Tel n'est pas le cas entre une déclaration préalable de travaux et un permis de construire, bien que portant sur le même bâtiment.
Un propriétaire avait obtenu en 2006 un permis de construire autorisant la construction d’un garage et d’un chai de 52 m² dans une petite bourgade de Dordogne.
Puis fin 2008, le même a obtenu une décision de non-opposition à déclaration préalable pour l’aménagement d’une chambre de 11 m² dans les combles du bâtiment précédemment autorisé.
Longtemps après, ces décisions n’ayant vraisemblablement pas fait l’objet d’un affichage sur le terrain, un voisin a pu, le même jour, déposer des recours à l’encontre de chacune de ces deux décisions devant le tribunal administratif qui les a rejetées dans un unique jugement après avoir prononcé la jonction des deux requêtes.
Ces deux décisions ne suivant pas le même régime procédural, le requérant débouté en première instance a pu faire appel du jugement portant sur le permis de construire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, tandis que ne lui était ouvert qu’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat s’agissant de la décision de non opposition à déclaration préalable.
Confrontée à cette situation de double recours portant sur un même jugement, la Cour de Bordeaux a cru bon de renvoyer au Conseil d’Etat le soin de trancher l’ensemble du litige, en arguant de la connexité des deux affaires.
Ce n’est pas l’avis du Conseil d’Etat qui retourne, pour ainsi dire l’affaire, à l’envoyeur, à savoir la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en jugeant qu’il ne saurait exister de connexité entre deux demandes distinctes relevant de voies de recours différentes, quand bien même le tribunal aurait statué par un unique jugement sur les deux requêtes.
Statuant ensuite en tant que juge de cassation sur la décision de non opposition à décision préalable, le Conseil d’Etat rejette l’exception d’illégalité soulevée devant lui, tirée de l’illégalité du permis de construire initial. En effet, selon la Haute Juridiction, une décision de non opposition à déclaration préalable n’est pas prise en application du permis de construire initial qui n’en constitue pas le fondement. Dès lors, l’illégalité de l’un est sans influence sur l’illégalité de l’autre.
Le Conseil d’Etat se situe ici dans le droit fil de sa jurisprudence concernant les permis de construire modificatifs, pour lesquels il a été jugé que l’illégalité du permis de construire initial n’entraîne pas l’illégalité du permis modificatif, à moins que les modifications portent justement sur les dispositions illégales du permis de construire (Conseil d’Etat, 2 avril 1971, Guérini, req. n°77924 et 77984).
Il y a cependant de quoi s’interroger dans la mesure où le principe ainsi appliqué n’est pas absolu et connaît des dérogations permettant de passer outre l’écran existant entre deux décisions de nature distinctes mais portant sur un même bâtiment.
Ainsi, il a été jugé qu’en dépit de l’inconstructibilité postérieure au permis de construire initial délivré en toute légalité, un permis modificatif pouvait être accordé dès lors qu’il n’apportait pas une atteinte supplémentaire par rapport à celle résultant du permis initial, dans la mesure où il avait pour effet de réduire la surface du bâtiment érigé en zone devenue depuis inconstructible (Conseil d’Etat, 26 juillet 1982, Le Roy, req. n°23604).
Enfin, comment ne pas rapprocher cette espèce, d’une autre affaire dans laquelle un propriétaire avait obtenu tacitement une décision de non opposition à déclaration de travaux portant sur l’extension d’une maison d’habitation pour une surface légèrement inférieure à 20 m², à savoir le seuil au-delà duquel un permis de construire aurait alors dû être sollicité.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait annulé la décision de non-opposition à déclaration préalable en jugeant qu’il appartenait au propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur une construction ayant fait l’objet de précédentes transformations irrégulières, de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé (voir sous nos colonnes Conseil d’Etat, 13 décembre 2013, req. n°349081).
Dans ce cas, pourquoi n’en irait-il pas de même pour une déclaration de travaux portant sur un bâtiment, non pas irrégulièrement modifié, mais irrégulièrement édifié ?
La solution ainsi adoptée risque de permettre des abus de la par des pétitionnaires quand on sait que les services d’urbanisme ne sont pas toujours en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les déclarations préalables, pour lesquels l’autorisation peut être obtenue tacitement, qui plus quand celles-ci portent sur des bâtiments existants irrégulièrement édifiés ou modifiés.
L’autre enseignement de l’arrêt est de juger que l’aménagement d’une chambre destinée à l’habitation dans les combles ne constitue pas un changement de destination au sens de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme et n’était donc pas soumis à permis de construire au lieu de la déclaration préalable.
Ce point était loin d’être évident, dans la mesure où la destination d’habitation est en principe distincte de la destination d’entrepôt qui est celle du chai précédemment édifié.
Sans doute la modestie de la chambre, de 11 m² aménagée dans les combles, a-t-elle conduit le Conseil d’Etat à considérer que cet aménagement n’était qu’accessoire par rapport à la destination principale du bâtiment demeurant inchangée.
(Conseil d’Etat, 30 décembre 2013, req. n°358535)