Suzanne // De Katell Quillévéré. Avec Sara Forestier et François Damiens.
Raconter la vie de Suzanne n’était pas une mince affaire mais le résultat est surprenant. La vie de cette jeune femme est bouleversante, déchirante. Il n’y a pas forcément de
mots pour décrire la terreur dans laquelle sa vie est entrée dès qu’elle est née. Elle a toujours été plus ou moins froide mais sa relation avec sa soeur a toujours été fusionnelle. C’est
d’ailleurs pour ça que Suzanne gagne énormément de points du point de vue de l’émotionnel. C’est tout simplement réussi. Alors que sa mère est décédée, elle n’est pas une enfant
aussi heureuse qu’elle aurait dû l’être et le manque de sa mère se traduit forcément au travers de ses actions, les bonnes comme les mauvaises. Pourtant, Suzanne semble être un
film décousu, qui prend des bribes de la vie de ce personnage pour en faire un aggloméra. Mais cet assemblage fonctionne terriblement bien car le film avance de scènes en scènes, d’années en
années, avec une fluidité assez stupéfiante. Au début je me suis demandé ce que j’allais voir car le film ne passe pas suffisamment de temps sur certains passages de la vie de
Suzanne.
Fille-mère à l'adolescence, Suzanne vit avec son père routier et sa sœur dont elle est inséparable. Sa vie bascule lorsqu'elle tombe amoureuse de Julien, petit malfrat qui l'entraine dans sa
dérive. S'ensuit la cavale, la prison, l'amour fou qu'elle poursuit jusqu'à tout abandonner derrière elle...
Notamment son enfance que j’aurais aimé mieux comprendre (la scène de cette histoire de cantine était fabuleuse). En tout cas, on ne peut pas reprocher à Suzanne de ne pas être
dans le vrai. On ne sait jamais en quelle année on est réellement (même si l’on a des indices aussi bien avec les costumes que les décors reconstitués) mais c’est aussi ce qui rend le périple de
ce film passionnant. Il nous interroge et ne nous laisse pas simple spectateur. Car tout ce qui arrive à Suzanne est terrible mais c’est justement ce qui rend le tout encore plus
efficace à mon humble avis. Cet film permet également de voir un peu pus du talent de Sara Forestier, découverte par Abedalif Kechiche dans son film
L’Esquive (un vivier de jeunes talents quand même de réalisateur) et que j’avais revu ensuite dans le très bon Hell aux côtés de Nicolas
Duvauchelle. Ici elle est tellement touchante et ce même quand elle fait des choix qui ne devraient pas être ceux qu’elle devrait faire (mais par amour on peut tout faire).
Cela permet également de voir François Damiens exceller encore une fois dans le registre dramatique. Ici on est loin de la comédie dramatique (Une Pure Affaire,
Je fais le Mort), on est dans le drame pur et dur. Mais l’acteur surprend, preuve qu’il est un vrai caméléon capable d’incarner des rôles divers et variés toujours avec le même
talent. Dans tout cela il y a Katel Quillevéré qui pose sa caméra en tant que spectateur de cette petite vie qui aurait pu être banale mais qui au fil du temps devient de plus en plus terrible.
Car on ne peut pas souhaiter à quiconque ce qui est arrivé à Suzanne. Mais le réalisateur et le scénariste du film nous proposent de boucher les trous de l’histoire que l’on ne
voit pas en pensant à ce qu’il a pu se passer. Suzanne est en tout cas un très bon film français. Cette année notre cinéma a été plutôt fructueux en bons films et
Suzanne est une nouvelle preuve de cette richesse.
Note : 8.5/10. En bref, c’est beau et brut. Electrique et terriblement émouvant.
Date de sortie : 18 décembre 2013