Voeux 2014: ce qu'Hollande a voulu dire

Publié le 01 janvier 2014 par Juan
François Hollande fait ses voeux, face caméra, comme d'autres avant lui, et d'autres après lui. Le rituel, toujours court, est scruté, analysé, décortiqué comme rarement un exercice de communication aussi prévisible, convenu et sans surprise ne l'est dans notre actualité politique.
Chaque mot est pesé, par tous et partout. Les conseillers qui ont préparé le texte, le président lui-même qui en a remanié les lignes, les éditocrates et autres experts professionnels de la parole politique; les citoyens un tant soit peu attentifs à la chose publique, les militants et sympathisants qui cherchent un cap ou des critiques.
On comparera les occurrences des termes, on décortiquera les formules.
Ce mardi 31 décembre 2013, on pouvait être curieux après cette année détestable pour l'action présidentielle.
"L’année 2013 a été intense et difficile"
Hollande a-t-il annoncé quelque chose ? Oui. Pour une fois, ces voeux ont été riches d'enseignements politiques. Il a certes rappelé une évidence, niée par une droite qui souhaite notre amnésie collective, négligée par une gauche qui fait mine d'ignorer les difficultés : "L’état même du pays a justifié que je vous demande des efforts."  Il a reconnu le ras-le-bol fiscal - "Et je sais ce qu’ils représentent. Les impôts sont devenus lourds, trop lourds, à force de s’accumuler depuis de nombreuses années."
Visuellement, la mise en scène de de ces seconds voeux télévisés avait quelque chose d'incroyablement démodé. Un journaliste politique, le soir même sur Twitter, s'est demandé quel est le stagiaire à l'oeuvre.
Un éditocrate doué mais neo-libéral qui officie chaque matin sur France info - Dominique Seux - aimerait que Hollande "clarifie" sa "ligne économique". Un confrère blogueur, sympathisant du Front de Gauche, y a vu un aveu des plus explicites du social-libéralisme de l'actuel président. Un autre, sans commentaire autre qu'une affiche, l'accuse d'être un soutien du MEDEF.
Qu'a vraiment dit François Hollande ?
En premier lieu, il propose "un pacte de responsabilité aux entreprises", fondé sur "un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social". On frémit. Secundo, 2014 sera l'année de la réduction de la "dépense publique". Sur cet item, le paragraphe semblait tout droit pompé d'un discours de la décennie précédente. On entend Sarkozy plus que Chirac, on s'étrangle.
"Cela vaut pour l’Etat, qui doit se concentrer sur ses missions essentielles, mais aussi pour les collectivités locales, qui doivent voir leurs compétences clarifiées ; et pour la sécurité sociale, qui est notre bien le plus précieux, qui doit en terminer avec les excès - nous les connaissons - et les abus. Parce qu’ils mettent en cause l’idée même de solidarité"
En fait, il acte la radicalisation de la droite politique: l'UMP défend un choc libéral d'une violence inouïe. Il n'y a qu'à relire les propositions évoquées lors de leur "journée de réflexion" en décembre, ou celles des Copé et Fillon. Hollande, donc, s'installe sur un créneau simple et vaste qu'il ne veut pas laisser à cette fragile union des centres - du social-libéralisme affiché.
En second lieu, ces voeux révèlent que Hollande a conscience de sa fragilité politique.
Les écologistes seront, peut-être, satisfaits de l'appel qui suit à la "transition énergétique". C'est l'indicible signe qu'Hollande comprend qu'il a besoin d'une majorité soudée. Elle ne l'est plus.
En troisième lieu, Hollande a raté une chose, envoyer un signe à "sa" gauche, un signe simplement puisque ces voeux ne sont qu'une affaire de signes.  Il y avait bien cette allusion en fin d'intervention, avant de conclure sur la République "qu'on ne négocie pas"
"La France sera forte si elle reste solidaire. Si elle bâtit plus de logements, réduit la pauvreté, accueille mieux les personnes en situation de handicap ou de dépendance." 
Rétablir l'économie, s'allier les écologistes, oublier le reste de la gauche. Hollande fait le pari que cela lui suffira.
Quelle erreur.

PS: merci à Nitro-Politic pour le texte.