Cette étude menée par des chercheurs de Toronto prend le taureau par les cornes en évaluant la baisse d’incidence et de décès du tabagisme si l’on se décidait à augmenter « sérieusement » les taxes sur le tabac. Ici, les auteurs, qui publient dans le New England Journal of Medicine, estiment que tripler les taxes sur les cigarettes permettrait d’éviter 200 millions de décès dus au tabac dans le monde. Ils démontrent que la taxe sur le tabac reste le levier majeur et bénéfique à 3 titres, la réduction du nombre de fumeurs, des décès prématurés et, dans le même temps, l’augmentation des revenus pour les gouvernements.
Les chercheurs ont suivi l’histoire du tabagisme et du renoncement au tabac chez 113.752 femmes et 88.496 hommes, âgés de 25 ans ou plus, interviewés entre 1997 et 2004 dans le cadre de la U.S. National Health Interview Survey et associé ces données à celles des décès liés, soit 8.236 décès chez les femmes et 7.479 chez les hommes. Les ratios de risque de décès chez les fumeurs actuels, par rapport à ceux qui n’avaient jamais fumé, ont été ajustés pour l’âge, le niveau d’éducation, l’adiposité, et la consommation d’alcool.
L’étude montre que tripler les taxes sur les cigarettes permettrait de réduire le nombre de fumeurs d’un tiers et d’éviter 200 millions de décès prématurés par cancer du poumon et autres maladies, expliquent ces chercheurs canadiens de l’Hôpital St. Michael. Tripler les taxes revient à multiplier par 2 le prix final pour le consommateur, donc décourager les non-fumeurs, mais aussi à réduire l’écart de prix entre les cigarettes les moins chères et les plus chères, ce qui, dépouillant les cigarettes d’une partie de leur image de marque, pourrait supprimer une partie de la motivation chez les fumeurs actuels. De nombreuses études montrent déjà qu’un prix augmenté de 50% peut réduire la consommation de 20%, avec des effets plus marqués chez les jeunes et les plus démunis.
Une mesure estimée particulièrement efficace dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, où les cigarettes les moins chères restent relativement abordables et où les taux de tabagisme continuent à augmenter mais aussi dans les pays riches. Alors que dans la plupart des pays à revenu élevé, environ 50 à 60% du prix du paquet est constitué par la taxe, la taxe ne représente que 35 à 40% du prix de vente dans la plupart des pays à revenus faibles et intermédiaires.
· D’autres types d’intervention font également partie de l’analyse, comme l’emballage neutre déjà mis en place en Australie et prochainement en Nouvelle-Zélande, les avertissement ou photos choc, et l’aide au sevrage.
· Sur l’espérance de vie, et à partir des données publiées, les chercheurs estiment les effets délétères du tabac, rappellent le taux de mortalité 2 à 3 fois plus élevé chez les fumeurs vs non-fumeurs, la perte moyenne de 10 années de vie et jusqu’à pour les fumeurs décédés les plus jeunes de 20 ans d’espérance de vie. La même équipe avait montré qu’arrêter de fumer c’est pouvoir regagner des années de vie.
La taxe sur le tabac est l’intervention la plus efficace pour réduire les taux de tabagisme et dissuader de l’expérimentation, c’est d’ailleurs l’une des mesures phares de l’OMS et de sa Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) et l’une des résolutions de l’Assemblée 2013 de l’OMS pour réduire la prévalence du tabagisme d’environ un tiers d’ici à 2025 avec un objectif de 25% de réduction des décès prématurés par cancer et autres maladies chroniques.
Les chercheurs ont calculé qu’aux seuls Etats-Unis + Canada, le tabac entraîne environ 200.000 décès par an de personnes âgées de moins de 70 ans, dont 120.000 hommes et 80.000 femmes. Doubler le prix des cigarettes permettrait d’éviter environ 70.000 décès et d’apporter de nouvelles recettes à consacrer aux soins de santé. Ainsi, la baisse de la consommation, des soins et des décès liés pourrait générer près de 100 milliards de dollars américains par an.
Enfin, l’auteur de l’étude, le Dr Prabhat Jha, directeur du Centre pour la recherche en santé mondiale de l’Hôpital St. Michael et professeur à l’Université de Toronto, donne aussi l’exemple (passé) de la France, où, sur la période 1990-2005, l’augmentation des taxes sur le tabac avait prouvé son efficacité.
Source: NEJM January 24, 2013DOI: 10.1056/NEJMsa1211128 21st-Century Hazards of Smoking and Benefits of Cessation in the United States
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