Le passage 27

Par Emia

27. Je me rappelai une promenade, peu après la mort de Silver. C’était un soir d’été, le soleil baissait sur les arbres, rehaussant les uns d’ors graves et de vieux rose, plongeant les autres dans une pénombre violacée. Soudain, un violent coup de vent s’est abattu sur la clairière, soulevant des nuages de sable fin. Lorsque la bourrasque fut retombée, des essaims de moucherons dansaient parmi les grains de poussière, faisant comme de grandes flammes chatoyantes. Lentement, d’autres formes se sont élevées et entrelacées pour créer des visages sans traits ni regards qui se sont écartelés jusqu’à occuper, de leur volonté signifiante, chaque brin d’herbe, chaque arbre et le ciel tout entier. Cette manifestation n’a pas duré, mais elle m’a rendue heureuse : j’étais comme transportée. Le passé, me suis-je dit, quoique revisitable en pensées, n’en est pas moins perdu pour toujours. La mort par contre conserve ce qu’elle a retranché et peut ainsi, à tout moment, rendre présent ce laps en nous soufflant son nom : éternité.


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