Pas évident de souhaiter bonne année à une nation en pleine défiance. François Hollande a réussi cependant à montrer
qu’il pouvait rebondir et aller dans la bonne direction. Reste que du discours présidentiel aux actes, il y a souvent un fossé...
Enregistrés à l’avance, ces vœux de dix minutes n’étaient pas une perfection dans la forme, avec une image
mal réalisée (le fond plaqué de la cour de l’Élysée a rendu la séquence proche d’une vieille série télévisée) et un ton était haletant et peu posé, mais François Hollande pouvait-il faire
mieux ? Sans doute pas.
Il a d’abord laissé entendre qu’il comprenait tous ceux qui lui en veulent, et en particulier les
contribuables en admettant (en avouant !) que les impôts étaient bien trop lourds pour les Français. La méthode Coué, dont il n’a pas encore
réussi à se débarrasser (sale maladie), en rappelant que les résultats "bons" sont là mais tardent à venir (ce qui constitue un paradoxe
hollandien), a donc semblé s’éclipser derrière une séquence de Docteur Jekyll et Mister Hyde, car regretter les hausses d’impôts tout en les décrétant ne convaincra pas beaucoup de Français de sa
sincérité… Le 1er janvier 2014, justement, la TVA est en hausse, parfois de manière brutale (passage de 7 à 10%).
Mais avait-il le choix vu le contexte budgétaire ?
Le problème, et il l’a répété ce 31 décembre, c’est que François Hollande n’aurait pas prévu une telle crise.
Il pensait, lorsqu’il était candidat, que la croissance reviendrait par sa simple présence à l’Élysée. Une sorte d’opération du saint Esprit. La plupart des "connaisseurs" de l’économie avaient
beau rappeler la réalité, les rêves (à réenchanter) ne s’arrêtent que lorsqu’ils deviennent cauchemars.
Sur le discours présidentiel, il n’y a rien de vraiment critiquable sur le fond. Au contraire, il a même
annoncer une série de mesures pour 2014 qui pourraient être intéressantes même si le moment de ces annonces était mal choisi. Mais comme pour le discours du Bourget, on remarquera que François
Hollande est un beau parleur mais un piètre acteur, un piètre réalisateur.
Le pacte de responsabilité avec les entreprises ? Pourquoi pas, c’est sympathique, en effet. Une sorte
de contrat gagnant/gagnant : l’État réduit les contraintes sur les entreprises et les entreprises embauchent. Oui, mais le problème, c’est que les entreprises n’embaucheraient pas pour les
beaux yeux de François Hollande. Elles embaucheraient parce qu’elles auraient besoin de salariés supplémentaires parce que leurs activités seraient en croissance, parce que l’environnement
seraient favorables, pas parce que l’État le déciderait (du reste, cela met à mal aussi le principe des baisses des charges : cela ne créerait pas d’emploi si celui-ci n’avait pas une raison
avant tout économique). C’est un peu ce qu’a rappelé Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem en réaction à cette allocution présidentielle.
Réduire les dépenses de l’État ? C’est une nécessité que François Hollande n’avait semble-t-il pas
compris l’été 2012 lorsqu’il a voulu recruter en masse de nouveaux fonctionnaires. 2014 va sans doute faire "mal" à l’État puisque le Président de la République s’est engagé sur sa propre
personne à réduire la voilure étatique. Nul doute que cela va provoquer des remous.
Peut-être d’ailleurs que la piste, c’est la profonde réforme des collectivité locales qu’il va proposer cette
année 2014 : réduire le trop grand nombre d’échelons administratifs. C’est pertinent mais concrètement, il a abrogé la réforme (mal ficelée à mon sens) réalisée par son prédécesseur et a remultiplié le nombre des élus (avec un redécoupage complet des cantons qui laissent augurer une
grande manipulation électorale pour mars 2015).
Autre annonce qui peut paraître pertinente sans pour autant être analysable puisque son contenu est encore
dans l’attente, c’est cette "initiative" avec l’Allemagne pour la construction européenne. Faut-il donc
que les considérations de politique intérieure prennent en otage la vision européenne pour essayer d’en esquisser les futurs aspects ?
En oubliant le million de manifestants bons enfants dans les rues contre le mariage gay, François Hollande a également insisté sur le dialogue social en évoquant tant l’accord du début 2013 sur le code du travail que celui de la fin de l’année
sur la formation professionnelle. Si le dialogue se réduit à la méthode pour un passage en force de l’euthanasie active, alors, effectivement, il y a dialogue… mais biaisé.
François Hollande a néanmoins eu de la chance puisque le même jour, il a pu annoncer la libération d’un otage
français au Cameroun, le père Georges Vandenbeusch, que, accompagné de Laurent Fabius, le Président de la
République a accueilli tôt à l’aéroport de Villacoublay le lendemain matin. Il a cependant rappelé la présence d’autres otages français et également la disparition de neuf soldats français au
Mali et en Centrafrique.
Sa conclusion également n’était pas sans pertinence : dire que c’est une chance d’être Français est une
évidence pour beaucoup de nations au monde, mais comment peut réagir celui qui vient de perdre son emploi, ou un autre qui vient de voir s’effondrer une grande partie de son pouvoir d’achat à
cause de la hausse délirante des taxes et des impôts ? Sûrement pas un sentiment de fierté. Plus l’idée d’une colère incomprise.
L’exercice présidentiel n’était donc pas aisé, mais l’épreuve a été passée avec un relatif succès sur ses
objectifs : montrer qu’il comprenait les difficultés des Français (malgré sa joie d’être à l’Élysée), et laisser entendre qu’il allait
(enfin) prendre de bonnes décisions. Il sera évidemment jugé à ses actes. François Hollande donnera probablement des précisions sur ses intentions dans sa nouvelle conférence de presse programmée
pour le 14 janvier 2014.
Quant à moi, puisque c’est également le jour, j’en profite pour exprimer, aux lecteurs qui me font l’honneur
de leur attention, mes meilleurs vœux pour la nouvelle année, avant tout de bonne santé, car c’est l’essentiel.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (1er janvier 2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’humour présidentiel à la
radio.
Jusqu’où
descendra-t-il ?
La
courbe du chômage…
Faut-il supprimer l’élection
présidentielle ?
La
République du couac …ou du non dit.
Interview présidentielle sur TF1 (15 septembre 2013).
Pourquoi il ne fallait pas voter pour Hollande ?
Aucune autorité
sur ses ministres.
Interview présidentielle du 14 juillet 2013.
Remous électoraux du
FN.
Première année du
quinquennat de François Hollande.
Seconde conférence de presse de François Hollande (16 mai 2013).
Interview présidentielle sur France 2 (27 mars 2013).
Première conférence de presse de François Hollande (13
novembre 2012).
Interview présidentielle sur TF1 (9 septembre 2012).
Interview présidentielle sur France 2 (29 mai 2012).