet condamnant sévèrement certaines pratiques. L’image finale hautement symbolique soulève l’émotion, et confirme que Blackfish est un des meilleurs documentaires sur le sujet, jamais réalisés.

Rappelons qu’à ce jour, Tilikum est toujours maintenu en captivité au Sea World d’Orlando, dans un petit bassin où il demeure généralement seul et où il continue malgré tout de  travailler.

Le DVD du film est disponible sur ce lien : http://blackfishmovie.com/

@ Audrey Cartier

Blackfish Carol Ray critique Dave Duffus Dean Gomersall delphinarium Documentaire Gabriela Cowperthwaite Howard Garrett John Crowe John Hargrove John Jett Mark Simmons orque Samantha Berg Sea World