Jeudi 19 décembre, l’émission Complément d’enquête sur France 2 jeudi montrait Dieudonné attaquant Patrick Cohen, le présentateur de la matinale de France Inter.On put ainsi voir le prétendu humoriste déclarer, à propos du journaliste : « Tu vois, lui, si le vent tourne, je ne suis pas sûr qu’il ait le temps de faire sa valise ». Il lance ensuite : « Quand je l’entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz » Après un temps plein de sous-entendus plutôt explicites : « Dommage ».Le pire de ce spectacle, c’est qu’il déclenche les rires de la salle.
Dieudonné, procédant par des allusions pourtant non équivoques, prend le plus grand soin à éviterde tomber sous le coup de la Justice. Poussant toujours plus loin les limites de la dérision, n’est-il pas allé jusqu’à poursuivre pour antisémitisme Cindy Leoni, présidente de SOS Racisme ? Espérons que cette fois les juges, au nom d’une prétendue liberté d’expression, ne se feront pas les complices d’un tel semeur de haine.
Il n’y a pourtant pas plusieurs interprétations aux propos rapportés plus haut. Le vent, phénomène météorologique n’ayant guère d’impact sur le temps mis à faire une valise, désigne évidemment ici un changement de situation politique. Et si une valise est un auxiliaire de voyage, Dieudonné évoque plutôt ici l’impossibilité où serait Patrick Cohen de quitter son pays, pays dans lequel, il y a soixante-dix, 120.000 juifs furent invités à rassembler quelques effets dans une valise et à emporter quelques victuailles pour un voyage.
La seconde phrase est tout aussi odieuse. De nos jours, l’expression chambres à gaz ne désigne qu’une seule machine, celle qui pendant la deuxième guerre mondiale a servi à assassiner des millions de personnes. Le fait qu’aucun élément de coordination ne relie l’exclamation « dommage » à la phrase précédente n’empêche pas que celle-là est bien la conséquence de celle-ci. Cela s’appelle la parataxe. Elle permet de restituer la « pensée » du sieur Dieudonné : il regrette qu’il n’existe plus de chambres à gaz pour éliminerPatrick Cohen.
Le plus abominable est l’hilarité que déclenche cette évocation des chambres à gaz et des millions de morts qu’elles ont provoqués. On comprendrait, à la plus extrême rigueur, que, aveuglés par des siècles de haine, des assassins par procuration se réjouissent de tels massacres. Mais que cela les fasse rire !!
Dès 1941, Bertold Brecht écrivait dans La Résistible ascension d’Arturo Ui : « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».