Le député John Lewis incarne depuis plus de cinquante ans, une voix morale vibrante dans la quête de l’égalité…
D’après les mémoires de John Lewis, scénario de Andrew Aydin, dessin de Nate Powel
Public conseillé : Adultes, adolescents
Style : Autobiographie Paru chez Rue de Sèvres, le 8 janvier 2014
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L’histoire
Dimanche 7 mars 1965. John Lewis, un Afro-Américain de 25 ans, s’avance apeuré sur le pont Edmund Pettus, à la tête d’un défilé pacifiste. En face d’eux, les policiers ne feront pas dans la dentelle. Une seule sommation et c’est la charge à coup de lacrymogènes et de matraques… Après cette scène sanglante du «Bloody Sunday» («Dimanche sanglant»), nous retrouvons Lewis de nos jours.
Washington D.C. 20 janvier 2009, 5H30 du matin. John Lewis se réveille, prend sa douche, s’habille et se dirige vers son bureau du congrès. En arrivant dans son bureaux, il est accueilli par Rosa et ses enfants venus assister à l’investiture de Barack Obama. Devant l’admiration des deux enfants, John ne peut s’empêcher de leur faire visiter son bureau et d’évoquer les souvenirs…
Par flashbacks successifs, John Lewis raconte sa vie. De la petite ferme familiale d’Alabama (dans un état ségrégationniste), jusqu’à sa rencontre avec Martin Luther King, la naissance du Mouvement des étudiants de Nashville et la campagne de « sit-ins » non-violents aux comptoirs des restaurants de la ville…
Un éditeur engagé
Décidément, le nouvel éditeur « Rue de Sèvres » se démarque et prend des risques. Après l’arrivée en fanfare de « Zep » dans un beau contre-pied (« Une histoire d’hommes« ), le manga contemplatif de Mari Yamazaki (« Giacomo Foscari« ) et la ré-édition d’une perle d’Hugo Pratt (« Fanfulla »), l’éditeur s’attaque au « documentaire en BD. Bien sur, le genre n’est pas nouveau et certains auteurs (Étienne Davodeau avec « Les ignorants », Emmanuel Lepage avec « Un printemps à Tchernobyl« , Philippe Squarzoni avec « Saison Brune« …) en ont fait une spécialité. Reste que le genre n’est pas connu pour être aisé en BD, tant il peut devenir rapidement ennuyeux si la narration n’est pas parfaite.
Adapter la biographie d’un leader des droits civiques des noirs aux Etats-unis est un sacré challenge que « Rue de Sèvres » relève avec brio !
Ce que j’en pense
Avec « Wake-up America », « Rue de Sèvres » enrichit son catalogue d’une vraie petite perle, à la dimension pédagogique.
Ce roman graphique fait œuvre de mémoire. Emouvant et très simple d’accès, « Wake up America » nous raconte par flash-backs successifs la vie de John Lewis, racontée à la première personne. Aujoud’hui représentant parlementaire du cinquième district de l’état de Géorgie, Lewis est une véritable légende vivante de la lutte pour les droits civiques en Amérique.
Moins connu (en Europe) que le grand Martin Luther King, c’est le dernier des « big six’ encore en vie.
« Wake-up America » est donc une auto-biographie co-écrite par John Lewis lui-même et son conseiller Andrew Aydin, puis mis en image par Nate Powel.
Tout en nuances et en humanité, ce récit ne s’embarrasse pas de figures de style romanesques. Lewis y raconte, sans emphase, sa vie de gosse pauvre et noir dans l’Amérique du sud ségrégationniste. L’acceptation d’abord, l’éveil à la conscience, l’initiation à la non-violence et enfin et surtout l’organisation de ses premiers mouvements (les Sit-ins non violents dans les comptoirs de restaurants de Nashville en 1959).
Au-delà de l’aspect public du personnage, j’ai vu en « Wake up América » une véritable peinture de la société américaine des années 50 et 60. Détaillé, intense, souvent mouvementé, mais toujours respectueux des autres, cette auto-biographie est un exemple fabuleux de conviction, de force et de respect !
Le dessin
Tout au service du récit intime, Nate Powel assure une mise en image forte et sensible. Son Noir et Blanc simple et sobre “transpire le documentaire” à pleine plume. Le dessin classique, expressif (et parfois approximatif) renforce cette sensation d’ambiance pesante et de réalité prise sur le vif. Du beau boulot, qui s’efface devant l’histoire !
Pour résumer
Avec ce premier tome de “Wake up America”, John Lewis, Andrew Aydin et Nate Powel nous offrent une autobiographie forte et sensible. Peinture de la société et d’une icône américaine, ce récit prend toute sa place au sein de l’histoire de l’Amérique noire.
Brûlot pacifique et non-violent, simple et accessible, Wake-up Amercia” vous remuera vous instruira, sans en avoir l’air.