La vieille France rentre en guerre contre les vilains MOOC

Publié le 03 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Publié Par h16, le 3 janvier 2014 dans Édito

Chaque nouvelle année nous propulse un peu plus dans l’avenir. C’est en se rappelant ces évidences qu’on constate parfois à quel point une frange de la population française a, obstinément, choisi de regarder le passé pour s’y accrocher vaille que vaille et tout faire pour empêcher le reste du monde d’avancer vers la nouveauté, le changement et une nécessaire évolution, lui préférant résolument la fixité, par la loi s’il le faut, d’un conservatisme dépourvu de la moindre intelligence.

Récemment, l’exemple des Véhicules de Tourisme avec Chauffeur (VTC) a permis d’illustrer caricaturalement cette tendance grotesque : les taxis, se sentant menacés par l’apparition inévitable de véhicules disponibles sur demande au travers d’applications modernes sur téléphones, ont fait des pieds et des mains pour imposer à leurs nouveaux concurrents un délai d’attente minimal (de 15 minutes) avant de servir leur clientèle, afin de ne pas les concurrencer, eux seuls étant détenteurs du droit de maraude qui leur permet d’alpaguer le client directement, à la demande et dans la seconde.

La loi parfaitement ridicule, passée récemment, a déclenché l’hilarité et la consternation tant dans le pays que partout dans le monde où les touristes sont souvent confrontés à l’absence criante de véhicule disponible dans les principales villes de France tant l’inadéquation entre l’offre et la demande est criante concernant les taxis. Si le conservatisme, par nature, est loin de n’avoir que des mauvais côtés, il n’en reste pas moins que c’est le plus rétrograde qui a ici triomphé des VTC au détriment des clients bien sûr, de l’emploi évidemment, de la fluidité du trafic, du tourisme ou même de l’écologie si on y réfléchit deux minutes.

C’est parfaitement con et c’est aussi parfaitement français dans l’esprit. Et je n’exagère pas du tout en assimilant cette malheureuse histoire de VTC et de corporatisme des artisans-taxis à l’esprit français puisqu’on retrouve exactement les mêmes ressorts dans la création d’un nouveau collectif anti-MOOC.

Pour rappel, un MOOC est une forme d’éducation où des cours sont donnés en ligne, la plupart du temps en libre accès, avec une partie « magistrale » généralement composée d’une vidéo ou d’une présentation parfois animée, sur internet, et d’une partie interactive où les personnes qui ont choisi d’assister et de participer au cours peuvent échanger entre elles. Cette dernière peut avoir lieu dans un lieu physique, éventuellement sous la forme d’une classe ou d’un amphithéâtre, ou bien avec les moyens modernes de partage au travers d’un canal d’échange (IRC par exemple). Actuellement, des bibliothèques de vidéos impressionnantes se constituent, contenant des centaines de cours sur des douzaines de sujets différents. Ces bibliothèques existent pour la plupart en anglais, mais des initiatives françaises sont apparues et comblent leur retard.

Autrement dit, on assiste à l’apparition d’une forme alternative de distribution du savoir, bien au-delà de ce que peuvent faire l’Université ou l’école typique de nos aïeux. Dans ce cadre, le savoir est distribué, facilement accessible, disponible à toute heure du jour et de la nuit, où que l’on soit, y compris depuis un lit d’hôpital, dans des pays très éloignés des professeurs.

On comprend sans mal le changement révolutionnaire qu’apportent les technologies dans le domaine de l’éducation puisqu’elles cassent la barrière des distances et du temps, qu’elles permettent une interaction très poussée tant avec les autres élèves intéressés par la matière qu’avec une quantité impressionnante d’enseignants qu’il était impossible d’imaginer aborder dans le cadre traditionnel des Universités d’antan.

En France, pays de plus en plus recroquevillé sur lui-même et — comme on l’a vu avec les taxis — terrorisé à l’idée d’innovation et de disparition des corporatismes, cette révolution ne pouvait bien évidemment pas se passer sans heurts et sans de vigoureuses manifestations de désapprobation. C’est donc chose faite avec ce Collectif Anti-MOOC à côté duquel Libération, épave journalistique caricaturale dans le choix de ses combats moisis, ne pouvait passer sans en relayer bruyamment la lutte d’arrière garde.

Oui, vous avez bien compris : comme une solution élégante et pratique à la distribution du savoir se dessine clairement dès à présent, que les clients pardon élèves en sont directement bénéficiaires, il était temps pour les habituels syndicats gauches et gauchistes d’agir pour sauver leurs meubles. C’est ainsi que le Collectif anti-MOOC, patchwork bigarré des éternels détritus de mai 1968 (syndicalistes CGT au premier rang) et des inévitables associations lucratives sans but de pouilleux estudiantins comme Solidaires Étudiants ou l’UNEF, est violemment monté au créneau du bastion éducationnel français pour en défendre chaque millimètre carré avec la fougue caractéristique des jeunes, des imbéciles et des apparatchiks aux senteurs naphtaline.

Grâce à une enfilade d’arguments consternants, le collectif entend donc, je cite, « (s’)oppos(er) fermement à la mise en place des Mooc, qui poursuit la politique néolibérale conduite dans l’enseignement par les ministres Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso. » Oui, vous avez correctement lu « politique néolibérale » dans ce gloubiboulga écrit par l’un de ces communistes un peu tristounet aux réflexes pavloviens qui, dès qu’intervient un changement, même minuscule, à sa routine journalière de glandouille syndicale, lève le poing au ciel, l’œil parcouru de spasmes nerveux, pour crier haro sur la politique néolibérale, quand bien même l’interventionnisme étatique se déchaîne depuis des lustres en France, notamment dans l’enseignement. Et pour ce genre d’olibrius (que vos impôts ultralibéraux aident à vivre confortablement), les MOOC représentent en effet l’aboutissement catastrophique d’une évidente dérive capitaliste : comme ils le font remarquer tout le long de leur pesant billet, les initiatives à la base de ce concept sont privées, d’une part, ce qui les frappe immédiatement d’infamie, et sont d’origine américaine d’autre part, ce qui constitue probablement l’un des pires crimes qui soient.

Pire, selon nos dinosaures staliniens, l’apparition de ces cours en ligne aboutira à l’uniformisation de l’éducation, chose qui est très très mauvaise lorsqu’elle provient du privé (mais excellente lorsqu’il s’agit du collège français, unique par obligation, ou des programmes scolaires sur tout le territoire, scrupuleusement vérifiés, etc…) Charge au lecteur de comprendre pourquoi une telle uniformisation apparaîtrait soudain, alors que si internet a bien prouvé quelque chose depuis 30 ans, c’est qu’il permettait l’éclosion incessante de nouvelles applications, de nouveaux concepts, de nouveaux paradigmes majeurs, bref l’antithèse même de l’uniformisation.

En outre, prétendre comme le font ces rigolos de supermarché que « l’accès au numérique est socialement différencié », dans un pays où le taux de pénétration Internet fixe atteint 80% de toute la population, celui de l’Internet mobile est supérieur à 40% pour toutes les classes sociales, et où plus de 25 millions d’individus glandouillent sur Facebook, c’est un peu se moquer du monde pour tenter de nous faire croire que Kevin et Jennifer n’ont aucune possibilité d’accéder à ces cours parce qu’ils seraient dans la mauvaise classe sociale. Ceci fera pouffer l’observateur moyen de la tranche des 15-25 ans, celle qui est, justement, largement la plus connectée et la plus concernée par les MOOC.

Et bien évidemment, en filigrane des gémissements plaintifs de ce Collectif anti-progrès, on trouve l’éternelle bataille du Cétémieuhavan, dans laquelle nos couineurs ne s’embarrassent pas de réalité et mentent ouvertement en pipeautant que les MOOC restreindront la pédagogie à la seule production figée d’un cours sans interaction entre le professeur et sa classe (ce qui est faux, on l’a vu), le tout enrobé dans une « liberté pédagogique qui n’aura plus de sens », là où cette liberté, scrupuleusement encadrée depuis des lustres par les tombereaux de directives, circulaires, programmes officiels et autres décrets ministériels, a largement été intoxiquée, sanglée à son lit de souffrances et régulièrement piquousée d’idéologie nauséabonde collectiviste issue, justement, de cette même bande de clowns néfastes qui viennent maintenant pleurnicher sur leur perte évidente de pouvoir.

Oui, nous sommes en 2014 et nous avons toujours, en France, nos fabricants de chandelles qui luttent pied à pied contre les ampoules électriques plutôt que d’en vendre : à la lecture de leurs ratiocinations, on comprend intuitivement que leurs cris pour empêcher le développement des MOOC donnent de véritables lettres de noblesse à cette révolution pédagogique : si ces ânes conservateurs trouvent ça si abominable, c’est que cela peut effectivement saboter leur pouvoir, leurs manigances et leur emprise, et c’est donc absolument indispensable pour sortir l’Éducation Nationale des griffes de ces idéologues poussiéreux.
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