Visite de la cave Mercier à Epernay

Publié le 05 janvier 2014 par A Bride Abattue @abrideabattue
Il y a deux semaines j'ai posté un billet rendant compte de la visite des caves De Castellane d'Epernay. J'ai eu la chance de pouvoir descendre également dans les caves Mercier. Et même s'il s'agit toujours de champagne (avec un mode de fabrication très semblable) cette expédition est fort différente.
J'étais montée en haut de l'Avenue de Champagne pour prendre quelques photos du vignoble.
Parler de ce breuvage sans marcher dans une vigne me semblait aberrant.
Les zones de culture sont restreintes en pleine ville mais il en existe encore, au-dessus de la maison Mercier qui occupe le 60 de l'avenue.
Si nous étions un jour de semaine il est probable qu'on verrait des vignerons à pied d'oeuvre. Auparavant on ne taillait pas avant la Saint-Vincent, le 22 janvier. Mais j'ai appris qu'on pré-taillait les rabots désormais bien avant.
On m'a dit aussi que le saint patron a été choisi pour la double allusion au vin et au sang. La fête se situe aussi à une période de transition pour la vigne, entre l’hibernation et le retour à la végétation. Le diction veut qu'à la Saint-Vincent, l'hiver s'en va ou se reprend.
Avoir entendu Emmanuel Mercier, ambassadeur de Mercier et arrière-petit-fils du fondateur, parler des caves m'avait déjà donné envie de les visiter. Les allers et venues des autocars ont achevé de me décider.
Au moment de prendre son billet on est déjà saisi par un objet monumental que l'on doit évidemment à Eugène Mercier, le fondateur de la maison en 1858, un visionnaire dont les idées restent révolutionnaires.
Il a lancé la construction du plus grand foudre du monde, 160 000 litres (l'équivalent de 213 000 bouteilles). Il aura fallu 150 chênes de Hongrie, 3 années de séchage et 11 autres pour le réaliser mais il a été achevé avant l'Exposition Universelle de 1889.
Rien que son acheminement vers Paris, en trois semaines, tracté par douze paires de boeufs fut un événement énorme. On imagine mal ce que cela a pu être avec les archi confréries de Saint-Vincent marchant devant, en tenue, avec les bâtons, et tous les accessoires. L'illustration de son passage sur la route Paris-Epernay est en bonne place dans l'espace d'exposition de la maison.
On peut penser que s'il n'y avait pas eu la concurrence de la Tour Eiffel c'est ce foudre qui aurait remporté le concours. C'est Gustave-André Navlet qui assure les sculptures. c'est lui aussi qui réalisera les bas-reliefs que nous verrons dans la cave (comme chez Louise Pommery -à Reims- entre autres). On y versa les vendanges de 1883.
On peut effectuer une visite classique ou s'inscrire sur le site des greeters pour découvrir un site sous un autre jour, au cours d’un moment de partage et d’échange convivial.
Le concept est new-yorkais et s'est bien implanté dans la Marne. Ils sont 38, tous passionnés par leur territoire, qui ont à coeur de partager leurs endroits préférés, leurs coups de cœur et leurs anecdotes lors de rencontres conviviales et qui plus est gratuites, en petits groupes de six personnes maximum. Chaque balade est unique : elle dépend de la personnalité des visiteurs, du greeter qui les accompagne, et des affinités qui se créent entre eux.
Pascal Pécriaux est l'un d'entre eux (ci-dessous sur la gauche, à coté d'Emmanuel Mercier) et j'aurais adoré le suivre si j'avais eu davantage de temps disponible. Bénéficier des connaissances (et de l'humour) de quelqu'un qui a travaillé plus de trente ans dans l'univers du champagne est un privilège. Il démontre que le touriste n'est pas qu'un "porte-monnaie sur pattes".
Ceci étant la visite des caves est bien conçue. Avec un film qui retrace les étapes déterminantes. L'histoire d'une maison commence avec l'ouverture des livres de comptes (d'où l'émotion que l'on peut ressentir quand on a la chance d'en consulter un de près comme vendredi soir).
On réalise combien Eugène Mercier (1838-1904) fut inventif. D'origine modeste, il créa sa Maison de Champagne à Epernay à 20 ans. Il opte d'emblée pour ce qu'on désignerait aujourd'hui comme un positionnement d'entrée de gamme. Son objectif est de rendre le champagne accessible à tous.
C'est un bourreau de travail, véritable self-made-man, qui réduit les coûts tout en inventant parallèlement la première cuvée spéciale. Il a fait creuser ses caves, à 30 mètres sous le sol crayeux d’Epernay, comme un monument de l'ère industrielle tant par leur plan orthogonal, à l'instar des villes américaines, que par leurs dimensions puisqu'elle  s s'étendent sur 18 kilomètres. La plus longue galerie, la galerie de Pékin, mesure 1, 2 km et permettait de relier les caves au Château de Pékin qui était propriété de la Maison.
Elles se visitaient autrefois en calèches. C'est aujourd'hui en ascenseur panoramique qu'on y descend, ce qui demeure révolutionnaire.
Les 4 km de circuit s'effectuent en voiture électrique, ce qui est bien commode. L'inconvénient est peut-être le manque d'interactivité auquel on est habitué avec une visite guidée. Nous longeons les imposants bas-reliefs sculptés à même la craie des crayères où l'on verra un hommage à Dom Pérignon (qui est pourtant une marque de son principal concurrent même si aujourd'hui ils appartiennent au même groupe international), des figures mythologiques, des statues.
On ne s'en rend pas forcément compte mais la plupart des galeries (47 au total) débouchent directement,  sur la voie ferrée Paris Strasbourg pour faciliter le chargement des bouteilles.
Eugène Mercier a inventé l'événementiel avant l'heure. Il signe avec Sarah Bernhardt un contrat en 1883 pour utiliser son nom (ce qui n'empêche pas celle-ci d'avouer publiquement sa préférence pour une autre maison). C'est encore lui qui invente le film publicitaire en sollicitant les Frères Lumière pour l'Exposition universelle de 1900.
Les caves sont ouvertes au public depuis 1885 et sont les plus visitées de la Champagne. L'électricité y a été installée très tôt, en 1886.
Comme dans les autres caves, on regrette de les voir alors qu'elles ne sont pas actives. Du coup on n'imagine pas le fourmillement qui doit y régner. On perçoit malgré tout leur gigantisme. On ne s'étonne plus qu'un rallye y soit programmé en 1950 pour le lancement de la 4 CV.
Elles sont modernes, comme ses soeurs, avec des gyropalettes en lieu et place des anciennes tables de remuage.
Après la visite on est invité à vérifier les trois caractéristiques du champagne Mercier : frais, fruité, intense, trois qualités dont Christophe Bonnefond, chef de cave, est aujourd'hui le garant.
Une exposition rappelle quelques moments exceptionnels en terme de communication.
Comme le souvenir de la dégustation dans un ballon captif, siglé de son nom, où sont montés 20 000 personnes pour déguster une coupe à 300 mètres au dessus du Champ de Mars en 1900. Je me demande ce qu'Eugène Mercier aurait inventé pour soutenir la candidature de la région au Patrimoine mondial de l'Unesco. Réponse officielle en janvier 2014. Tous nos voeux l'accompagnent !D'ici là je vous recommande la lecture passionnante de Coteaux, Maisons & Caves de Champagne, paru aux Editions De Larenée pour soutenir le projet.
Egalement le petit guide fort précis des auberges, bars, bistrots, brasseries, cafés restaurants, qui répertorie les Lieux de toujours Mercier, un voyage gourmand en France, paru chez Gallimard en octobre 2012. Tirée à un million d'exemplaires, chaque édition répertorie les meilleurs établissements dans toute la France. Ces bistrots, brasseries, restaurants, bars à vin proposent une cuisine de qualité et un cadre original et authentique, notamment la Table Kobus (p. 32) dont je vous parlerai prochainement.
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