De l’Eglise, de la politique et de l’économie
Publié le 18 décembre 2013 par chretiens2gaucheJean-François Kessler partage son regard sur l’exhortation apostolique du pape François. Un texte qui a amené bien des interrogations sur le bord politique du Saint-Père.
Dessin de Hachfeld paru dans Neues Deutschland (via Le Courrier International)
« (N)ous devons dire "non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale". Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. Voilà l’exclusion. On ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim. C’est la disparité sociale. Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétition et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible (…). Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des Etats chargés de veiller à la préservation du bien commun (…). Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure (…). (Les) intérêts du marché (sont) divinisés, transformés en règle absolue (…). (L)es mécanismes du système économique dominant (sont) sacralisés. »
Qui a écrit ces lignes ? Jean-Luc Mélenchon ? Non ! C’est le Pape François, dans l’exhortation apostolique Evangeli gaudium, qui vient de paraître et où il dénonce le primat de l’argent sur l’être humain.
Le titulaire actuel du siège de Saint-Pierre serait-il donc d’extrême-gauche ? Nullement, pour la bonne raison qu’il n’est ni de droite, ni de gauche. Il prêche l’Évangile et il vit l’Évangile.
Le Pape François ne parle pas la langue de bois, ce n’est pas un robinet d’eau tiède, il ne se contente pas, comme trop souvent trop de catholiques, de déplorer la situation, il remet en question les structures de la société.
Ferait-il donc de la politique ? Non, au sens courant du terme. Mais Péguy distinguait la mystique politique et la politique politicienne. Il est évident que le Saint-Père est étranger à la politique politicienne, mais il ne peut pas l’être à la mystique politique.
Au début du XXe siècle, le président du Conseil, Émile Combes, anticlérical obsessionnel, aurait voulu que les catholiques, je le cite, « s’enferment dans leurs temples ». Voilà environ un quart de siècle, Charles Pasqua considéra que l’Église catholique, en condamnant l’armement nucléaire, sortait de son rôle. Plus récemment, le Parti radical de gauche, se livrant à une surenchère pour se démarquer du Parti socialiste, reprocha à l’Église catholique de « faire de la politique », parce qu’elle combattait le projet de loi sur le mariage pour tous.
On le sait, un chrétien n’a pas seulement une relation verticale avec Dieu, mais également une relation horizontale avec autrui. Il ne peut donc pas se désintéresser de la vie de la Cité.
A chaque laïque de choisir ses lieux et formes d’engagement. Par ailleurs, c’est aux laïques en général qu’incombe le soin de trouver et mettre en œuvre les solutions concrètes pour la réalisation des orientations pontificales, étant entendu qu’« il y a plusieurs demeures dans la maison du Père ».
Jean-François Kessler