La Grèce prend la présidence de l'Union européenne pour 6 mois, non sans quelques railleries ailleurs en Europe.
Le 30 décembre dernier, le ministre des finances allemand a tiré le premier. Wolfgang
Schäuble lâche un faux message de bienvenue ("La présidence va montrer à la population grecque que son avenir est en Europe") et une vraie menace: "Nous allons décider en milieu d'année s'il faut de nouveau aider la Grèce. Si le pays reste sur la voie des réformes, s'il remplit les
conditions que l'on sait, nous ne le laisserons pas tomber". Car l'actuel programme d'aide au pays prend fin en juillet prochain.
Depuis 2010, le pays a reçu quelque 240
milliards d’euros de prêts... A quoi s'ajoute l'effacement de 107 milliards
d’euros de dettes privées. Le soutien apporté au pays est massif, inédit, spectaculaire.
En Grèce, un représentant (grec) de la Troïka cité par le journaliste Jean Quatremer, se dit satisfait que la Grèce soit sur la bonne voie. Pourtant, rien n'est moins sûr. Pour l'eurocrate, "la
Grèce a donné tort aux déclinologues : elle est toujours dans l’euro,
son financement est assuré, ses partenaires sont présents, les
fondements d’un retour de la croissance sont là". Après 6 années de récession, plus du quart du pays au chômage (27%), la Grèce espère ... 0,6% de croissance de son PIB cette année. On est ravi ...
A ce rythme-là - une croissance technique et microscopique sur fond de précarisation généralisée - combien de temps faudra-t-il au pays pour rembourser ses 176% de PIB d'endettement public ? L'administration, appauvrie alors qu'elle était déjà notoirement inefficace dans nombre de secteurs, peine à collecter l'impôt. L'été dernier, des avis d'imposition ont ainsi été adressés aux propriétaires foncier... au titre de 2010 ! Même l'extrême droite nazillarde, un temps affaiblie après les révélations de son implication dans l'assassinat d'un rappeur l'an dernier, regagne en popularité...
Un journaliste local confie au Point: "les gens se serrent la ceinture, toutes
les sphères de la société sont impactées. (...) Il y a pléthore d'exemples : les femmes accouchent de plus en plus à
domicile pour ne pas payer les frais d'hôpital, les familles rapatrient
leurs parents chez elles pour percevoir leur pension en les retirant des
maisons de retraite, et la plupart des automobilistes ne font plus le
plein, à cause de la flambée des prix de l'essence, ils mettent deux ou
trois euros de carburant, juste assez pour rejoindre le métro le plus
proche"
Ce 5 janvier, un ministre grec a répond à son homologue allemand. Le vice-président du gouvernement grec et ministre des Affaires
étrangères, Evangelos Venizelos, était visiblement agacé. Il a invité l'Allemagne à "davantage de
retenue en Europe". Selon lui, il n'est pas
facile pour les Allemands d'accepter "la diversité européenne et le
droit à d'autres solutions".
Il n'a pas tort. Tous les gouvernements européens - France compris - ont finalement rejeté toute perspective de relance au niveau de l'Union. On soigne - par amputations - comme en Grèce ou, dans une moindre mesure, au Portugal, en Espagne ou au Royaume Uni. On réduit, comme ce budget pluriannuel 2014-2020 adopté en février 2013 par les Chefs d'Etats et de gouvernements européens, qui était, pour la première fois dans l'histoire de l'Union, ... en baisse (de 3%)...
On se félicite de maigres reprises économiques pour mieux cacher qu'on a touché le fond. Observez les récentes déclarations de David Cameron, tout heureux de promettre, lors de ces voeux pour cette nouvelle année, l'avènement d'une "décennie britannique". L'austérité serait "payante" assure-t-il. On en connait effectivement l'addition: le déficit budgétaire britannique est encore de plus de 6% en 2013, sa dette publique similaire à la nôtre, et sa population ... diminue. Cameron moquait, sans la nommer, la stratégie française, qu'il juge trop laxiste. On croit rêver.
Dans la grande course économique mondiale, un institut privé, le Centre for Economics and Business Research (CEBR), le Royaume-Uni devrait "déloger" la France du 5e rang mondial d'ici à 2018, et même devenir la première puissance économique européenne, devant l'Allemagne, d'ici 2030.
La douche austéritaire, en Europe, reste massive. Ce n'est pas la présidence grecque qui va changer grand chose.
N'en demandez pas trop...