Me promenant sur les Champs-Élysées le jour de Noël, je remarquai que la quasi-totalité des boutiques étaient fermées. Si quelque statisticien évaluait le pourcentage du chiffre d’affaires des magasins réalisé le jour de Noël, il obtiendrait vraisemblablement un nombre voisin de zéro. N’importe lequel des esprits enclins à avaler tout élément chiffré sans chercher à en interpréter la signification conclurait promptement que les boutiques n’auraient aucun intérêt à demeurer ouvertes le jour de Noël.
C’est une déduction sagace de même nature qui conduit les apôtres de l’ouverture des magasins le dimanche à justifier leur position. Étant donné que ces commerces réalisent en ce seul jour, 30 voire 40% de leurs ventes, fermer le dimanche mettrait en péril leur existence même. En fait, à supposer que le chiffre d’affaires soit également réparti au fil des six jours d’une semaine, chaque journée réalise 17% du revenu. Comme, fort heureusement, il y a nettement plus de salariés qui ne travaillent pas le dimanche que de malheureux qui « choisissent » de sacrifier ce jour de repos, il est tout naturel que les premiers profitent de ce repos pour procéder en famille à des emplettes. Des pourcentages aussi importants de volume d’affaires n’ont donc rien d’étonnant.
Quant à ceux qui acceptent de travailler le dimanche, ils sont attirés par la rémunération plus conséquente qui leur est accordée. Ils ne tiennent pas essentiellement à travailler quand les autres se reposent, ils veulent surtout gagner davantage. Comme on nous répète à satiété que c’est le coût du travail qui plombe les résultats de nos entreprises, il serait certainement judicieux de déduire de l’augmentation du chiffre d’affaires le surcroît de dépenses salariales, fardeau responsable de tous nos maux.
Hormis le cas des zones touristiques, où les ventes manquées le dimanche risquent de ne pas être reportées un autre jour de la semaine, les autres ventes seront réalisées malgré tout à un autre moment. Seules feront défaut les ventes effectuées sous une impulsion. Pour en revenir aux magasins de meubles, origines de la dispute actuelle, leurs clients n’obéissent pas à quelque inspiration subite. Ils ont généralement besoin de meubles. S’ils ne peuvent faire leur choix le dimanche, ils pourront satisfaire ce besoin quelque autre jour, même si c’est moins commode. Mais les dés se trouvent pipés si certaines enseignes peuvent ouvrir quand cela est interdit aux autres, au prix d’une distorsion de la concurrence.
Pour en revenir aux salariés dits volontaires, le volontariat n’existe pas du fait de la situation de dépendance du salarié vis-à-vis de son employeur. Actuellement, des négociations ont lieu entre la Russie et l’Ukraine. Celle-ci est parfaitement libre d’accepter ou de refuser les propositions de celle-là, pas vrai ?