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Hollande: augmenter la dépense publique ? C'est déjà fait.

Publié le 03 janvier 2014 par Juan
Hollande: augmenter la dépense publique ? C'est déjà fait. Sommes-nous revenus dans les années 30 ? Ou trente ans en arrière ?
Les mêmes arguments s'échangent. Quelques heures après les voeux présidentiels, la presse conservatrice s'esbaudit du "virage à droite" du président Hollande, applaudit l'ambition affichée de "réduire les dépenses publiques" pour mieux alléger les impôts et le fameux "coût du travail".
En face, sans davantage de nuance, certains réaffirment le besoin de relance de la dépense publique, oubliant qu'elle est partie pour atteindre les 60% du PIB. Puisque nous sommes dans les comparaisons anachroniques, rappelons que Franklin D. Roosevelt a hérité d'un pays où la dépense publique atteignait péniblement les 22% du PIB en 1931.
En France, l'idée d'une relance publique massive a été réactivée, provisoirement, par l'un des économistes atterrés, Dany Lang. Ce dernier a livré cette furieuse suggestion pour François Hollande dans une interview publiée par Libération ce 2 janvier - bonne année ! Il y explique qu'il faudrait "augmenter la dépense publique" pour "relancer la croissance". Un bon vieux réflexe keynésien est à l'oeuvre dans cet argumentaire largement relayé sur les les réseaux sociaux et ailleurs.
Le constat initial est largement partagé :
"La dépression historique qui s’est déclenchée en 2008 a aggravé le fait que l’économie ne créait pas assez d’emplois. Elle en crée encore moins à cause des politiques d’austérité."
Pourtant, la France n'est techniquement pas en austérité. L'austérité est quelque chose de plus violent, une baisse drastique des dépenses publiques. Il n'est pas question de cela en France. La fameuse réduction des dépenses publiques envisagées par le gouvernement Ayrault concerne 50 milliards d'euros ... d'ici 2017. Au Royaume Uni, le choc austéritaire infligé par le gouvernement Cameron en 2011-2013 porte sur plus de 1 point de PIB.
Il n'en reste pas moins que François Hollande et son équipe sont tous occupés pour cette année et les suivantes à réduire les dites dépenses. Ce qui, compte tenu d'une progression naturelle et quasi-mécanique de certaines d'entre elles, revient à faire des choix douloureux, voire socialement insupportables. Prenez la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Ce 2 janvier, elle se félicite de réaliser "des économies sans précédent" sur le budget de la Sécu. Cette application à sur-utiliser un vocable néo-libéral est troublante. L Pour le coup, le déficit se limiterait à 13 milliards grâce à 4,5 milliards d'euros d'augmentation des recettes (réforme des retraites, politique familiale), et un milliard de baisses de prix des médicaments. Mais elle ne détaille pas les fameuses économies sans précédent qui s'ajoutent pour compléter la photo.
Dany Lang est explicite mais peu précis. Il suggère de "lâcher la bride de la dépense publique en période de récession et se préoccuper de la dette en période d’expansion". Il complète: "la dépense publique est d’autant plus urgente que les dépenses privées, comme la consommation et l’investissement des entreprises, sont déprimées."
Lâcher la bride ?
Les comptes publics sont mal en point, tout le monde le sait. Au gauche (et un peu ailleurs), on a plutôt l'habitude de pointer vers le manque de rendement de notre fiscalité nationale. L'impôt a été réduit, surtout pour les plus riches. La fraude fiscale coûte cher, les sommes les plus folles sont régulièrement évoquées. Là est le problème. Mais la dépense publique, elle, atteint aujourd'hui 57% du PIB !
La dépense publique en France n'est pas aujourd'hui maximale. On peut toujours dépasser tous les plafonds. Mais elle est à un niveau record, 57% du PIB, contre 54% il y a 10 ans, ou 48% en 1978. Faute de recettes suffisantes, les administrations se financent à crédit, bientôt 2.000 milliards d'euros. On connaît la chanson. Tout le monde connaît la chanson. Quand le Japon fait de la relance, les fameuses "Abenomics", l'Etat injecte directement ou indirectement quelque 175 milliards d'euros dans l'économie. Mais les dépenses de l'Etat. Mais les dépenses de consommation publique partaient là-bas d'un niveau plus bas qu'en France : de 21% du PIB contre 25% (données OCDE en 2011).
 
La dépense publique doit de toutes façons augmenter, sans qu'il s'agisse d'une quelconque relance pour autant: la population vieillit, elle augmente aussi - ce qui est heureux; la précarité, notamment à cause de la crise, s'est aggravé. L'an dernier, le nombre de bénéficiaires du RSA s'est ainsi accru de plus de 7%, pour atteindre 2,25 millions de foyers fin septembre. Pour 2014, le gouvernement prévoit que le nombre d'allocataires du RSA "activité" devrait bondir de 11% .
La santé coûtera aussi plus cher. D'après le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, les dépenses de santé devraient fortement augmenter d’ici à 2040, +3% par an au moins d'ici 2024. Près de la moitié des dépenses publiques sont aujourd'hui des prestations sociales (Cf. graphique). L'enjeu est moins de savoir comment "lâcher la bride" que

Hollande: augmenter la dépense publique ? C'est déjà fait.

Source: Ministère des finances

Relancer la dépense publique, en général, ne signifie pas grand chose si l'on ne précise pas davantage le propos. S'agit-il de dépenses directes - par exemple des grands travaux -  ou indirectes - augmentation des subventions et autres dépenses d'intervention ? Dans le premier cas, on peut imaginer que la manoeuvre bénéficie à l'économie nationale. Dans le second, rien n'est moins sûr.
Relancer la dépense publique dans une économie ouverte peut être suicidaire si l'on n'y prend garde. Car une telle relance peut bénéficier alors et d'abord aux produits les moins chers, donc étrangers.

Un économiste, Michel Santi, s'inquiète dans les colonnes de Marianne que la crise et les prêches en faveur de la rigueur ne servent avant tout qu'à désagréger les services publics, le système social, la protection des plus fragiles: "autoriser aujourd’hui des mesures de relance de la croissance et desserrer ainsi l’étau insoutenable qui étouffe les populations reviendraient en effet à…gaspiller une bonne crise."
Là est le danger, la remise en cause de filets sociaux, d'une protection sociale qui l'un des fondements de la République depuis la Guerre.
Lire aussi:
  • les enjeux des dépenses publiques. 

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