2014 : année d’adaptations ou de transitions ?

Publié le 01 janvier 2014 par Arnaudgossement

2013 aura été une année bien sombre pour le développement durable. Les reculs de l’Etat ont été nombreux. En 2014, il faudra beaucoup de courage et d’audace pour réussir une véritable transition écologique et non de simples adaptations. Adaptation ou transition : l’enjeu de cette nouvelle année 2014.


2013 aura été marquée par le même paradoxe que les années précédentes : alors que l’Etat hésite toujours à s’engager complétement et entièrement pour que le développement durable soit, non une branche, mais une racine de toutes les politiques publiques, les autres acteurs continuent d’avancer. Entreprises, PME innovantes, élu(e)s locaux, citoyens … la société continue d’avancer et bien plus vite que ses gouvernants. Je conserverai de cette année 2013 le souvenir d’une réunion dans les locaux d’une grande entreprise japonaise, cliente du cabinet, dont les responsables français nous ont longuement expliqué l’importance stratégique très concrète du développement durable pour la pérennité de leur activité.

2013 aura en effet démontré un réel malaise au sommet de l’Etat. Et les décisions publiques absurdes se sont enchainées : 3ème ministre de l’écologie en un an, 4ème directeur de cabinet, report de la réforme de la fiscalité à 2015, absence de fléchage du CICE, augmentation indifférenciée de la TVA en fonction de critères de durabilité, absence de mesure sur le diesel malgré son impact sanitaire, conférence environnementale atone, déclin des énergies renouvelables, incertitude du processus de fermeture de Fessenheim, report des projets de lois sur le code minier, la biodiversité ou l’énergie, plan décevant du projet de loi sur la transition énergétique, relance du projet catastrophique de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, relance de l’élevage intensif au JO du 31 décembre…la liste des incohérences est longue. Au plan international, le nouvel échec des négociations sur le climat à Varsovie n’a pas permis non plus de réjouir.

Et le risque est désormais grand d’un retour en arrière. Pour le dialogue environnemental notamment. En 2006, grâce au succès du Pacte écologique de Nicolas Hulot, s’était ouvert un cycle marqué par le Grenelle de l’environnement et la volonté des acteurs de dialoguer malgré les divergences. La confiance avait permis d’avancer, de créer un grand ministère de l’écologie, de faire un état des lieux des consensus possibles, de décider d’un moratoire sur les OGM, d’encourager l’essor de l’éolien et du solaire, de voter à la quasi-unanimité la loi du 3 août 2009.

Ce cycle de dialogue s’est achevé à Copenhague, lors du sommet mondial du climat organisé en décembre 2009. Le cycle de l’écolo scepticisme lui a succédé, marqué par cette phrase prêtée au Chef de l’Etat au Salon de l’agriculture : « L’environnement ça commence à bien faire ». Depuis 2010, le risque est fort que le dialogue ne le cède de nouveau à la confrontation. Le naufrage du débat national sur la transition énergétique le démontre. De ce point de vue, la relance de l’aéroport de Notre-Dame des Landes est un dossier clé. La décision du Gouvernement, en pleine période de fêtes, de publier les arrêtés nécessaires à la destruction d’une zone humide et d’espèces protégées, créé un risque fort de replacer l’écologie sous le signe de la confrontation et de la radicalisation.

Quel cycle va s’ouvrir en 2014 ?

Certes, 2014 ne se présente pas sous les meilleures auspices.

Le plan du projet de loi sur la transition énergétique le démontre à lui seul. Il s’agit pour l’essentiel d’un texte de transposition, d’adaptation, plus que de transition. L’Etat semble prêt à adapter le modèle énergétique existant centralisé et productiviste plus qu’à le faire réellement évoluer comme d’autres Etats le font pourtant. Idem pour le projet de code minier dont les auteurs ont beaucoup insisté sur leur volonté de conserver le « modèle minier » français, qui date pourtant du …19ème siècle.

Adaptation ou transition : l’enjeu donc de cette année 2014.

Pour relancer les énergies renouvelables, adapter le modèle existant ou reprendre quelques mesures de simplification ne suffira pas. Idem pour toutes les autres politiques publiques. Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de tout changer, de tout révolutionner et d’encourager l’instabilité réglementaire. Bien au contraire. Trop de lois tuent la loi et la prolifération de textes de piètre qualité nuit gravement à la qualité, à l’efficacité du droit de l’environnement notamment. A ce titre le sauvetage du tarif d’achat éolien menacé par un recours devant le Conseil d’Etat ne suffira pas : encore faut-il ne pas le remettre immédiatement en cause à l’occasion de la loi sur la transition énergétique annoncée pour fin 2014.

Reste à faire en sorte que l’expression « transition écologique » ne demeure pas un mot valise que chacun remplit à sa guise, à son idée.

Les objectifs sont connus  et ils sont au demeurant fixés au niveau européen depuis l’adoption, fin 2008, du paquet européen énergie climat. Inutile de les réinventer, l’urgence est ici de respecter nos engagements européens. N’oublions d’ailleurs pas que le droit de l’environnement est à 85% d’origine européenne. Reste à réfléchir aux moyens, à cesser d’attendre le retour improbable de la croissance du PIB, à cesser de croire dans le pouvoir magique de la loi, à créer une prospérité sans croissance comme l’a justement écrit l’économiste Tim Jackson.

Pour reprendre l’heureuse analyse de la philosophe Cynthia Fleury, il nous faut du courage. Pas le courage d’un homme même providentiel ou d’un héros. Mais le courage de tous, le courage de la délibération.

Du courage et …de l’audace !

Pour ma part, je continuerai à m’investir comme avocat. Aux côtés des avocats et des clients du cabinet qui nous ont accordé leur confiance. D'où ce dessin de Daumier bien sûr pour illustrer ces voeux.

Ce qui me donne l’envie de rappeler ces mots d’un célèbre avocat, Georges Jacques Danton, gravés sur sa statue de l’Odéon à Paris :

« Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres d’un peuple libre, d’avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre ! (…) Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! »

Très bonne année à toutes et tous