"L'Art est individualisme, et l'individualisme est une force dérangeante et corrosive. Là, s'y trouve sa vraie valeur. Alors que son objectif est de mettre en échec la monotonie, la soumission aux règles, la tyrannie de l'habitude, et le rabaissement de l'homme au niveau de la machine".
-Oscar Wilde, 1888
Dublin, 1878
Oscar Wilde a 24 ans. Il a eu une scolarité à son image, flamboyante et éxubérante où il s'est laissé pousser les cheveux contre la tradition victorienne dont il est un éloquent portraitiste. Fin parleur, il a laissé une impression majeure autant au collège Trinity qu'à l'université d'Oxford où il a laissé sa marque, non seulement par des écrits ludiques et des idées pleines d'esprit, mais aussi avec un talent exceptionnel pour les langues et ses connaissances sur la Grèce antique.
Wilde était une figure connue mais pas nécessairement aimée. Son excentricité, ses poses languides et ses costumes tape-à-l'œil, tournent parfois à la provocation physique. Attaqué par un groupe de quatre étudiants, Wilde surprend tout le monde en les rossant tous les 4, tout seul.
Il dérange mais impose aussi.
Amoureux d'une jeune femme pendant deux ans, celle-ci lui préfèrera l'auteur Bram Stocker. Wilde s'installe alors à Chelsea en Angleterre et devient un proche des actrices de théâtre Lillie Langtry, Ellen Terry et Sarah Bernhardt.
Bien qu'il se destinât avant tout à une carrière de critique d'art, ce fut par le biais de la poésie qu'il parvint à se faire un nom dans le monde littéraire de la capitale britannique. Poems est une collection de sa prose lancée en 1881.
Bien qu'il n'eût alors que peu produit, Wilde profite pleinement de son sens du verbe et de la publicité ainsi que de la notoriété de son cercle d'amis pour faire valoir ses qualités mondaines. Figure déjà suffisamment célèbre pour que son style hors norme fasse l'objet de caricatures dans la presse de Londres, cette notoriété prend une nouvelle ampleur quand Gilbert et Sullivan, s'inspirent directement de Wilde pour créer l'un des personnages de leur nouvel opéra intitulé Patience. Quand cet opéra est produit aux États-Unis, la puce est mise à l'oreille des Étatsuniens qui l'invite en tournée afin d'y faire des lectures et pour présenter sa flamboyante personalité.
Wilde ne décevera pas. À son arrivée en janvier 1882, il répond au douanier qui l'accueille qu'il n'a que son génie à déclarer. Initialement prévue pour seulement quatre mois, la tournée durera finalement plus d'un an, avec un passage au final par le Canada. À son retour en Angleterre, sa réputation en est grandie et inspiré de la lecture de Théophile Gautier, Baudelaire ou William Morris, Wilde s'en nourrit directement dans des essais qu'il publie aussitîot avec succès.
La Duchesse de Padoue devient sa première pièce de théâtre en 1883 et l'amène à Paris où il fréquente Robert Sherard (qui deviendra son biographe), dine chez Victor Hugo, participe aux soirées organisées par par le peintre Giuseppe De Nittis, côtoit les peintres impressionnistes Edgar Degas et Camille Pissaro, a, dans l'entourage de Marcel Proust, ses premiers flirts homosexuels, et reste impressionné par le poète français Maurice Rollinat. Ce passage français le change alors qu'il entre dans une seconde période esthétique, troquant ses tenues extravagantes contre des costumes toujours aussi soignés mais plus sobres et fait également couper ses fameux cheveux longs "à la Néron".
Wilde marie la fille d'un riche conseiller de la Reine d'Angleterre qui lui assure une sécurité financière et fait taire les rumeurs d'homosexualité. Un garçon en 1885 suivi d'un autre en 1886 taisent publiquement cette rumeur mais en privé, le poète de 17 ans Robbie Ross devient son amant.
Wilde devient un chantre de l'esthétisme qui devait maintenant incarner les principes qu'il s'était fait profession d'enseigner aux autres soit l'hédonisme au parfum de décadence.
Il mène une vie de journaliste, d'essayiste et d'écrivain de pièce de théâtre avec beaucoup de succès. Il publie son seul roman, The Portrait of Dorian Gray, dans lequel il défend la séparation de l'esthétique et de l'éthique, du beau et du moral, en 1890.
Au théâtre, il lance successivement L'Éventail de Lady Windermere et Salomé (écrites en français) en 1893, A Woman of No Importance en 1894, An Ideal Husband, la même année et The Importance of Being Earnest en 1895.
Le succès de cette dernière pièce le propulse au zénith de sa gloire. Son arrogance est telle qu'il se permet de fréquenter le fils du marquis de Queensberry, Lord Alfred Douglas. Le marquis de Queensberry exige de Wilde de s'éloigner de son fils. Début 1895, il remet sa carte de visite pour Wilde où il écrit : "For Oscar Wilde posing as Somdomite" (Pour Oscar Wilde, s’affichant comme Somdomite [sic]. (orthographe fautive du mot sodomite, acte criminel de l'époque)
Wilde tombe dans le piège et décide alors de lui intenter un procès pour diffamation, qui causera sa chute. Le plan du marquis de Queenberry est de faire les accusations se retourner contre Wilde et le voir ainsi accusé de corruption des moeurs et d'être le Svengali de jeunes mâles errants qui deviendront prostitués.
Et le plan fonctionnera à merveille.
L'avocat de Queensberry, Edward Carson, va s'y révéler un accusateur habile et coriace, et les joutes verbales opposant les deux hommes vont rester fameuses. Wilde joue tout d'abord de son charme habituel, de son inégalable sens de la répartie, déclenchant l'hilarité du public, transformant par moment le tribunal en salle de théâtre. Mais il finit par se faire coincer à propos de Walter Grainger, un jeune domestique de Lord Alfred Douglas à Oxford. Carson lui demandant s'il l'a jamais embrassé, Wilde répond "Oh non, jamais, jamais ! C’était un garçon singulièrement quelconque, malheureusement très laid, je l'ai plaint pour cela."
Wilde, dont on avait prouvé qu'il avait menti sur son âge sous serment, qu'il avait fréquenté de jeunes hommes pauvres qui avaient toutes les allures de prostitués et qui venait de rendre important le fait qu'un homme se devait d'être beau afin qu'il l'embrasse s'inculpait alors lourdement.
Il fera deux ans de prison qui le briseront moralement et physiquement. Il écrit une longue lettre à Lord Douglas qui deviendra la déprimante publication De Profundis à sa sortie de prison. En s'évanouissant en prison, il se brise le tympan de l'oreille droite et en mourra en 1900, décédant d'une inflammation des méninges consécutive à la suppuration de cette oreille.
Provocateur coloré de la société victorienne, son art, comme ses nombreux paradoxes, ont été sujets de recherches autant que de discussions. Jamais, Oscar Wilde ne laissait insensible.
Ses citations sont encore fameusement consultées/utilisées/repertoriées.
Sa propre évalutaion personnelle de lui-même aura été celle "d'un homme en relation symbolique avec l'art et la culture de son époque"
Qui était même peut-être, trop en avance sur son époque...