Des encornets à la Sétoise. Ce matin, dès mon réveil, je ne pouvais m’empêcher de penser à ce mets succulent.Va savoir d’ou cette idée fixe m’était venue, mais je sentais déjà l’odeur du safran et du thym remplir mes narines frémissantes et, en fermant les paupières, je pouvais voir la sauce rouge me dégouliner le long du menton. Un Nirvana que ce plat ! Et j’adore le cuisiner pour mes amis et les entendre dire… rien du tout, tellement ils sont contents et tellement leur bouche est pleine.
Aussi, j’enfourchais mon fidèle vélo et en route vers Chinatown ou, trouver des encornets est chose aisée et où leur fraîcheur est telle qu’on pourrait presque les entendre parler dans leur curieuse langue de mollusques, que peu de gens arrivent à déchiffrer malheureusement.
Sur Canal street c’est toujours un bonheur que de déambuler sur ces trottoirs bondés d’asiatiques affairés et de touristes ébahis devant cette vitalité et ce semblant d’anarchie.
Et tout ce monde de petits marchands qui vous proposent une infinité de plats odorants, de fruits et de légumes exotiques et de « souvenirs » absurdes d’un tel mauvais goût qu’ils en deviennent sublimes.
Parmi eux, les «artistes» chinois qui peignent avec des encres multicolores votre nom et prénom sur des bandeaux de papier, sont de loin les plus courtisés.
Et justement, là, à l’angle de Mulberry Street et de Canal, deux jeunes touristes françaises (même silencieuses, je pourrais les reconnaître à des kilomètres !) essayaient vainement de communiquer avec un de ces «artistes chinois».
Leur connaissance de l’anglais frisait le degré zéro et le chinois les regardait avec un air de dire : «Mais, qu’est-ce qu’elles disent, ces connasses ?»
Aussitôt, la perspective d’une bonne blague fit que je m’approchais de la scène et offrir mes services de traducteur.
- Pourrais-je vous aider Mesdemoiselles?
- Oh, vous êtes français ?- Le plus clair de mon temps !
- Et bien… On aimerait bien savoir combien ça coûte les décorations du Chinetoque ?
- Ca tombe bien, il se trouve que je parle couramment le chinois ayant fait mes études de biologie marine à Shanghai, du temps de la colonisation anglaise, bien sûr.
- Quelle chance !, me dit la moins sotte des filles.
Et, m’adressant au vieux chinois, j’improvisais sur-le-champ une langue qui était censée être sa langue natale.
« Chin chong? Ho chi min, ping pong ?
Le chinois ouvrit des yeux comme des soucoupes (ce qui est très rare pour des gens de cette partie du monde) et me répliqua en (vrais) chinois
« 特魯杜小路去簡正體 » ce qui devait vraisemblablement signifier quelque chose dans le style de : « Mais qu’est-ce que tu dis, petit merdeux blanchâtre. Tu te fous de ma gueule ou quoi ? »
Aussitôt les filles demandèrent : « Qu’est-ce qu’il a dit, le Chinetoque ? »
- Ah! mesdemoiselles, il a dit une chose tellement grossière que je n’ose pas vous le traduire.
- Si… Si, allez-y, n’ayez pas peur !
- Bon, si vous y tenez, il a dit d’aller vous faire enculer par Mao Tsé toung.
Là, la couleur du visage des deux touristes tourna au pourpre, puis au vert et leur bouche fardée de rouge à lèvres d’une vulgarité repoussante, s’arrondit de stupeur.
Je les quittais rapidement là-dessus en leur lançant au passage :
«Cest ça New York, les meufs, le danger rôde à chaque pas !»
Ha … ces encornets à la Sétoise, qu’est-ce qu’on s’est régalé !