Piero Kenroll
BYE BYE PHIL
Ainsi Phil Everly nous a quittés. La perte est incommensurable. L’idée que les Everly Brothers n’enregistreront plus jamais, me déprime profondément. Qui fera encore sourire mon soleil ? (No one can make my sunshine smile ).
Dans « Rock and Roll Duo » le bouquin que Pierre Guyaut et moi sortirons bientôt, vous vous doutez bien qu’avec un titre pareil nous avons fait plusieurs fois référence aux Everly.
Mais il y a un autre récit de mon cru que vous pouvez lire immédiatement sur le site
memoire rock 60-70.be en cliquant sur « Gravé dans le rock » en voici un
extrait :
Ainsi, ce 13 octobre, j’ai convaincu mes potes de m’accompagner au ciné Roma à Anvers où passent les Everly Brothers.
Les Everly Brothers ?
Tous en ont entendu parler mais sont un peu trop jeunes pour avoir vécu la décade (de 1957 à 1967) où ils ont aligné une trentaine de
hits de part le monde y devenant les plus grands vendeurs de disques après Elvis, les Beatles et Frank Sinatra. Je leur explique que le rôle des Everly dans l’évolution du rock est capital, que
la plupart des groupes qui pratiquent les harmonies vocales les citent comme influence, à commencer par les Beatles qui, au début de leur carrière, étaient parfois qualifiés d’ « Everly Brothers
anglais » ; que Don et Phil Everly ont continué à évoluer musicalement et que John Sebastian, Graham Nash, David Crosby et Delaney and Bonnie ont participé à l’enregistrement de leur dernier
album « Stories We Can Tell » une autre petite merveille. Bon : quelques jours avant certains m’avaient accompagné voir Bill Haley (aussi à Anvers) et s’étaient bien amusés, alors ils doivent se
dire « Pourquoi pas ces autres vieux pionniers du rock ? ». C’est un vendredi 13. Ils tentent leur chance…
Ils ne vont pas le regretter ! Quand les deux « vieux pionniers du rock » montent sur scène, on s’aperçoit que ce sont de jeunes hommes dans la trentaine (ils ont commencé encore gamins) qui ont
un charme fou. Les filles de la bande en sont tout glaglagla. Les Everly ont un look tout à fait contemporain, une élégance naturelle, un charisme qui rayonne jusqu’aux derniers rangs de la
salle. Ils annoncent leurs chansons avec humour, évoquent un précédent passage en Belgique, présentent leur papa qui fait partie de leurs accompagnateurs et puis, et surtout…Ils chantent. Mon
Dieu comme ils chantent ! « Dire qu’ils chantent de façon extraordinaire est un terme bien faible. Non seulement la perfection de leurs harmonies est telle qu’on croirait entendre un seul type
qui possède deux bouches, mais ils y mettent en plus tellement de sentiment que tout ce qu’on peut faire, c’est en rester baba . » En effet, j’en ai plusieurs autour de moi qui sont bouche bée de
stupéfaction. Ils ne savaient pas que c’était possible. Moi-même, qui connaît pourtant la plupart des disques des Everly, je suis secoué par l’intensité de leurs interprétations. C’est tellement
fort que pour « Crying In The Rain » j’en ai effectivement les larmes qui me viennent aux yeux. A mes côtés, Chantal commente « Ils sont formidables, non ? » Un nœud dans la gorge, je réponds «
Grouilc ! ».
Dans le mini-bus, sur le chemin du retour, il règne un calme inhabituel. Comme si chacun voulait encore prolonger dans son esprit ce concert merveilleux qui n’a eu qu’un tort : s’achever.
Heureusement que nous ne pouvons pas deviner que les Everly vont se séparer quelques semaines plus tard. Ce sera la plus grande catastrophe de 1973 !
… Mais, bon, ils se réuniront une dizaine d’années plus tard et produiront encore quelques merveilles...
Piero Kenroll