Comme en 2013, le gouvernement sera là en 2014 pour nous sauver tous. Fuyez.

Publié le 02 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Publié Par h16, le 2 janvier 2014 dans Édito

Le pays sort lentement de sa léthargie post-prandiale dans laquelle les fêtes l’avaient plongé. Petit à petit, tout le monde reprend le travail, et d’instinct, devant les difficultés de la situation, tous les services de l’État se tendent comme un seul homme pour résoudre la myriade de pépins que le pays va devoir affronter devant cette nouvelle année.

Ainsi, Manuel Valls, le Ministre qui fait à l’Intérieur ce dont on rit à l’extérieur, envisage de faire interdire la quenelle (le geste, pas la spécialité culinaire), jugeant sans doute qu’une petite loi ou un joli décret empêchera efficacement les individus de pratiquer, tout comme une loi interdisant de mourir de faim résoudrait probablement bien des problèmes, et que la loi pour ne jamais manquer de toit a permis de faire disparaître immédiatement les SDF. Bien évidemment, le fait que le petit Manuel de l’Intérieur Propre et Bien Rangé se soit gentiment fait quenelliser la tête il y a quelques temps ne joue en rien sur sa décision, ferme et courageuse, de mobiliser son énergie et quelques uns de ses nombreux fonctionnaires sur cette cause à la fois noble, humaniste et indispensable à la bonne marche du pays. Il faut ce qu’il faut.

Au Ministère de l’absence d’Économies et des Finances lacunaires, on a choisi de ne faire aucune espèce de publicité pour les changements qui sont introduits dès ce début d’année. On se demande pourquoi : comment ne pas se réjouir de voir qu’au moins, à Bercy, ils travaillent durement pour calibrer les ponctions étatiques au plus juste ? Comment ne pas tenir compte des magnifiques avancées dans les taux (la TVA grimpe, comme les taux pour les emprunts d’État, c’est mignon ce mouvement d’ensemble) ?

Et surtout, il serait dommage de passer à côté de la cohérence d’ensemble de la politique gouvernementale en matière de droit du travail. Un coup oui, un coup non, un coup c’est permis, un coup c’est interdit, voilà qui rend épique l’établissement de règles simples pour la conduite des affaires dans le pays et qui redonne un vrai parfum d’aventure à la monotonie naturelle de la création d’entreprise, du capitalisme à la Pépère et du développement d’activité sur le sol national, non ?

Prenez par exemple la durée d’un temps partiel. On pourrait croire, lorsqu’on est un adulte normal, responsable, avec deux pouces et un QI supérieur à sa température anale, que cette durée pourrait résulter d’un accord contractuel entre un type qui veut travailler moins que le temps complet et un type qui veut l’embaucher pour une durée inférieure à celle d’un contrat de travail complet. Partant de là, on imaginerait des adultes qui signeraient des contrats et s’arrangeraient entre eux.

Bon, cette image est évidemment complètement farfelue puisqu’elle ne fait intervenir aucun fonctionnaire d’État, ni, encore pire, aucun syndicaliste et — abomination suprême — renverrait les vieux débris communistes antédiluviens chargés de l’inspection du travail à leurs études, loin du monde réel trop abrasif pour leur peau sensible (Gérard F., si tu me lis, sache que j’ai de la tendresse pour les espèces en voie de disparition terminale).

Moyennant quoi, la réalité française sera douillettement bordée de lois encadrant bien tout ça, qui redéfiniront cette année encore la durée minimale du temps partiel qui passe donc en ce début d’année à 24 heures par semaine. Tous les patrons qui auraient eu besoin de salarier quelqu’un pour 20h pas plus (par exemple) ne pourront le faire. L’emploi en France dit merci à cette « avancée » législative. Les 5 millions de chômeurs aussi.

Et puisqu’on parle code du travail, que va-t-il advenir exactement de la pénibilité, cette notion nouvellement introduite au bénéfice du calcul des retraites, déjà pas simple et qui va encore se complexifier un peu et qui, si l’on s’en tient aux textes, promet de grands moments de pirouettes comptables et organisationnelles au sein des entreprises, puisque l’appréciation de la pénibilité sera faite au cas par cas, avec des contrôles a posteriori (et des gémissements a priori) ?

Quant au travail le dimanche, l’avenir est plein d’incertitudes croquignolettes avec des fermetures de magasins à la clef. Jusqu’à récemment, on se rappelle qu’il était donc officiellement interdit de travailler le Jour du Seigneur, puisqu’en bon pays laïc, la France a choisi de faire fermer ses commerces ce jour-là (sauf les boulangers-pâtissiers qui fournissent les gâteaux après la messe, les électriciens parce qu’on n’aime pas cuisiner froid, les cinémas parce que sinon, on s’ennuie ferme, et d’autres menues exceptions pour que tout continue à fonctionner, mais en moins vivant). Rassurez-vous : à l’approche des municipales, et vu que la fermeture dominicale signe l’arrêt de mort pour certains magasins, il a été rapidement signé un petit décret de derrière les fagots pour autoriser à nouveau l’ouverture des enseignes de bricolages.

Comme on le voit, tout ceci est du solide, du simple, du facile, du balisé, du prévu de longue date et c’est donc d’autant plus facile d’entreprendre en France, de créer de la valeur et des emplois puisque tout (impôts, législation, environnement) concourt à vous laisser bosser dans les meilleures conditions possibles. Que demande le peuple ?

Mais toute cette agitation de ces puissants ministères n’est rien à côté de la détermination calculée et des actions épiques qu’entreprennent les plus importants des ministres. Ici, on pense immédiatement à deux d’entre eux, véritables fers de lance du N’importe Quoi Bruyant érigé en méthode de gouvernement et en politique d’avenir : Najat Vallaud-Belkacem tout d’abord et l’inénarrable Arnaud Montebourg, sans lesquels — il faut bien le dire — la politique n’aurait pas ce petit grain de folie ridicule qui nous la rend si sympathique et si joyeuse lorsqu’on ira voter (pour les plus crédules d’entre nous), courant mai de cette année, entre deux cuites monumentales.

En effet, Najat Vallaud-Belkacem n’a même pas attendu d’être en 2014 pour bombarder les interwebs de ses petites déclarations ; la porte-parlote du gouvernemaman est ici dans son rôle, il est vrai, mais comme Switchie sur son blog, on ne peut qu’être consterné par l’avalanche de bidules tous plus foutraques les uns que les autres que la pauvrette nous a rassemblés dans une infographie indigeste, afin de nous présenter l’étendue des dégâts que l’ensemble du gouvernement entend porter au pays pendant toute cette année : pas un domaine ne sera épargné, pas une loi ne sera oubliée, chaque ministère ira de sa petite crotte législative. C’est génial, non ?

D’autant qu’on sait déjà qu’elle sera (lourdement) épaulée du chevalier de la Table Bancale. Et pour préparer psychologiquement le pays à ces assauts gaillards, Montebourg n’a rien trouvé de mieux que nous présenter un calendrier de ses Douze Redresseurs. Ne riez pas : c’est avec vos sous.

Les petits-fours ont été mangés. L’allocution du Président est terminée. Les ordres de mission pour cette nouvelle année sont partis : c’est décidé, 2014, ce sera 2013, mais en plus grand, plus fort, plus loin.

Pour ceux qui le peuvent : fuyez. Pour les autres, tremblez. Que vous ayez fui ou que vous trembliez, de toute façon, ce pays est foutu.
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