Un film de Gilles Legrand (2011 - France) avec Niels Arestrup, Lorant Deutsch, Patrick Chesnais, Nicolas Bridet, Anne Marivin, Valérie Mairesse
Excellent petit film français ! On en tient un !
L'histoire : Paul de Marseul possède et dirige un vaste domaine viticole. Son fils Martin travaille avec lui à l'administratif ; seule activité dont son père l'estime capable : il n'aime pas Martin, le prend pour un faible, un garçon sans goût et sans personnalité, et ne manque pas une occasion de le lui faire sentir. Lorsque François, le maître de chais tombe gravement malade, Paul est atterré : qui va bien pouvoir le remplacer, à quelques semaines des vendanges ? Martin voit enfin l'opportunité de s'occuper de la production et de montrer à son père qu'il peut compter sur lui. Mais ce dernier ne l'écoute même pas : il a jeté son dévolu sur Philippe, le fils de François, qui travaille sur des vignobles en Californie.
Mon avis : Voilà du bon petit cinéma, pas du grandiose, mais du costaud ; histoire terrible et cruelle ; acteurs dans la perfection de leur art ; images superbes, qu'il s'agisse de gros plans sur les personnages ou des vignes ensoleillées à perte de vue. La tension est si forte et les comédiens si investis qu'on dirait presque un thriller. Mais il n'y a pas de grands méchants psychopathes (quoique...), ni de terreur diffuse... juste des gens ordinaires (ou presque). Le génie du film est de donner à chacun une dimension qui frise la tragédie grecque ; le destin de chacun est le destin de tous, les fils se tissent, se tendent sans qu'on puisse voir aucune échappatoire à l'issue finale. Le film n'est pas bavard, mais les répliques sont terribles...
Le jeu des acteurs est pur bonheur. Niels Arestrup, qui joue souvent les méchants, est ici divinement odieux ! On a sans cesse envie de le baffer, et Dieu sait si je suis non-violente ! Lorant Deutsch, dont on connaît le bagout, le côté titi parisien, historien et philosophe à ses heures, joyeux et sûr de lui, campe ici un jeune homme fragile, humilié, méprisé, effacé, parfois agaçant à force de passivité, au bord de l'abîme, constamment sur le fil, retenu par l'amour inconditionnel et la protection de sa femme (merveilleuse Anne Marivin). La relation quasiment sado-maso entre père et fils, hautement toxique, est assez fascinante.
Patrick Chesnay parle peu mais les expressions de son visage sont tout aussi éloquentes que le serait un texte explicite. N'oublions pas Valérie Mairesse, que l'on voit si peu au cinéma, mais qui est pourtant une excellente actrice, toujours émouvante, et Nicolas Bridet, que je ne connaissais pas mais qui s'avère plein de promesse, passant de l'arrogance et l'ambition à quelques doutes vite balayés, mais qui assombrissent de temps en temps son visage solaire. Franchement du beau travail !
Un film classique, drame familial sur fond de vignoble, qui ferait penser à un Chabrol (un bon) mais avec des personnages plus fouillés, aux psychologies plus développées. La scène du cimetière, sur la tombe de la mère de Martin est d'une cruauté sans nom.
Et puis on apprend des petites choses sur la viticulture, la vinification et l'oenologie, et c'est plutôt intéressant !
Je suis d'autant plus étonnée, et réjouie, que Gilles Legrand m'avait bien déçue avec La jeune fille et les loups. Et je ne me souviens pas de Malabar Princess, vu il y a longtemps (donc ne figurant pas sur ce blog), ce qui n'est pas bon signe...
Dommage : la scène de début, tout à fait inutile et qui nous donne la fin du film ! Complètement idiot. Oubliez très vite, ou bien faites avance rapide en fermant les yeux !