Penseurs : Grotius, Locke, Hobbes, Rousseau, KantIdées liées : Modernité politique, Etat, démocratie, société, liberté, égalité, état de nature, droit naturel, souveraineté populaire. Idées contraires : Politique naturelle, réaction
C
ontractualisme : Bien que ce ne soit pas une idéologie politique à proprement parlé, le contractualisme est tout de même à la base la réflexion politique qui a amené aux régimes et systèmes politiques les plus répandus actuellement : démocratie, républiques,… Cette idée repose sur le « contrat social » qui est un des piliers de la modernité de la pensée politique.
Qu’est ce que le contrat social ?
L’idée centrale du contrat social est que le gouvernement, l’Etat, la société, est un produit artificiel qui est le fruit du consentement volontaire d’hommes libres. Plus précisément, c’est l’idée très théorique (et non factuelle) selon laquelle le pouvoir politique est né de la volonté des hommes. Ceux-ci auraient donné la responsabilité d’organiser la société à une entité ou un monarque en l’échange de la sécurité et de la paix. Le contrat social est donc une expression qui désigne n’importe quelle organisation politique. Cette situation d’accord passé entre les hommes fait suite une situation tout autant théorique : l’état de nature (ce qu’était l’homme avant de former une société, un Etat).
Le contractualisme est ainsi le courant de pensée qui adhère à l’idée de contrat social. C’est un courant moderne de philosophie politique qui conçoit l’origine de la société et de l’Etat comme un contrat entre les hommes : échange entre d’un côté une part de liberté et d’autre part plus de sécurité et des lois pour garantir la continuité du corps social. Ce courant est important dans la pensée politique puisqu’il rompt avec la « politique naturelle » (ou le « naturalisme politique »), selon laquelle l’homme est naturellement organisé en société, en Etat. C’était ce que pensaient les philosophes grecs comme Platon ou Aristote, ce dernier parlant ainsi pour qualifier l’homme d’ « animal politique » (République). Les réactionnaires (Charles Maurras, Bonald, Joseph de Maistre) aux XVIIIème et XIXème siècles s’opposent au contrat social et reprennent le concept de « politique naturelle ».
Les origines du contractualisme
Même si l’âge d’or du contractualisme se situe entre 1650 et 1800 environ, on peut dire que ce courant puise certaines de ses idées chez des philosophes plus anciens. Ceux-ci ne peuvent toutefois pas être classés chez les contractualistes puisqu’ils n’ont pas théorisé l’idée de contrat social. D’abord, dès l’antiquité, on peut retrouver chez Epicure des « traces » de contrat social. En effet, celui-ci conçoit la justice comme étant un accord entre les hommes. Plus tard, au début du Moyen Age, Saint Augustin constitue un tournant dans l’émergence de la volonté comme notion fondamentale. Il s’inspire en effet de Cicéron et de Sénèque (des anciens) et leur concept de bona voluntas. A la fin du Moyen Age, des philosophes comme William d’Ockham soutient que l’autorité politique repose sur le consentement libre des sujets.
Pendant les temps moderne, c’est Francisco Suarez, philosophe et théologien jésuite espagnol, qui rend encore plus importante l’idée de libre volonté et de consentement politique. Ce religieux de l’école de Salamanque (une école considéré comme précurseur du libéralisme) écrit dans Tractatus de legibus ac Deo legislatore que la libre volonté et le consenement politique sont analogue et que la volonté est la cause première de l’Etat. Le fruit est mûr pour qu’environ un siècle plus tard Hobbes conçoive plus concrètement l’idée de contrat social. Dans Le Leviathan en 1651 (son ouvrage politique majeur), il avant que « le droit de tous les souverains dérive originellement du consentement de tous ceux qui doivent être gouvernés ». John Locke dans le Second traité du gouvernement civil (1690), pense que « l’accord volontaire est ce qui donne leur pouvoir politique aux gouvernants », ce qui rejoint Hobbes. Enfin, en 1762, Rousseau, dans Du contrat social, affirme que « L’association civile est l’acte du monde le plus volontaire ; dès lors que tout individu est né libre et maître de lui-même, personne ne peut, sous prétexte que ce soit, le soumettre sans son consentement ». Même si plus tard, Kant (Les éléments métaphysiques de la justice) ou encore Hegel parle du contrat social, ce sont les trois philosophes Hobbes, Locke et Rousseau qui ont réellement théorisé la théorie du contrat social. C’est d’eux que viennent trois conceptions différentes du contrat social.
Trois théories du contrat social
Provenant d’un même contexte historique exigeant une réflexion sur la genèse et le but du corps social, ces théories diffèrent d’abord parce qu’elles ont une conception différente de l’état de nature, ensuite parce qu’elle imposent un contrat social selon une logique différente.
La théorie Hobbesienne
-Thomas Hobbes-
Dans sa conception du contrat social, Thomas Hobbes conçoit l’état de nature comme une guerre de tous contre tous dans laquelle « l’Homme est un loup pour l’Homme » et où chaque homme agit selon son instinct de conservation. Le contrat social a alors pour but, dans une logique sécuritaire, d’atteindre la sûreté de chaque homme pour préserver la vie de chacun. Il a pour but d’établir une paix pour que les hommes cessent de s’entredéchirer. Il restreint ainsi les droits de chacun et aliène la liberté individuelle pour que des lois puissent permettre un certain ordre social. Toutefois, ce contrat prévoit aussi un droit de résistance aux abus de l’Etat qui fait penser à la résistance à l’oppression présente dans notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi que dans la constitution de 1791. Ainsi, selon cette théorie du contrat, l’Etat a pour but de faire respecter un certain ordre social entre les hommes mais l’Etat ne peut être considéré comme une entité infaillible et les libertés individuelles doivent être respectées.
La théorie Lockéenne
-John Locke-
Selon John Locke, l’état de nature dans lequel l’Humanité se trouvait avant toute forme de société était caractérisé par des droits naturels parmi lesquels se trouvent la liberté individuelle et la propriété privée. Comme ces valeurs sont chères à John Locke, c’est en libéral qu’il conçoit un contrat social visant à préserver cet état naturel et à lui donner un cadre légal d’existence, afin de protéger la liberté et la propriété. Ce contrat prévoit aussi une résistance aux abus et organise la vie publique selon trois pouvoirs : l’exécutif (qui comprend aussi le judiciaire), le législatif et le fédératif (qui correspond à nos affaires étrangères). Le but de ce contrat est moins exigeant que celui de Hobbes puisqu’il vise seulement une baisse du nombre de conflit mais pas leur fin totale.
Le contrat Rousseauiste
-Jean-Jacques Rousseau-
Probablement le plus connu, le contrat Rousseauiste est aussi le plus tardif. Clairement situé dans le siècle des Lumières, Rousseau le conçoit avec des accents plus progressistes. Pour lui, l’homme est naturellement bon, mais la propriété privée et la société corrompent l’homme et son état de nature. L’optique de ce contrat est alors démocratique : il s’agit de rendre le peuple souverain pour qu’il se gouverne lui-même selon l’intérêt général du peuple. L’Etat existe pour rompre avec l’état de nature (comme chez Hobbes) et assure aussi l’égalité entre les citoyens souverains. L’organisation de la société passe par une démocratie directe. Ce contrat est d’essence plus étatiste et égalitariste que les autres et souhaite réussir la transition entre intérêt particulier et intérêt général. C’est le concept d’intérêt général et la façon dont Rousseau place le peuple souverain au-dessus de l’individu qui lui attireront des critiques plus tardives, prêtant même au contrat rousseauiste le rôle de matrice philosophique pour les totalitarismes.
Conclusion
Ainsi le contractualisme est une théorie importante dans l’histoire de la pensée. S’inspirant des anciens, elle rompt toutefois avec leur naturalisme politique et théorise le lien entre bon régime et régime légitime. C’est une étape importante vers la pensée des lumières et la Révolution et son héritage, qui retiennent les grandes valeurs des théories du contrat social (liberté, propriété, égalité, résistance à l’oppression). Autant dire que le contractualisme, même s’il est peu connu, est très lié à notre façon de concevoir l’organisation politique de l’humanité.
Sources :
Dictionnaire de la pensée politique. Hommes et idées. Hatier. 1989.Wikipedia
Vin DEX