L’histoire de Chypre en quelques coups de crayon
Publié Par Hélène Demetriades, le 2 janvier 2014 dans HistoireUne mise en perspective de l’actualité chypriote à l’aune de l’histoire récente du pays.
Par Hélène Demetriades.
Je vais vous présenter dans les très très grandes lignes ce pays pas toujours bien connu mais qui mérite de l’être. Cela vous permettra de mieux comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd’hui.
Bon alors d’abord, Chypre, c’est où ? c’est là :
On est :
- à 25 mn en avion du Liban,
- à 75km des côtes Sud de la Turquie,
- à 1h30 par contre, d’avion, de la Grèce…
Et Chypre c’est « quoi ? » C’est une île qui s’appelle République de Chypre :
… au drapeau à la branche d’olivier. Il y vit une majorité grecque chypriote, regroupée à 99% au Sud du pays.
Au Nord, envahi en 1974 par la Turquie et occupé militairement par elle depuis, c’est la République turque de Chypre nord (RTCN):
Cette occupation étant illégale, la communauté internationale ne reconnaît pas la RTCN, sauf la Turquie (puisque c’est elle qui en est à l’origine). Dans la RTCN vivent la minorité turque chypriote, les colons de Turquie ainsi que des factions de l’armée turque.
Alors Chypre, ça donne ça:
Bon, et vous allez me dire: « Hélène, la ligne verte au milieu c’est…? » Eh bien c’est la ligne tampon, une zone neutre, démarcation entre la RCTN (le nord occupé) et le reste du territoire. On l’appelle aussi Attila, rien à voir avec :
… mais c’était aussi le nom du commandant des forces d’occupation turque en 1974. La ligne verte (tracée au crayon vert par un officiel sur une carte) est une zone de cessez-le feu, bien qu’habitée à certains endroits (on y reviendra).Sinon, dans cette zone longue de 180km, parfois très étroite parfois très large, on trouve des maisons fantômes, une végétation luxuriante, des mines et des fils barbelés, et même des fossés anti chars.
Il s’en dégage une atmosphère de tristesse, de mystère et de beauté, mais surtout un sentiment de gâchis total.
Chypre, il faut le savoir, a une histoire faite d’invasions et de colonisations. Les Chypriotes ont beaucoup souffert et très récemment encore. Ce qui explique aussi leur courage dans cette triste affaire de dettes et d’UE. Ils sont habitués à être lâchés par tout le monde et à se débrouiller seuls.
Je reviendrai dans les détails de cette Histoire bouleversante plus tard, au fur et à mesure. Pour le moment je vais rester dans les dates clé…
… avant de parler des événements actuels :Alors voilà. Chypre est une petite vieille : il y a 9000 ans il y avait déjà des traces de civilisation sur l’île.
Elle voit passer les Phéniciens, les Assyriens, les Égyptiens, Alexandre le Grand, devient gréco-romaine, puis chrétienne, connaît des incursions arabes (ouais, rien que ça, tout ça). Pendant les croisades, Richard Cœur de Lion la conquiert et la revend à l’ordre des Templiers.
Ensuite, Chypre est aux Lusignan (dynastie noble du Poitevin) – (hé oui il y a du sang français chez les chypriotes)… On dit que les Lusignan descendent de la fée Mélusine. Ça tombe bien, on a vraiment besoin d’un peu de magie, là.
Chypre a aussi été vénitienne, puis pendant trois siècles elle est sous domination de l’empire ottoman : c’est comme ça qu’il s’est créé une communauté chypriote turque à Chypre. Il faut que je vous dise que pendant des années les Chypriotes grecs et turcs vivent en paix dans les mêmes villages, ils se tolèrent culturellement et religieusement, et s’entendent bien. Mais en 1878 la Turquie vend Chypre à la Grande Bretagne et Chypre devient une colonie britannique :Là, les choses se gâtent. D’abord, dès 1955 les Grecs chypriotes luttent pour l’indépendance du pays. Du coup les Anglais ces malins, pour semer la zizanie, ont l’idée géniale de proposer une division de l’île entre les grecs et les turcs chypriotes. Histoire de les fâcher.
La Turquie, elle, met de l’huile sur le feu en encourageant les turcs chypriotes à rejoindre l’armée anglaise contre les grecs chypriotes qui eux veulent maintenant l’ « enosis », c’est-à-dire l’union avec la Grèce qu’ils considèrent leur mère patrie.
En 1960, hourra ! Chypre devient indépendante. Vous me direz « Eh ben ! C’est pas trop tôt ! » Ouais mais c’était trop beau pour être vrai. Et c’est là que la petite île se fait vraiment bananer.
Le Royaume Uni, la Turquie et la Grèce signent un « traité de garantie ». Ça veut dire que ces trois pays sont garants de Chypre, de son équilibre. Ils peuvent même intervenir militairement. C’est pour ça que la Grande Bretagne garde carrément à ce jour deux bases militaires à Chypre (en bleu sur la carte).
On dirait que ça va mieux, entre les deux communautés, avec le départ des anglais. Mais sur le fond, ça fonctionne mal.
En 1959, Makarios, leader politique des Chypriotes grecs, est contre l’enosis. Mais le pouvoir en Grèce tente un coup d’État en 1974 pour le renverser…
… et forcer l’enosis. Ça rate…Et du coup la Turquie intervient pour défendre les Turcs chypriotes grâce au bon vieux traité de garantie dont je vous ai parlé plus haut. Elle envahit Chypre par le nord.
Je peux vous dire que quand on pèse 600.000 habitants à tout péter et qu’on se prend une armée d’un pays de 40 millions d’habitants sur le coin de la tronche, ça fait mal. C’est une guerre/invasion éclair, avec son lot de morts, de bombardements, de meurtres, de viols, de tortures et de disparus qu’on recherche toujours aujourd’hui (côté Chypriote turc et côté Chypriote grec). Bref, d’atrocités en tout genre.
Personne ne vient en aide à Chypre (comme aujourd’hui, c’est pour ça que je vous dis que Chypre a l’habitude d’être seule). Et la Turquie ne repart plus. 200.000 Grecs chypriotes réfugiés quittent le nord envahi, direction le sud, en abandonnant tout, leurs maisons, leurs terres, leur vie toute entière. Pour 11.000 Turcs chypriotes idem, ils sont regroupés au nord sous tutelle de la Turquie qui installe des bases militaires, fait venir des colons de Turquie par milliers. Le peuple chypriote – les frères grecs et turcs – est désormais scindé en deux et plutôt ennemi qu’ami.
C’est pour ça aussi que L’ONU est là, pour maintenir la paix à Chypre entre les Chypriotes grecs et turcs.
L’ONU patrouille beaucoup le long de et dans la ligne verte sur laquelle il y a eu des échauffourées, et même malheureusement des morts au fil des ans.
En 2004, l’ONU propose un plan trèèèès connu, le plan Annan, afin de réunifier l’île. Comment ? Il propose d’alterner un président grec chypriote avec un président turc chypriote. Mais les Grecs chypriotes ont massivement dit non à ce plan (oxi en grec). Il est vrai que ce plan les désavantageait beaucoup.
2004 toujours, Chypre toute heureuse rentre dans l’UE, espérant que ça aidera à solutionner ce qu’on appelle le « problème » chypriote, c’est-à-dire l’occupation illégale de Chypre par la Turquie. Mais en fait, non.
Aujourd’hui beaucoup de Chypriotes pensent qu’il aurait mieux valu ne pas rentrer dans l’UE.—
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