Titre original : Lone Survivor
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Peter Berg
Distribution : Mark Wahlberg, Taylor Kitsch, Emile Hirsch, Ben Foster, Eric Bana, Alexander Ludwig, Ali Suliman, Yousuf Azami, Jerry Ferrara…
Genre : Guerre/Drame/Action/Adaptation/Histoire vraie
Date de sortie : 1er janvier
Le Pitch :
28 juin 2005 en Afghanistan : un commando de quatre Navy Seals prend part à l’opération Red Wing. Leur objectif étant de localiser et d’éliminer un chef taliban. Néanmoins, les choses prennent rapidement une mauvaise tournure pour les quatre soldats, qui se retrouvent encerclés par l’ennemi. Histoire vraie…
La Critique :
5 ans. C’est le temps qu’il fallu à Peter Berg pour monter Du Sang et des Larmes. Un film qui reste à ce jour son projet le plus personnel et celui dans lequel il s’est le plus investi, en réduisant notamment son salaire pour permettre un meilleur financement. Une tendance suivie par les têtes d’affiche, elles aussi impliquées, à l’image de Taylor Kitsch et de Mark Wahlberg, crédité ici en tant que producteur. Devenu proche de Marcus Luttrell (le personnage campé par Wahlberg), afin de mieux comprendre la situation inextricable dans laquelle il s’est retrouvé, le réalisateur a porté le film sur ses épaules, sans se départir d’une motivation et d’une volonté de fer. En résulte un long-métrage totalement immersif, intense et sans concession.
Si la guerre est au centre de nombreux films, elle n’est pas toujours représentée avec l’intensité nécessaire. Tout dépend de l’angle choisi et bien sûr des intentions de base. Peter Berg, en choisissant de raconter une histoire vraie, a aussi opté pour une narration simple, qui exclue de manière bienvenue, les évocations trop patriotiques. Bien sûr, les quatre héros du long-métrage sont américains et la guerre dans laquelle ils sont impliquées est elle-même très américaine. Il est alors facile de ne voir que les symboles rendant justice à la grandeur de l’Oncle Sam, même si ici, ils sont finalement bien cachés. En gros, pas de ralenti sur la majestueuse bannière étoilée, ni de musique trop pompeuse propre aux envolées triomphales. On n’échappe pas au soldat qui va se marier, ni au petit bleue pressé de rejoindre le champs de bataille, mais après tout, ce ne sont là que des éléments courants, indispensables quand on désire brosser avec un minimum d’authenticité des personnages. À plus forte raison quand il s’agit de personnes ayant vraiment existé. Le caractère véridique du récit dédouane complètement le film, qui évite avec intelligence de trop appuyer sur la corde sensible facile et sur les clichés. Il déroule les éléments de son histoire, simplement, sans forcer le trait.
Néanmoins, une telle démarche, aussi noble soit-elle, interdit au long-métrage de rentrer trop rapidement dans le vif du sujet. Du coup, la mise en place est par moment un peu longue. Peter Berg est plus à son aise dans l’action et si cette longue introduction trouve sa parfaite justification dans le processus d’empathie, elle plombe un peu le rythme initial du film.
Cela dit, quand Du Sang et des Larmes passe à la vitesse supérieure, il ne ralentit jamais. Une fois les soldats pris en tenaille par les talibans, Peter Berg envoie du lourd, pied au plancher. Dès lors, son film se transforme en pur survival. Âpre et violent. L’étau se resserre petit à petit, au fil de séquences toujours plus intenses où les concessions n’ont pas leur place. On retiendra notamment cette hallucinante séquence, qui voit les soldats chuter d’une falaise. Les corps, déjà meurtris par les impacts de balles, percutent les rochers et les branches, le son retranscrivant cruellement la chair violentée. Le tout traduit à l’écran avec une intensité qui atteint des sommets. À la limite du supportable, les chocs frappent fort et font passer la sauvagerie des combats à un autre niveau. Peter Berg filme ces hommes avec un attachement directement responsable d’une violence non complaisante mais bel et bien utile à l’aspect authentique du film. Après tout, c’est la guerre et la guerre est sale et sans pitié. Dans une valse sans fin, Du Sang et des Larmes expose une lutte totalement inégale, où quatre hommes mettent à l’épreuve leur courage et leur dévouement, de même que leur instinct de survie.
On ne le dira jamais assez, mais si Du Sang et des Larmes n’est pas dénué de défauts, il reste difficilement attaquable sur le plan visuel. Viscéral, bourrin, toujours mesuré et parfaitement lisible, le film s’apparente à une plongée en apnée aussi virtuose que pénétrante.
Pour le coup, c’est avec goût que Berg s’est entouré d’acteurs complètement en phase, pour transposer à l’écran cet épisode d’une guerre qu’il prend aussi le temps de réprouver, sans là non plus tomber dans un excès de démagogie. En tête de liste, Mark Wahlberg, décidément hyper actif, met les apparats de côté, comme ses collègues, et se concentre sur un jeu dont la montée en puissance s’avère redoutablement tendue. Idem pour Taylor Kitsch, Ben Foster et Emile Hirsch, tous les trois parfaits dans des rôles qui appellent plus de mesure qu’on ne pourrait le croire. Chacun tient son poste, fusil à l’épaule. Victimes d’un conflit et de circonstances scandaleusement impitoyables (les soldats sont rapidement privés de support aérien et n’ont aucun moyen de contacter leur commandement), ces hommes sur-entrainés, faisant partie d’une élite guerrière quasi-ancestrale, remettent à eux-seuls en question les enjeux d’un conflit qui ne fait pas (ou peu) de prisonniers.
Et c’est dans un troisième acte surprenant, où le film évite aussi de justesse de tomber dans la démagogie pro-américaine, que les craintes sont définitivement apaisées pour laisser entrer l’émotion. L’émotion et l’espoir, car le film n’en est pas dénué.
On n’en dira pas plus, histoire de ne pas éventer un dénouement plein de souffle. Sachez simplement que non, Du Sang et des Larmes n’évite pas les clichés et que non, il n’est pas non plus à ranger dans la même catégorie que ces pamphlets anti-militaristes. Peter Berg admire les Navy Seals, c’est évident. Ce qui ne veut pas dire qu’il approuve la guerre où la totalité de leurs actes. Il les filme et veut rendre hommage à leur engagement. Le générique de début le prouve, celui de la fin le confirme un peu plus. Il évite de tomber dans l’excès, à la manière de Forces Spéciales, de Stéphane Rybojad, qui adoptait une réalisation très Call of Duty, tout en usant et abusant de tous les clichés les plus grotesques du genre. Du Sang et des Larmes ne prend pas non plus la forme d’un spot de pub pour l’Armée, à l’instar (toujours) de Forces Spéciales. Rien de tout ça ici. Juste un récit, simple, retranscrit avec une force brutale et une violence sèche. Un long-métrage qui va jusqu’au bout de ses idées et qui sait rester réaliste. Et étrangement, il est amusant de vérifier à quel point le titre français s’avère pour une fois tout particulièrement pertinent.
Nous avions quitté Peter Berg en pleine bataille navale avec des aliens robotisés (Battleship). Aujourd’hui, il a changé son fusil d’épaule. En pleines montagnes afghanes, dans le sang et les larmes donc, il suit une trajectoire beaucoup plus terre à terre (au sens propre donc) et signe un film amené à rester dans les mémoires. Un film de guerre de haut standing qui prendra probablement encore plus de galons avec les années.
@ Gilles Rolland