C’est sous ce titre (très) provocateur que Sudrugby commence ses présentations des différentes franchises pour le Super Rugby cru 2014. Premier tour d’horizon du côté des Highlanders, grande déception l’an passé.
Ben Smith, l'un des seuls joueurs de Dunedin à avoir eu la tête hors de l'eau l'an passé.
Leur saison 2013
Ils devaient être les grands outsiders du Super Rugby 2013. Et pour cause, les Highlanders avaient les dents longues, forts d’un recrutement haut de gamme autour du trio hyper expérimenté Thorn-Nonu-Hore. De ce succès annoncé – même Sudrugby cédait à la tentation Highlanders – il n’en resta que des coups d’éclats aussi poussifs que fugaces. Excitants sur le papier, moins sur le terrain, les hommes de Dunedin ont quand même pu compter sur certains coups d’éclairs venant d’individualités, Ben Smith en tête. Hélas, on ne gagne pas un Super Rugby avec l’apport d’une poignée de joueurs. Le défaut patent des Highlanders a été celui-ci : un manque colossal de collectif et d’organisation, notamment en attaque. Si les individualités étaient nombreuses, les Highlanders ne possédaient pas un groupe de leaders capable de porter l’effectif entier vers le haut.
Les bourdes, les Highlanders les ont collectionnées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Bons derniers de la poule néo-zélandaise et 14ème du Super Rugby, les Highlanders se sont tristement distingués par une série de 8 défaites de rang, dès le début du championnat. Un record, les Southern Kings et la Western Force n’ont fait mieux. Autre record, c’est le nombre de défaites cumulé – 13 au total (contre 12 pour les Kings, derniers du Super Rugby). Fait marquant, les hommes de Jamie Joseph ont été quasi incapables de s’imposer en Nouvelle-Zélande, là où tout commence. Sur 8 matchs sur le sol néo-zélandais, les Highlanders en ont perdu 7 (victoire chez les Hurricanes 44-49).
Pourtant, l’attaque des Landers n’a pas été ridicule, loin de là. Totalisant 23.4 points par match, ils se classent 10ème du Super Rugby, devant une équipe comme les Reds par exemple. Non, c’est davantage la défense qui a péché avec pas moins de 31 points encaissés en moyenne. La fragilité du pack et des centres n’y est pas étrangère, bien au contraire.
Tony Brown, nouvel adjoint de Jamie Joseph aux Highlanders.
Le staff
Changement mineur du côté de Dunedin : Tony Brown, entraineur en chef d’Otago, devient le nouvel adjoint de Jamie Joseph. Fort de son beau parcours cet été avec Otago marqué par le gain du Ranfurly Shield, Brown devrait apporter sa connaissance des joueurs locaux dans le système des Highlanders. Jamie Joseph a donc été reconduit malgré la saison catastrophique ainsi que le reste du staff. Scott McLeod et Jon Preston restent donc les adjoints et Kees Meeuws le spécialiste de la mêlée.
Les transferts
Matias Diaz, un Puma en Super Rugby
Les Highlanders avaient fait parler d’eux l’an passé sur le marché des transferts avec un recrutement haut de gamme. Antithèse parfaite cette année, les Highlanders perdent pas moins de 7 titulaires, et pas des moindres : Tony Woodcock, Andrew Hore, Colin Slade, Ma’a Nonu, Tamati Ellison, Kade Poki et Hosea Gear. 7 titulaires auxquels il faut ajouter l’emblématique capitaine Jamie Mackintosh (souvent blessé l’an passé), le vétéran Jason Rutledge, le prometteur Tony Ensor (arrière d’Otago) et l’inexploité joueur à 7 Declan O’Donnell. Bref, Jamie Joseph et son staff accusent le coup.
La réponse à ces pertes considérables fut un recrutement il est vrai léger mais pour le moins intéressant. Il est composé de joueurs confirmés mais sous-estimés (Pat Osborne, Matias Diaz, Ged Robinson voire Winston Stanley), de bons espoirs (Richard Buckman, Malakai Fekitoa, Lee Allan, Gareth Evans, Craig Millar, Tom Franklin et Shane Chritie, ce dernier plus expérimenté) auxquels il faut ajouter l’énigmatique Kurt Baker qui peine à s’imposer à XV. Une chose est sûre : tous ces joueurs sont individuellement moins forts que leurs homologues partis. Mais le recrutement paraît intelligent, ciblé et prometteur. Ce recrutement ne fera pas oublier les Gear et cie mais pourrait pousser l’effectif à une certaine homogénéité positive. A voir.
Retrouvez ici l’intégralité des transferts des Highlanders.
L’équipe poste par poste
Jamie Joseph compte sur Liam Coltman pour apporter de la puissance au pack de Dunedin.
Au talon, les Highlanders engendrent la perte du taulier Andrew Hore, parti à la retraite. Il est vrai, personne ne pourra remplacer le leader charismatique. Mais les Highlanders comptent dans leur rang un certain Liam Coltman. Ce dernier fut l’une des principales révélations l’an passé. Gros plaqueur, mobile et pourvoyeur de ballon (0.3 gagné par matchs quand même, autant qu’un Michael Hooper en Super Rugby), Coltman a fait plus que remplacer Hore. Et pourtant, sa place de titulaire n’est pas assurée car Ged Robinson de retour au pays sort d’une saison très aboutie avec les Rebels. Leur niveau semble aujourd’hui assez semblable mais Coltman est amené à progresser et à terme de prendre le statut de titulaire. Mine de rien, Coltman reste avec Ben Funnell des Crusaders un All Black à en devenir à un poste étonnamment dégarni en Nouvelle-Zélande. Planet Rugby en a même fait sa révélation internationale de l’année au poste de talonneur. Brayden Mitchell fait office de troisième talonneur et sera amené à compléter le banc des Landers en cas de blessures. A noter que Coltman peut aussi jouer pilier mais il reste plus à l’aise au talon.
Nouvelles responsabilités pour Ma'afu Fia
Pour ce qui est des piliers, c’est certainement à Matias Diaz que reviendra la lourde tâche de remplacer Tony Woodcock. Compliqué mais Diaz est un Pumas prometteur et qui semble taillé pour le Super Rugby. Mackintosh était la doublure de luxe de Woodcock l’an passé. Cette année ce sont les rookies Craig Millar (venu d’Otago) et Kane Hames (qui jouait à Hawke’s Bay) qui devront s’y coller. Tous deux ont impressionné en ITM Cup pour leur première saison pro. Il n’est pas impossible que l’un des deux soit titularisé si Matias Diaz paraît trop juste. A droite Ma’afu Fia et Chris King se partageront le poste même si Fia a pris l’habitude ces dernières années d’être titulaire. Le poste de pilier semble quand même assez dégarni mais Jamie Joseph compte sur l’apport juvénile des trois nouvelles recrues (Diaz, Millar et Hames) et peut-être songe t-il dans un coin de sa tête à un repositionnement de Coltman en pilier, au besoin.
Brad Thorn, une valeur sûre
La deuxième ligne est à coup sûr le poste le plus garni du pack. Les Highlanders peuvent compter sur Brad Thorn, vétéran exemplaire à 39 ans (il les aura début février). Thorn affiche toujours une santé remarquable. En nombre total de plaquages, Thorn est le meilleur plaqueur des Landers (10.8 par match) et son 4ème porteur de balle (7.8 courses par match). Plus que jamais, il montre la voie. A côté de l’ancien treiziste, trois joueurs de même calibre vont se partager la place de titulaire : Jarrad Hoeata, Josh Bekhuis et Joe Wheeler. Hoeata de par son ancienneté dans la maison Highlanders et son expérience de All Black (le seul avec Thorn dans le pack à pouvoir se targuer d’un tel passé) part favori. Bekhuis sera ni remplaçant ni titulaire mais bien les deux à la fois. Wheeler apparaît comme sensiblement moins bon, il complète logiquement le trio. Il a quand même pris une autre dimension avec une place de titulaire chez les Maoris néo-zélandais cet été. Fait à ne pas négliger : Hoeata et à moindre mesure Wheeler devraient occuper assez régulièrement une place de titulaire en n°6. De ce fait Bekhuis pourrait être titularisé. Cela variera en fonction des mesures prises en troisième ligne et des blessures. L’ajout de Hoeata en blindside flanker pourra par exemple apporter une option supplémentaire en touche. Le jeune Tom Franklin (23 ans) s’est fait remarquer chez Otago et tentera de sa frayer un chemin au milieu de ces joueurs expérimentés dans le second row.
TJ Ioane : titulaire ou impact player de choix ?
En troisième ligne, les Highlanders apprécient le retour non-négligeable de Nasi Manu, absent toute la saison l’an passé, la faute à une blessure au pied. Puissant, Manu devrait partir comme titulaire au poste de n°8. Côté ouvert, c’est John Hardie qui est indiscutablement le titulaire depuis désormais trois saisons. Spécialiste du poste, il apportera sa science du plaquage (le meilleur l’an passé en moyenne, avec 12.1 plaquages, ce qui en fait le 13ème meilleur plaqueur du Super Rugby) et ses qualités de joueur de soutien (8.7 courses par match l’an passé pour lui). Sur le côté fermé TJ Ioane – grande révélation l’an passé – part favori. Son explosivité et sa disponibilité en attaque font de lui un très bon blindside flanker. Néanmoins, Ioane peut davantage être utilisé comme impact player en fin de match, statut qu’il occupait cet été en ITM Cup avec Otago et qui lui colle à merveille. De plus on l’a dit, Hoeata voire Wheeler seront amenés à jouer n°6. Ioane peut également jouer numéro 8 ce qui le renforce dans ce rôle d’impact player. Bref, Ioane devrait alterner entre les deux. Elliot Dixon apparaît comme le premier remplaçant dans le back row. Fait rare, il peut occuper les trois postes de troisième ligne. Le capitaine des Makos de Tasman Shane Christie aura à cœur d’avoir du temps de jeu en Super Rugby après son départ des Crusaders. Christie possède un profil semblable à Hardie et devrait débuter certains matchs. Gareth Evans était le titulaire côté fermé à Otago aux dépens de TJ Ioane. Il sera davantage remplaçant cette année même si une éclosion en Super Rugby est loin d’être exclue pour ce joueur de 22 ans qui progresse d’année en année. Autre révélation possible, Lee Allan a obtenu une place dans le wider training group après des performances remarquées du côté d’Otago là-aussi. A 22 ans, c’est un grand espoir au poste d’openside flanker et il pourra pourquoi pas faire quelques apparitions en Super Rugby.
Lima Sopoaga, probable titulaire à l’ouverture
A la mêlée les Highlanders sont très bien fournis. Avec Aaron Smith comme titulaire, la fluidité du jeu est assurée. Néanmoins, Smith avait un peu déçu l’an passé par ses performances parfois médiocres en Super Rugby alors qu’il est étincelant avec les All Blacks. Mais Jamie Joseph n’a pas à se plaindre : il possède ce qui est considéré pour beaucoup comme le meilleur demi de mêlée du monde. Aaron Smith possède une doublure de choix en la personne de Fumiaki Tanaka. Il a convaincu pour sa première saison en Super Rugby, à fortiori avec Otago en ITM Cup. Son style feutré mais propre apportera en fin de match. Frae Wilson complète le groupe. Pour ce qui est des demis d’ouverture, les Highlanders – désormais dépourvus de Colin Slade – vont devoir s’adapter. Chose pas simple mais loin d’être inaccessible car Slade était loin de faire l’unanimité. Non seulement il a enchaîné contre-performances sur contre-performances, mais ses dauphins Lima Sopoaga et Hayden Parker ont en parallèle émergé. Tous deux auteurs d’une formidable ITM Cup respectivement avec Wellington et Otago, ce sera désormais à eux d’assumer une place de titulaire qui devrait être partagée. En effet si Sopoaga part favori, il est possible (probable ?) qu’Hayden Parker le dépasse en cours d’année, tant sa marge de progression paraît évidente. Les deux ouvreurs ont l’avantage d’évoluer dans deux styles différents, ce qui multiplie les possibilités tactiques. La perte de Slade est donc amortie.
Belle révélation l’an passé que ce Jason Emery en second centre
Le poste de centre était assurément le poste le mieux garni l’an passé avec Ma’a Nonu et Tamati Ellison comme titulaires. Nonu méconnaissable, Ellison blessé, la paire de centre a vite déçu. Mais y aura au moins émergé Jason Emery, 19 ans l’an dernier. Emery reste l’une des seules satisfactions dans l’effectif des Landers la saison passée. Il part donc logiquement comme titulaire en n°13. Attention Richard Buckman, non conservé par les Hurricanes, pourra aussi tirer son épingle du jeu. Il fut l’un des tout meilleurs éléments d’Hawke’s Bay en ITM Cup et sa science du jeu après-contact fait mouche. Malakai Fekitoa est aussi disposé à éclore et Winston Stanley peut signer quelques belles performances. Jason Emery devra donc confirmer tout le bien que l’on pense de lui. En premier centre, le solide Shaun Treeby se distingue clairement et sera titulaire. Il peut aussi jouer second centre. Phil Burleigh, plus sobre, offre une autre option au centre mais moins excitante que celles d’Emery, de Buckman voire de Fekitoa et de Stanley. Il pourra quand même être amené à être titulaire.
Pat Osborne, transfuge intelligent de la part des Highlanders
A l’aile le constat est simple : les Highlanders ont perdu leurs deux titulaires Hosea Gear et Kade Poki. Ils étaient aussi leurs deux meilleurs casseurs de plaquages derrière Ben Smith. A partir de là, les Highlanders se devaient de recruter. Chose faite avec l’arrivée de Pat Osborne en provenance des Chiefs. Le style parfois extravagant d’Osborne cache la véritable bête à statistiques qu’il est et nul doute qu’en tant que titulaire bringuebalant chez les Chiefs il devrait s’imposer chez les Highlanders. Sur l’autre aile, Buxton Popoali’i essaiera de remplacer Kade Poki dans un style similaire ; les deux joueurs possèdent le même morphotype. Winston Stanley peut aussi jouer ailier et nul doute que le staff des Landers aura à choisir cette option. A moindre mesure, ce pourrait être le cas de Kurt Baker et de Trent Renata. L’hypothèse de voir Ben Smith à l’aile – comme avec les Blacks après tout – est assez compromise. Placer Ben Smith arrière, c’est lui donner plus d’importance dans le système de jeu des Highlanders.
A l’arrière donc, l’inévitable Ben Smith sera de la partie. Ne cherchez plus vous avez ici le meilleur casseur de plaquage du championnat (4.36 par match) et l’un des cinq meilleurs joueurs du monde (selon l’IRB, et pas seulement). C’est le meilleur élément de cette équipe et après une saison comme la sienne – de loin sa meilleure – l’attention portera peut-être davantage sur sa capacité à pousser la ligne de 3/4 entière à son maximum, tel un Aaron Cruden aux Chiefs. Kurt Baker et Trent Renata possèdent un niveau de jeu similaire dans un style pour le coup différent. Baker est davantage est un ball runner alors que Renata est plus un arrière « classique ». Les deux auront un rôle à jouer dans les roulements d’effectif du back three.
Retrouvez ici l’effectif complet en image des Highlanders.
Notre pronostic
Peut-on faire pire ? Sous ce titre accrocheur se cache une vraie question : les Highlanders sont-ils capables d’élever leur niveau de jeu ? C’est tout à fait possible. L’optique différente avant d’entamer la saison et le revirement des ambitions auront pour atouts de fixer des limites et de réels objectifs aux Highlanders : (re)contruire un groupe et un fond de jeu cohérents, après la perte de nombreux joueurs cadres et l’émergence de plusieurs jeunes. Reconstruction semble donc être le premier mot auquel les Highlanders vont devoir s’atteler. Pas davantage, les Highlanders ont touché le fond l’an passé et ce n’est pas avec la perte de sept titulaires que les choses vont s’arranger. Logique! Les Highlanders tenteront d’abord d’éviter la contre-performance avant de viser la performance. Ambitions mesurées, il en sera plus sage. Dans une poule néo-zed qui s’annonce encore plus dense avec le renforcement des Blues voire des Chiefs, les Highlanders risquent de rester à cette place de bons derniers.
Mais malgré un effectif clairsemé de grands talents et un fond de jeu qui s’annonce compliqué à construire (surtout qu’on l’a dit, c’est avant tout le collectif qui pêchait l’an passé), les Highlanders peuvent espérer mieux. Si si. Les Highlanders étaient tombés de haut l’an passé et n’ont jamais peu vraiment s’extirper de la spirale négative de la défaite (8 défaites de rang…). Ils n’auront au moins pas ce souci d’ambition cette année. L’effectif est très homogène, de nouveaux joueurs sont amenés à devenir des leaders (on pense aux Coltman, Ioane, Parker, etc) ou des révélations (Millar, Evans, Allan, Buckman, Fekitoa) et un ensemble de joueurs est revanchard non seulement de la situation de l’année dernière mais aussi individuellement : certains joueurs veulent montrer de quoi ils sont capables (les Diaz, Sopoaga, Osborne, Baker, etc). Tout ceci pourrait mener à une osmose générale et qui-sait à un collectif bien huilé et motivé. Ils peuvent être capables à l’image des Rebels ou de la Force en Australie d’accrocher quelques grosses écuries par-ci par-là et de signer des rencontres encourageantes. Au mieux, des exploits sans lendemain. Mais ce serait déjà pas mal pour une équipe qui apparaît comme (très) faible, il ne faut pas se le cacher (le pack des Highlanders ne compte aucun All Black actuel par exemple…). Quitte même à progresser de quelques places au classement par rapport à la saison dernière (cela n’ira pas plus loin, on est d’accord), les intentions de jeu ne peuvent être que meilleures. Et après tout, les Highlanders n’ont rien à perdre, non ?
L’équipe type probable
1. Mathias Diaz – 2. Liam Coltman – 3. Ma’afu Fia – 4. Brad Thorn – 5. Jarrad Hoeata – 6. TJ Ioane – 7. John Hardie – 8. Nasi Manu – 9. Aaron Smith – 10. Lima Sopoaga – 11. Patrick Osborne – 12. Shaun Treeby – 13. Jason Emery – 14. Buxton Popoali’i – 15. Ben Smith
Retrouvez la fiche officielle des Highlanders sur le site des All Blacks avec toutes les informations à savoir sur l’effectif et notamment un commentaire du staff de chaque joueur ainsi que leurs statistiques.