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Une "accélération"...

Publié le 06 janvier 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Jamais un exécutif socialiste au pouvoir n’avait à ce point donné l’impression que le renoncement était froidement programmé.
On dira ce qu’on voudra, mais une bonne partie de nos références lexicales ne tiennent plus la route. À la faveur de la nouvelle année, il n’est pas trop tôt (ou trop tard) pour s’en apercevoir. Jusqu’à maintenant, dès qu’il s’agissait de rappeler François Hollande à quelques-uns de ses devoirs soi-disant élémentaires, il était loisible – sinon crédible – de se référer en permanence au fameux discours du Bourget prononcé en janvier 2012. C’était un réflexe quasi pavlovien, une habitude surtout bien commode pour signifier l’ampleur de l’écart entre certaines des promesses du candidat socialiste et les actes réels du président élu. Chacun le sait, la référence est désormais vide de sens. Sauf à tenter d’évaluer le degré de trahison. François Hollande savait-il qu’il ne pourrait pas appliquer ses promesses? Ou ne s’est-il pas donné les moyens de les tenir? 
Qu’importe au fond. Deux ans plus tard (déjà!), le résultat revient au même. Les promesses n’étaient que mensonge, la trahison est bel et bien là. Jamais un exécutif socialiste au pouvoir n’avait à ce point donné l’impression que le renoncement était froidement programmé. Les vœux du chef de l’État en furent un exemple si caricatural que, six jours après, les mots, même les plus durs, traduiraient encore mal notre désappointement. Certains s’en félicitent, d’autres s’en étonnent, mais l’ex-ennemi de la finance – qui avait cru cela, en vérité? – est maintenant considéré comme «l’ami des patrons» (l’Express), voire carrément le «héros du Medef» (Rue89). 
Voyez-vous, Pierre Gattaz, le patron des patrons, est content et ne le cache pas. À la proposition de «pacte de responsabilité» faite par François Hollande, il répond qu’il est «satisfait», que le Medef «jouera le jeu», et qu’il s’agit d’«un cap qui (nous) va bien». Et pour cause: le président propose une nouvelle phase dans la baisse des dépenses publiques, des cotisations patronales et de la fiscalité des entreprises… en échange d’embauches. On croit rêver. Mais nous ne sommes plus à un pacte faustien près ! Tout est dit. Enfin, pas tout à fait. Pour ceux qui auraient encore des doutes, Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget en personne, a réalisé hier le service après-vente façon décryptage massif. «Une politique est plus lisible si elle est assumée», a-t-il déclaré. Avant de confirmer: «Ce n’est pas un tournant, c’est une accélération.» 
Une tentative comme une autre de clore le débat sur le choix de la doctrine libérale du président (oublions le mot « social »). N’en déplaise à l’Élysée, ce débat aura pourtant lieu. Car, d’une manière ou d’une autre, le peuple de gauche, qui aspire encore à la transformation de la société, doit se réveiller. Vite. 
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 6 janvier 2014.]

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