Poudre de dattes.
(Cela) sera mis dans de l'eau et préparé sous une forme de pâte liquide qui sera battue. Tu auras placé deux poêles sur le feu pour qu'elles chauffent et cette pâte liquide y sera placée et mise sous forme de galette. Une fois qu'elle sera cuite à point, tu devras la préparer sous la forme d'une pâte solide avec du miel et de la graisse de taureau.
Papyrus Ebers 313
dans Thierry BARDINET
Les papyrus médicaux de l'Égypte pharaonique
Paris, Arthème Fayard, 1995
p. 299
Certes, vous allez m'en vouloir !
Pourtant après ces deux semaines d'absence que nous ont permises les congés scolaires, c'est, n'en doutez point amis visiteurs, avec un réel bonheur que, personnellement, je vous retrouve aujourd'hui au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.
Permettez-moi tout de go, dans l'éventualité où certains d'entre vous n'auraient point eu l'opportunité de prendre connaissance de mon message préalablement programmé pour le mardi 31 décembre dernier, et les réponses que j'y ai apportées dès mon retour dans la blogosphère, de vous réitérer mes voeux les plus amicaux pour qu'aux côtés d'ÉgyptoMusée, longtemps encore, vous ayez envie et plaisir de déambuler aux fins que, de conserve, nous éblouissions nos yeux et comblions notre coeur de tous ces grands et petits trésors ici rencontrés.
Ceci posé, pour quelle raison me tiendriez-vous rigueur ?
Simplement parce que ce n'est qu'après cette période en principe festive que je vous propose une recette de galettes de dattes au miel que, peut-être, amateurs de mets venus d'ailleurs, vous auriez testée pour épater vos invités.
Qu'à cela ne tienne : je me dis qu'il vous sera toujours loisible d'en tenter la préparation un jour prochain ...
Lors de notre dernier rendez-vous en salle 5, le mardi 17 décembre, je vous avais indiqué, souvenez-vous, que nous commencerions l'année en évoquant la fabrication du pain en Égypte antique grâce à deux bas-reliefs exposés du côté nord la vitrine 6, judicieusement intitulés "Scène de boulangerie".
C'est en nous approchant de celui du dessus, (E 17499), que je suggère d'entamer nos propos ce matin.
Indépendamment des quelques hiéroglyphes qui subsistent et qui nous expliquent que le personnage de gauche est en train de vérifier le four, qu'observons-nous de prime abord ?
Un homme torse nu, cheveux coupés ras, vêtu d'un simple pagne blanc, assis à même le sol, jambes relevées contre la poitrine, - peut-être pour la protéger de la chaleur rayonnante comme il le fait de son visage avec la main gauche -, attise, de la droite, un feu sur lequel repose ce que la malencontreuse cassure des pillards qui arrachèrent cette pièce d'une paroi de la chambre funéraire d'un mastaba de la fin de la Vème dynastie nous empêcherait de définir si nous n'avions pour guider notre réflexion, sur le second relief, en dessous, une scène semblable, manifestement traitée de manière plus fruste mais au demeurant complète.
Penchons-nous quelques instants vers elle et découvrons, grâce à un gros plan que j'en ai réalisé à partir du cliché de Christian Décamps proposé sur le site du Louvre, ce que Madame Christiane Ziegler, dans son catalogue des reliefs égyptiens de l'Ancien Empire, cité en note infrapaginale, nomme "pyramide de moules à pain".
Il s'agit en réalité d'un montage, d'un empilement de récipients individuels vides que les textes d'époque nomment bedja et qui ressemblent vaguement à certains de nos pots de fleurs actuels.
Selon les tombes actuellement connues, leur nombre pouvait varier de 10 à 13.
Il me sied de rappeler une fois encore que des reliefs tels que les travaux de boulangerie que nous détaillons à partir d'aujourd'hui ne constituent aucunement une oeuvre en soi, une oeuvre autonome comparable à une nature morte de Jean-Baptiste-Siméon Chardin, par exemple, mais bien des fragments arrachés à un ensemble gravé et/ou peint à même une paroi de chambre sépulcrale. Détail non négligeable qu'il me sied d'à nouveau souligner.
J'insiste également sur le fait que, dans les scènes de production de pains de consommation - à distinguer, vous l'aurez compris, de ceux dévolus à la brasserie sur lesquels je reviendrai dans les prochaines semaines -, ce sont essentiellement des moules d'une même forme qui sont représentés, alors que, souvenez-vous, nous avons constaté que sur une des tablettes de droite de cette même vitrine, d'autres types de pains existaient.
Disposés de manière telle que l'intérieur de chaque récipient se présentât aux flammes, ils étaient dans un premier temps préchauffés grâce à elles. Vous aurez remarqué ici aussi le personnage qui, de la main gauche, active le foyer et se protège les yeux avec celle de droite. Dans un deuxième temps, on les remplissait de pâte puis, dans un troisième, ils étaient à nouveau superposés sur le foyer pour être cuits, mais cette fois munis d'un autre moule-bedja faisant office de couvercle.
Enfin, quatrième et dernière étape, la cuisson achevée, l'on s'employait à démouler, à faire tomber le pain, comme le précisent parfois les indications hiéroglyphiques, vraisemblablement, si l'on en croit les nombreux fragments de céramique retrouvés in situ, en n'hésitant pas à briser les moules dès qu'ils étaient refroidis
Au Moyen Empire, la figuration que nous propose la portion gauche de notre bas-relief se transformera en ronde-bosse : en effet, à l'instar des modèles de meunières et du boulanger que nous avons rencontrés en décembre dernier, des statuettes de "tisonneur" seront elles aussi exhumées de tombeaux de particuliers.
La pâte d'origine, avant de devenir pain, gâteaux ou galettes, l'artiste du premier bas-relief nous la montre en train d'être préparée :
c'est vraisemblablement le travail qu'entreprend le personnage de droite ; les deux hommes, vous l'aurez remarqué, se tournant ici le dos.
Présentant lui aussi des cheveux coupés ras mais auxquels vient chez lui s'ajouter une calvitie naissante, un pagne blanc pour unique vêtement, le genou droit posant sur le sol, la jambe gauche relevée, il touille avec un bâton dans une sorte de grand chaudron stabilisé par deux grosses pierres entre lesquelles un foyer a été allumé.
Si je me réfère aux beaux hiéroglyphes colorés apparaissant encore intacts au-dessus de la scène, le contenu du récipient pourrait être de la pâte (?) à gâteau ; pourrait, parce que les égyptologues ne se sont pas encore tous accordés sur le sens à attribuer au premier des deux termes, séchenet,se lisant de droite vers la gauche.
Raison pour laquelle, ci-dessus, j'ai assorti le mot "pâte" d'un point d'interrogation, respectant ainsi la formulation choisie par Madame Christiane Ziegler.
Mardi prochain, 14 janvier, avec toujours la panification comme thématique première, je vous propose, amis visiteurs, de concentrer plus spécifiquement notre attention sur le deuxième bas-relief que les Conservateurs en charge d'aménager cette vitrine ont choisi d'accrocher immédiatement en dessous et que nous avons un court instant sollicité aujourd'hui pour découvrir la pyramide de moules à pain.
(© Louvre-passion)
(Merci à Louvre-passion d'avoir eu l'immense gentillesse de réaliser à mon intention, parmi de nombreux autres, ce cliché du côté nord de la vitrine 6 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.)
(Montet : 1925, 236 sqq. ; Tallet : 2003, 43 ; Vandier : 1964, 272 sqq. ; Ziegler : 1990, 292-4)