Ancien ¾ centre du XV de France (48 sélections, 11 essais et d’innombrables percées et passes décisives …), André Boniface est le grand représentant du jeu de lignes et du jeu d’attaque des années 60.
Fer de lance de l’académie du beau jeu, il remporte 5 Tournois des V Nations et apporte en compagnie de son frère Guy et Christian Darrouy entre autres, le Bouclier de Brennus et 3 Challenge Yves du Manoir à Mont de Marsan.
« Boni », « le créateur d’essai » était le roi du cadrage débordement et des passes croisées. Il est aujourd’hui le symbole du « french flair ». Depuis 2005, il fait partie du cercle très fermé du « Hall of Fame international ».
Edit : la promotion 2005 était composée d’André Boniface, Naas Botha, John Eales, Grant Fox, Martin Johnson, Ian McGeechan, François Pienaar, Keith Wood, Dave Gallaher et Gwyn Nicholls
- Vous vous définissez comme un « AllBlackiste ». Pourquoi aimez-vous autant les All Blacks ?
Il y a des choses qu’on aime dans la vie, sans savoir pourquoi. Ça fait partie des choix d’une vie, comme choisir la femme que l’on aime et ne pas savoir si on en aimera d’autre. La vie est comme ça. Moi les All Blacks m’ont toujours fasciné. D’abord par leur côté esthétique que j’aime beaucoup, la sobriété de leur maillot, cette couleur noire avec ce petit col blanc qu’ils avaient autrefois était magnifique. J’étais fasciné. Je recherche des choses qui, par l’esthétique arrivent à me séduire. Chacun ses goûts. C’est très personnel. Au départ ce n’était pas le jeu, parce qu’on ne les voyait pas jouer, on ne les connaissait pas, on en entendait seulement parler. La 1ère fois que je les ai vus, c’est à Paris, en 54, quand on les a joués … J’étais admiratif mais sans appréhension. J’étais jeune et émerveillé d’être là. Je n’avais pas de problèmes de concentration ou d’émotivité, mais c’était un moment privilégié, car ce n’est pas souvent qu’on les bat …
- En 1954 vous êtes très jeune et vous vivez la 1ère victoire du XV de France contre les All Blacks. Avez-vous réalisé sur le moment l’exploit que vous veniez d’accomplir ? Cette victoire a-t-elle changé des choses par la suite pour le XV de France ?
A mon avis rien du tout, parce que la presse n’en a presque pas parlé.
Nous avons gagné ce match un peu dans l’anonymat sur la fin de tournée pour les All Blacks. Avec le temps, on se rend compte de l’exploit. Nous n’avons peut-être pas gagné normalement…. Je leur trouve toujours des excuses, mais je pense qu’ils étaient venus à Paris un peu en touriste. Après deux mois passés en Grande-Bretagne, sortant de matches très durs, ils arrivaient à Paris la fleur au fusil, un peu fatigués, n’ayant sûrement pas préparé ce match avec toute la conviction nécessaire. Je me demande toujours si c’est bien leur grande équipe que nous avons battue.
Edit : La tournée néo-zélandaise a commencé le 31/10/1953 et s’est terminée 36 matches plus tard le 20/03/1954. Le match perdu contre la France était le 30ème de la liste.
- En 1961, 7 ans plus tard, vous partez pour la Nouvelle-Zélande avec un tout autre statut, vous êtes alignés au centre, avec votre frère Guy. Comment vous étiez vous préparé tous les deux, aviez-vous mis quelque chose en place pour déstabiliser la défense néo-zélandaise ?
On est parti là-bas en les connaissant mieux. Reconnus comme les meilleurs joueurs du monde, faire une tournée là-bas, représentait une aventure énorme. On voulait y réaliser de très belles choses. On avait beaucoup de plaisir. Malheureusement 2/3 de nos avants n’ont pu s’y rendre pour raisons professionnelles. Au bout de deux mois de tournée, notre équipe était anéantie. Ce n’est pas leur faire offense de dire ça, mais nous avions quelques avants qui étaient des joueurs de niveau France B, en tout cas pas prêts pour affronter les plus grands avants du monde.
- Vous n’aviez que trop peu de bons ballons à négocier ?
Nous avions prévu de faire du jeu. Les Néo-Zélandais attendaient ça de nous. Ils pensaient que les Français allaient leur montrer ce que tout le monde appelait le « French Flair ». Hélas, nous n’avons pas pu le montrer autant que nous l’aurions souhaité. J’étais déçu de ça. Ils le regrettaient, pour eux et pour nous. Par contre, j’ai réussi à jouer là-bas mon premier match avec mon frère et c’était un bonheur infini. Quel dommage que ma famille n’ait pu profiter de ce moment-là. Pour nous c’était exceptionnel… et le début d’autres matches qui nous ont enchantés.
- Pierre Albaladejo parle de cette tournée comme d’une révélation. Qu’en a t’il été de l’atmosphère, de l’accueil néo-zélandais ?
C’est-à-dire qu’en France, et nous dans notre Sud-Ouest, on est reconnu comme la terre du rugby français et des corridas. Mais arrivés là-bas, on s’est aperçu que le rugby était porté au pinacle. C’était quelque chose d’exceptionnel. Tout le monde dit que c’est une religion, mais oui, c’est vrai. Etre joueur de rugby c’est sublime et être All Blacks on ne peut pas faire mieux. Ils nous ont reçus avec une gentillesse… une délicatesse… tout le monde avait de la considération pour nous, pour cette équipe française. Je regrette que nous n’ayons pas donné le rendement qu’ils attendaient de nous. Par contre, nous avons réalisé de bons matches de semaine. Les provinces étaient moins fortes et nous arrivions à produire du jeu. Ils étaient contents. Un vrai bonheur pour eux de voir notre jeu : des passes croisées, des cadrages débordements, des percées, nous leur avons fait de tout ! Sauf dans les tests, devant nous n’y arrivions pas.
- Les Néo-Zélandais gardent de très grands souvenirs de vos percées, jusqu’au point qu’un couple, les Miller, appellent leur fils « André Boniface » …
Oui c’était dans un match de province justement. J’avais fait pas mal de jeu ce jour-là et puis mon adversaire, qui n’était pas sûrement Ma’a Nonu ou je ne sais qui, avait sa femme qui venait d’accoucher. Il a appelé son enfant André Boniface Miller. Je ne l’ai jamais revu. Je regarde toujours si je le vois sur les terrains. Apparemment ça ne lui a pas porté bonheur de porter mon nom comme prénom. C’était honorifique. Il faut y penser à faire ça. Ce type aurait pu être offusqué de ce que je lui avais fait cet après-midi-là … et lui non, non, au contraire il était content. Incroyable, jamais en France quelqu’un penserait à ça. Il voulait me faire honneur. C’est inexplicable, c’est quelque chose qui existe là-bas, quelque chose qu’il a ressenti et que l’on ne peut ressentir que là-bas.
- Parmi les joueurs néo-zélandais que vous avez affrontés, lesquels vous ont impressionnés?
On a rencontré un 8 qui s’appelait Vic Yates. A mon avis c’est le plus fort que j’ai connu. Vous connaissez Nathan ?
- Oui, Waka Nathan
Et bien c’était Nathan en plus grand. Il était très élancé. Il savait tout faire. Dans le dernier test il nous a marqué un essai tout seul. Magnifique … il est parti comme ça … il a dévoré le sol, c’était beau, il était merveilleux à voir. On avait pourtant Crauste et Moncla en 3ème ligne, qui tenaient la dragée haute à tout le monde dans le tournoi. Mais Vic Yates … Après on ne l’a jamais revu. Je crois qu’il a pris un mauvais chemin dans sa vie, des problèmes d’alcool et quand ils sont venus en 63, je pensais qu’on allait le revoir et pouvoir montrer le phénomène à tout le monde. C’était une étoile filante. Il est venu en très peu de matches marquer son temps.
- Avez-vous gardé contact avec certains joueurs néo-zélandais?
Oui avec Wilson Whineray, le capitaine des All Blacks. Notamment après l’accident de mon frère où il s’est manifesté plusieurs fois. Un type exemplaire. D’un très haut niveau intellectuel, un pilier international formidable. D’habitude c’est plus le style fermier-tondeur de mouton, mais je crois qu’il était prof à Harvard et boxeur. Whineray était exceptionnel, dans la construction du jeu et également dans son capitanat.
J’ai aussi gardé contact avec l’arrière, Don Clarke, qui était monstrueux. Il tapait de la pointe au-delà des 50 mètres avec une banalité déconcertante.
Quand je suis revenu en Nouvelle-Zélande, j’ai rencontré un de mes adversaires, Ron Jarden. On a discuté, il était très gentil et très modeste. Je lui ai demandé ce qu’il faisait dans la vie et il m’a donné sa carte. « All Blacks » était écrit en très grand et en dessous il avait mis son poste actuel, un poste très élevé, comme PDG ou ministre, mais c’était écrit en tout petit … Le plus important c’était d’avoir été un All Black ! On voit bien l’importance pour lui que représente le fait d’avoir été All Black dans sa vie.
- On parlait de Thomas Castaignède comme du « petit Boni ». Aujourd’hui, y a-t-il un joueur assez proche de vous dans sa façon de jouer ?
Je ne sais pas … Si j’avais dû jouer à l’ouverture, j’aurais aimé être Dan Carter. Il a cette fluidité de jeu, fluidité de passe, le coup de rein. Il est esthétique. Il essaie de tout faire et de bien le faire.
Dan Carter, un des meilleurs du monde sur les 10 dernières années
- Les All Blacks ont plutôt commencé à jouer au rugby de façon assez pragmatique, et puis, au fil du temps ils se sont dirigés vers du jeu « total » …
Oui, ils avaient beaucoup plus de facilité à jouer avec leurs avants. C’étaient tous des fermiers travaillant énormément et ayant beaucoup de forces. Ils étaient vraiment très durs, avec une musculature beaucoup plus naturelle, plus dynamique, plus puissante, plus dense, plus forte que celle obtenue aujourd’hui dans les salles. Ce n’est pas la même. C’était la nature qui parlait. C’était leur point fort. Honnêtement je ne garde pas de souvenirs des ¾ que j’ai rencontrés. Mais je garde des souvenirs de leurs avants : Brian Lochore, Colin Meads, Ian Kirkpatrick, Wilson Whineray, Ken Gray … ils étaient impressionnants. Des types énormes. C’est marrant, parce que j’étais assez loin d’eux sur le terrain.
C’est après que leur jeu s’est débridé. Et puis il y a eu l’apport des Maoris, des Polynésiens qui sont des joueurs racés, essayant toujours de faire des choses, sans scrupules, sans appréhension du jeu. Ils sont créatifs.
- La France semble hésiter aujourd’hui à se lâcher. Pourquoi selon vous ?
Pfff … Parce que …
Il faut voir la base, la formation. Voilà, je pense qu’on n’est pas bien formé. Nous n’avons pas la technique individuelle nécessaire pour qu’elle soit ensuite mise au service du collectif. Donc on passe à côté. Impossible de faire un jeu de lignes si on ne sait pas faire des passes … la passe pour un ¾ c’est l’essentiel du jeu. Maintenant la passe n’arrive qu’au 10ème plan. Ce qui est important c’est de ne pas perdre le ballon, de rentrer dans les gars et si on passe au sol ce n’est pas grave, pourvu qu’il sorte au bout de quelques secondes grâce aux gars qui vont venir s’empiler sur vous … tout ça c’est un changement d’état d’esprit. Le jeu est beaucoup plus restrictif et plus personne ne parle du « French Flair ». C’est fini !
Ce n’est pas nous qui avons dit que les Français possédaient le « French Flair ». Nous n’avons jamais dit ça. Ce sont les Britanniques qui se rendaient bien compte qu’il se passait quelque chose d’imprévu, que c’était le flair du jeu. D’ailleurs les Britanniques sont toujours enfermés dans ce cadre-là, ils n’improvisent pas beaucoup. On connaissait leurs qualités physiques qui étaient énormes, et elles le sont encore aujourd’hui. Ils n’arrêtent pas d’essayer et de faire des relances, mais ils ne sentent pas les coups. Nous on se disait, « pourvu qu’ils soient aussi cons que la dernière fois ». Parce qu’on savait qu’ils étaient forts, mais qu’ils n’arrivaient pas à voir comment négocier le jeu. Aujourd’hui encore, ils se mettent souvent dans de bonnes positions mais ils ne marquent pas.
Mais ils ont le souci de faire plus de jeu que nous … C’est un malheur d’être obligé de voir ça et de le dire …
On est à la rue … On est l’équipe qui essaie le moins de chose. Tout le monde le dit, on va dans le camp adverse pour provoquer des fautes, pour marquer des buts … C’est dramatique de le penser ça … et de le dire !
- Quel geste rugbystique associeriez-vous aux All Blacks ? D’une manière générale, que font-ils de mieux que les autres ?
Des passes !
Le souci de la passe, de bien donner son ballon. « L’offrande » ça fait un moment que j’ai dit ça, tout le monde s’en est emparé … Mais la passe c’est un bouquet de fleurs que vous offrez à quelqu’un que vous aimez. La passe c’est ça ! Les All Blacks ont ce souci. Et puis ils ont toujours des gars pour la recevoir… C’est très important d’être collectif et d’être au soutien. Tout le temps ! Au lieu de jouer à 15 ils jouent à 20.
C’était un des soucis majeur de ma carrière, de rester le moins possible par terre. Par terre, on est tous les deux, on ne se connait pas, il y en a aucun qui est meilleur que l’autre et en fin de compte on est anéanti tous les deux … L’ennui c’est quand le meilleur est par terre … Les Blacks eux, ils enchaînent ! L’exemple type aujourd’hui ne vient pas d’un 3/4, il vient d’un avant, de Read ! Il est époustouflant.
Kieran Read, élu joueur de l’année 2013
- Oui il a été particulièrement génial cette année
Génial ! Il sait tout faire. Il ne rechigne à rien devant, prend les renvois, plaque, prend des touches et puis alors dans le champ d’action … il est exceptionnel.
- Il arrive à débloquer les situations
Il fait des choses merveilleuses … Et en plus il marque des essais. Il a une élégance remarquable. Il sourit tout le temps, il est délicat, il ne plonge pas comme un « abruti », je trouve qu’il a tout pour lui ce type. Il a été sacré « meilleur du monde », heureusement pour le rugby ! Les Blacks tiennent leur joueur d’avenir pour les trois prochaines années. Quand McCaw n’est pas là, Read compense, si Carter n’est pas là, Read va se placer à l’ouverture, il est exceptionnel …
- Il va butter aussi ?
(Rires) A mon avis, il doit être buteur ! Il doit savoir le faire. Non mais c’est vrai c’est drôle, parce qu’il ne paye pas de mine, mais il sait tout faire. En France on compte les plaquages, mais on ne compte pas les passes …
- Il manque peut-être un 3ème ligne en France qui baserait son jeu davantage sur le soutien au porteur de balle, quelqu’un pour faire le lien
Bien sûr ! Le jeu français est basé sur la défense, c’est clair. L’exemple à suivre c’est Read !
- Olivier Magne arrivait bien à tenir ce rôle, il y a quelques années de ça
Ah oui ! Magnifique ! Quand je voyais Magne, je me disais que si j’avais dû jouer avec un autre joueur que mon frère au centre, j’aurais joué avec Michel Crauste ou Olivier Magne. Je l’ai dit dans la presse, il le sait déjà. Olivier je le vois souvent, il habite à Hossegor maintenant, comme Roumat. On est toute une bande d’anciens, moi je suis le pater. Souvent je lui en parle et il est content. Il ne me parlait pas à l’époque, il n’osait pas me parler. C’est bien que vous me parliez de lui …
Olivier Magne, l’appel du large
- Quel serait le plus grand défaut des All Blacks ?
Ils auraient peut-être eu tendance un temps à négliger les mêlées. Bof … peut-être un peu. A l’époque des fermiers, ils n’avaient pas ce souci. Ils avaient des reins et du cou, mais après quand ils en ont eu moins, ils ont perdu cette puissance brute. Mais ils ont remédié à ça tout de suite.
Sinon honnêtement je ne leur trouve pas de points faibles. Ils arrivent toujours à trouver des solutions. Quand Carter n’a pas pu jouer, tout le monde a dit « oulala », ça va être un drame, et puis c’est le petit Cruden qui l’a remplacé. Il y en a un autre, qu’ils ne font pas jouer, un blond …
- Beauden Barrett
Ah oui ! C’est lui que je prends. Tout de suite !
« Il faut récompenser ce sourire » André Boniface
- Je pense qu’il devrait avoir sa chance l’année prochaine
J’espère ! Il est beau, il est fort, il a tout ! Il peut jouer partout, mais à l’ouverture il serait formidable ! Cruden est un peu juste physiquement. J’espère qu’ils vont comprendre.
C’est comme lorsqu’ils font rentrer à la mêlée, le costaud …
- Kerr-Barlow ?
Oui, il ne vaut pas Smith ! Je ne comprends pas pourquoi il est là … c’est un « camionneur ». Je ne sais pas où ils sont allés le chercher, mais bon … Alors qu’Aaron Smith, sa passe est magnifique ! Il sait se replacer, c’est un animateur ! Ça se voit. Il est tout jeune aussi.
Quel âge a Barrett ?
- 22 ou 23
Ah oui c’est ça. Il faut jouer avec cette charnière l’année prochaine. Cruden a un vilain bandage au genou et ça m’inquiète un peu. Enfin bon, je lui cherche des défauts parce qu’il me plaît moins que Barrett.
J’aime beaucoup l’arrière aussi, ce ne sont pas des mecs exceptionnels physiquement, ils sont un peu comme moi. Il ne faut pas dire qu’au rugby, on doit être monstrueux pour jouer. Je faisais 87 kilos et il y a encore des All Blacks qui sont comme moi. Le petit Dagg il est fort, très très fort ! Et les jeunes qu’ils ont trouvés aux ailes aussi … physiques, rapides et tout, c’est superbe !
- C’était l’année de Ben Smith également
Ah oui, alors lui, il dit qu’il est le plus lent, mais il arrive toujours le 1er et marque tout le temps, c’est magnifique ça ! Il est allé apprendre à courir 4-5 mois, je ne sais pas où, dans un centre d’athlétisme. Je le dis souvent moi, aux petits, vous ne savez pas courir, allez apprendre à courir ! Lui, il voulait faire quelque chose pour s’améliorer et là il court bien, il exploite ses capacités au maximum. Ils sont intelligents, ils ont envie d’apprendre et envie de devenir quelque chose dans le rugby, c’est très important.
- Quelle est la plus belle victoire du XV de France sur les All Blacks ?
C’est sûrement celle qu’ils ont remporté là-bas un 14 juillet … celle où il y a à la fin un sauvetage français qui prive les All Blacks d’un essai, je crois que c’était Jean-Pierre Rives le capitaine …
- Jean-Pierre Rives oui, en 1979
Je pense que l’exploit, c’est celui-là ! Il est plus beau que celui en Coupe du monde 1999 où on les avait éliminés avec des bons rebonds. Je crois moins à cette victoire qu’à celle du 14 juillet, là-bas. Ils venaient de perdre le 1er test, c’était un bel exploit.
Le 14 juillet 1979, Jean-Pierre Rives échappe à Graham Mourie
- Que pensez-vous des dernières confrontations entre la France et les All Blacks ?
Le dernier à Paris … je pense que si les All Blacks marquent à la 1ère minute, où l’ailier (Cory Jane) est poussé en touche, on risque la débandade. Parce qu’ils auraient eu plus d’intentions. Leur début de match était magnifique, mais ils n’ont pas marqué et on a limité les dégâts. Après on s’est accroché mais quand ils ont fini par marquer en 2ème mi-temps c’était fini ! J’ai eu l’impression qu’ensuite ils se sont contentés de ça. Ils avaient la mainmise. Je pense qu’ils en avaient encore sous la semelle. Je le regrette un peu d’ailleurs, parce qu’ils m’enchantent dès qu’ils font quelque chose.
Il y a un journaliste qui m’a dit que son fils, avec qui il a été voir ce match, lui a dit en regardant l’échauffement, que les deux équipes ne jouaient pas au même rugby … Parce que les uns s’échauffaient en se faisant des passes, tandis que les autres se rentraient dedans avec des boucliers … C’est exactement ça … Et c’est un petit de 13 ans qui le dit ! On est rentré dans une phase de combat, un peu de « rentre-dedans abruti », alors que les All Blacks ont cet esprit, comme nous l’avions autrefois.
Si on faisait ça aujourd’hui, on dirait qu’on est « rétro », qu’on revient 50 ans en arrière … Pourtant les All Blacks le font.
- On est beaucoup à penser la même chose …
Et oui … mais vous savez, le public maintenant n’est pas imprégné de ce qu’il se passait autrefois. C’est un nouveau public. Un public du soir, des fêtes. Nous on jouait le dimanche après-midi à 15h, après le repas familial. Il faut le faire ça ! Tandis que maintenant le vendredi ou le samedi soir, ils prévoient toute la semaine le match, c’est la sortie de la semaine. Ils sont au match et « ils s’en foutent » du spectacle. Ils chantent comme ils auraient pu le faire en boite de nuit. Avant on faisait l’effort de quitter la table, c’était une dévotion, c’était comme aller à la messe. C’est un problème auquel personne ne pense aujourd’hui, mais moi j’y pense souvent … Je passe pour un radoteur, mais j’ai vécu tout ça !
- Que pouvez-vous souhaiter aux All Blacks et au XV de France ?
Je souhaite aux All Blacks qu’ils continuent à jouer comme ils le font. On peut leur changer les règles, leur changer les joueurs, tout ce qu’on veut, ils ont conservé l’état d’esprit. Ils font toujours des choses que soit disant on ne pourrait plus faire dans le rugby moderne …
Et je souhaite au rugby français qu’ils copient sur les Néo-Zélandais. Il faut copier sur les meilleurs. Ce n’est pas déshonorant. L’exemple existe !