Les musiques religieuses afro-brésiliennes: candomblé, umbanda, macumba

Publié le 03 janvier 2014 par Boebis @bonjoursamba

      (couverture: Oya par Kiko Dinucci)

Les musiques religieuses afro-brésiliennes irriguent toute la musique du Brésil. Elles témoignent de la matrice africaine de la musique brésilienne, témoignages historiques sans doute, mais surtout repères bien vivant et féconds jusqu'à aujourd'hui. Elles sont pourtant rarement connues et écoutées, même par les amateurs de musique brésilienne.

Pour découvrir cette musique, voici quelques disques anciens et récents, peu voir pas du tout distribués hors du Brésil et pour beaucoup jamais réédités. Mais avant ça, une petite contextualisation rapide s'impose sans doute.

Comme vous le savez sans doute, la plupart des musiques du continent américain et la musique brésilienne en particulier sont issues en grande partie du syncrétisme entre les cultures européennes et africaines. Les négriers et les propriétaires d'esclaves mélangeaient volontairement les esclaves d'origine diverses et favorisaient l'acculturation autant que possible afin de prévenir les rebellions. Les esclaves africains ont donc, plus que perpétués, reconstruits une culture afro-brésilienne à partir des  élements culturel qu'ils avaient en commun en les adaptant à leur nouvel environnement social. Il est ainsi aujourd'hui assez difficile de relier un élement culturel brésilien à une ethnie africaine déterminée.

Cette culture afro-brésilienne apparait le plus magistralement dans la religion afro-brésilienne, qu'on peut regrouper ici sous le terme générique de candomblé. S'il est apparu au Brésil, il porte la marque des ethnies yoruba et fon (Nigéria, Benin..) avec dans une moindre mesure quelques élements indiens et catholiques. Dans le candomblé et les religions apparentées (batuque, tambor de mina, umbanda, culto de Ifá, omoloko, xambá etc.) on vénère des divinités appelées orixás. Malgré l'origine africaine de ces cultes et leur persécution pendant plusieurs siècles, ils ont aujourd'hui des fidèles de toutes les origines sociales et ethniques.

Si le candomblé a eu une influence si importante dans la musique brésilienne c'est que contrairement au christianisme où la musique accompagne le culte, la musique constitue le culte lui-même. C'est la musique qui permet de communiquer avec les orixás. Non de manière métaphorique, mais de manière très pratique puisque c'est au son des percussions sacrées (les atabaques), de cloches, et de chants que sont appelés les orixás. A travers l'esprit d'un humain décédé, les orixas possèdent ("chevauchent") alors les initiés qui entrent en transe.

Chaque orixá a un répertoire spécifique de chants, de rythmes et de danses, qui varient entre les "nations" de candomblé (angola, nagô, jeje...). Et pour l'amateur de musique, c'est un réservoir de motifs rythmiques et mélodiques d'une richesse époustouflante.

Voici les morceaux présents dans la playlist dans un ordre différent de cette dernière où j'ai préféré varier entre les chansons plus brutes, peut être moins accessibles et les relectures avec des arrangements et une production plus proches de ce qu'on écoute habituellement.

On fait remonter les premiers enregistrements de musique religieuse afro-brésilienne à Mano Elói en 1930. Le plus vieil enregistrement que j'ai trouvé date cependant de 1942. Un enregistrement en "field recording" par la Library of Congress des Etats Unis. A noter que ce sont des Américains qui ont enregistré l'album, à une époque où les dirigeants de la florissante industrie musicale brésilienne devaient majoritairement considérer ces musiques comme démoniaques ou arrierées.

Ketu for Yemaja (Ketu para Iemanjá) (1942)

La même année, paraissait également un album historique, également d'initiative américaine, "Native Brazilian Music", dirigé par Leopold Stokowski avec l'aide d'Heitor Villa Lobos. Un album où on trouvait les plus grands musiciens de Rio de l'époque (Cartola, João da Bahiana, Donga, Pixinguinha, Zé Espinguela) qui interprètaient des sambas mais également des macumbas.

Pour l'anecdote, ces deux disques s'inscrivent dans dans le volet culturel de la "politique du bon voisnage" des Etats-Unis. Un projet qui enverra Walt Disney au Brésil, qui en reviendra avec quelques dessins animés qui populariseront le morceauAquarela do Brasil d'Ary Barroso.

Zé Espinguela - Macumba de Oxóssi (Donga/José Espinguela)

 

J.B. de Carvalho est un des pionniers et des plus fameux musicien d'umbanda. Il a enregistré et joué à la radio des morceaux de musique d'umbanda dès 1931.

J.B. de Carvalho - Ogum Maytá

Un très beau disque, peut être plus accessible que les autres malgré un vinyl rippé visiblement endommagé.

Yalorixá Maria D. Miranda e a Corimba da Tenda Ogum Urubatão -  Pai Xangô (No Reino da Umbanda – cantos do ritual)

     

José Ribeiro e Coro de Suas Filhas de Santo -  Ogum (Umbanda Branca, 1989)


João Camelo Barbosa e Coro do Terreiro Ogum Beira Mar de Santa Tereza (R.J) - (Na Gira de Exú)

Babalorixá Caio Aranha com os Filhos do Axé Ilê Obá - Oxossi  (1983)

 Abaçá de Xangô e Pai João do Congo da Bahia, Terreiro do Pai Tomás D’Angola e Senhora Santana, Centr


La musique religieuse du Tambor de Mina, présente dans l'Etat du Maranhão. Ici la Casa Fanti-Ashanti située à São Luis, de nation Jeje-Nagô, fondée en 1954. Les Fanti et Ashanti étaient des peuples originaires de l'actuel Ghana. Les enregistrements datent de 1986 et ont été publiés en 1991.

Casa Fanti-Ashanti - Doutrina de Xangô (Tambor de Mina, Cura e Baião na Casa Fanti-Ashanti, 1991)

Maria do Carmo e Curimba da Tenda de Umbanda Luz e Verdade - Mamãe Oxum (Umbanda 73)

Un très bel album dont nous vous avions déjà parlé dans le billet précédent sur la capoeira. Ici des choeurs acapella.

Edinho Marundelê - Ereum Malé / Yêye ô / Yada Baô (Eu, Bahia, 1972)

Les orixas ont aussi été chantés par des chanteurs profanes, dont les interprétations font le pont entre samba et musique religieuse. Et non des moindres !


L'umbandista Aparecida dans cette sublime ode à l'orixa Oxum.

Aparecida - Lágrimas de Oxum (Os Deuses Afros, 1978)

Un autre grand nom de la samba de Rio.

Martinho da Vila - Festa de Umbanda (Canta Canta, Minha Gente, 1974)

Un orchestre prophane mais très marqué par la musique religieuse afro-brésilienne. Et porté par une voix puissante et magnifique. 

Orquestra Afro-Brasileira - Obaluayê (Lamento)  (1958)

Dorival Caymmi, la légende bahianaise dans ce chant pour Obá.

Dorival Caymmi - Canto do Obá (1972)

Sans aucun doute la plus belle voix féminine des chants afro-brésiliens, souvent présentée comme le chaînon manquant entre le candomblé et la samba. Extrait d'une anthologie sortie par le label Discos Marcus Perreira.

Clementina de Jesus - Ponto de Macumba (Música Popular do Centro-Oeste e Sudeste)

 

La paire qu'on ne présente plus dont les afro-sambas firent beaucoup pour faire découvrir les orixas au monde bien différent des aficionados de la bossa nova. 

Baden Powell & Vinícius de Moraes - Lamento de Exu (Os afro-sambas, 1966)


Récemment, une scène à São Paulo dont nous avons beaucoup parlé sur ce blog dialogue de manière très créative avec ces musiques. 

Ici une reprise d'un ponto de candomblé classique, dans une version électrisée incroyable:

Metá Metá - Man Feriman (Metal Metal, 2012)

Metá Metá  - Obá Iná (Metá Metá, 2011)

Un duo entre Thiago França et Kiko Dinucci, les deux membres clés de Metá Metá. Il s'agit d'un morceau improvisé sous inspiration du candomblé Angola, auquel est lié Thiago França. Ngoloxi est un nom de l'orixa Lemba, aparanté à Obatalá dans le candomblé Nagô.

Thiago França & Kiko Dinucci - Ngoloxi, #1 (Fun Fun Sessions, 2013)

      Vous pourrez trouver les albums complets, en particulier les disques religieux non trouvables sur les réseaux de distribution commerciaux sur le site suivant Discos de Umbanda, ainsi que sur Acervo Discos Afro, Acervo Origens,et Acervo Tambor.