Marie-Louise n'est pas contente

Publié le 04 mars 2008 par Uninfirmier

J'ai particulièrement apprécié les stages de psychiatrie de mes 3 années d'étude, même si, trop attiré par l'urgence-qui-saigne, je n'ai jamais envisagé d'y travailler. Tant qu'à faire de la psy, j'avais décidé de ne me préoccuper que des psychotiques en crise, toujours probablement dans l'idée d'y trouver mon besoin quotidien de sensations fortes.

Quelle ne fut donc pas ma déception de me retrouver en fin de 3ème année en "Unité Ambulatoire de Psycho-Gériatrie".

Et pourtant...

2 infirmières et une 205 aux couleurs de l'hôpital composaient cette ambitieuse Unité, dédiée non pas aux vieux devenus fous, mais aux fous devenus vieux, ce qui est fondamentalement différent, et assez impressionnant, dans la mesure où ces patients ont enkysté depuis des décennies des délires parfois carabinés.

Marie-Louise était arrivé de Guadeloupe il y a 45 ans afin de mener tranquillement une carrière de postière en métropole. Lorsque nous sommes allé la voir, Marie Louise pleurait dans son canapé, effondrée par une vie "trop trop trop trop dure". Elle ne s'alimentait plus guère, passait son temps devant TF1 et ruminait son ressentiment à l'encontre d'un mari depuis longtemps évadé.

D'ailleurs, tout était "trop trop trop trop dur" pour Marie-Louise, l'idée même de s'habiller autrement qu'en peignoir l'épuisait.

Une fois revenu dans l'unité, après escale technique chez un antiquaire qui "vendait de très belles chaises", je me collais à l'exercice des transmissions écrites.

Trois semaines plus tard, nouvelle visite. Marie Louise nous ouvrit immédiatement la porte, en tenue d'apparat. Marie Louise allait BEAUCOUP MIEUX, avait décidé de FAIRE DU KARATE et du JUDO. Marie Louise s'était ACHETÉ UNE GAINE, S'ÉTAIT INSCRITE A L'ATELIER MUNICIPAL DE POTERIE ET DE MACRAMÉ, avait DANSE AVEC LE MAIRE EN SOIREE ET-PLEIN-D'AUTRES-CHOSES-ENONCEES-A-UN-DEBIT-PHENOMENAL.

La porte enfin refermée après 30 minutes de monologue survitaminé, l'infirmière avait l'air inquiète, ce qui ne l'empêcha pas de repasser voir cet antiquaire, qui décidément avait des chaises maginfiques. J'étais quant à moi plutôt satisfait de cet entretien, naïvement persuadé que Marie Louise allait décidément beaucoup mieux.

3 jours plus tard, Marie Louise, outrée par un reportage décrivant les relations plutôt froides entre la reine d'Angleterre et Lady Di, décida d'exprimer son mécontentement directement à l'intéressée. Elle gagna donc Buckingham Palace via l'Eurostar, ce qui lui permit de traiter la Reine de "vieille pute" directement sous sa fenêtre, procédé qui a le mérite d'être efficace, mais qui présente l'inconvénient d'attirer rapidement une foule quelque peu courroucée. Après un traitement neuroleptique probablement un chouilla surévalué, réservé à une française insultant la Queen, Marie Louise s'en revint, malheureusement en mon absence.

Premier et dernier contact avec la psychose maniaco-dépressive.