Mercredi à Recoleta : une autre étape du Roman National argentin [Human Trip]

Publié le 29 décembre 2013 par Jyj9icx6

La basilique du Pilar, vu sous un angle inhabituel
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Continuons notre parcours dans l'histoire et la géographie de Buenos Aires avec cette nouvelle journée dans le nord de la ville, grâce au séjour culturel que je vous propose avec l'agence Human Trip, qui organise des voyages de tourisme solidaire et équitable depuis Aix-en-Provence. Destinations proches ou lointaines, à prix plus que raisonnables...
A vrai dire, le quartier de Recoleta reflète le défi qu'a été pour la capitale argentine le fait de satisfaire son ambition politique et de se hisser au rang des grandes capitales du monde et d'abord de son continent. Le quartier trouve son origine au début de la guerre civile consécutive à l'indépendance, définitivement et formellement proclamée le 9 juillet 1816 à Tucumán, de l'autre côté du pays. Curieusement, Recoleta, cet élégant quartier huppé, est né autour d'un cimetière ! Le cimetière du Nord, premier cimetière public institué en 1822 dans ce qui avait été le jardin conventuel des récollets. Le couvent était désaffecté depuis longtemps à cause des troubles révolutionnaires. Or pour des questions de santé publique, il fallait mettre fin à la coutume d'enterrer les défunts de quelque prestige dans les églises de la ville. Bernardino Rivadavia (1780-1845) (1), alors ministre, décida donc de reconvertir ces terres à l'abandon, tout là-haut dans le nord, en pleine campagne, en lieu de repos éternel et de contraindre la population de Buenos Aires à y ensevelir ses morts. Et c'est ainsi que le 4 août 1823 y fut porté en terre le cercueil de doña Remedios de Escalada de San Martín (1797-1823). Tant et si bien que l'une des premières tombes fut celle de l'épouse chérie du plus haï des ennemis de Rivadavia, le Général José de San Martín que retenaient alors comme prisonnier à Mendoza tout à la fois les espions du ministre unitaire et une grave rechute du burn-out qu'il avait fait neuf mois plus tôt, après avoir quitté le pouvoir au Pérou.

A droite, avec l'oeillet rouge, la tombe de
"Remedios de Escalada, esposa y amiga del Gal San Martín"
A gauche, avec le drapeau de l'armée des Andes,
le cénotaphe de Juan de San Martín et Gregoria Matorras
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La petite tombe de Remedios existe toujours avec la phrase que San Martín y a fait graver en décembre 1823 (même si ce n'est pas la pierre originale, qui se trouve dans le jardin d'honneur de la caserne des Grenadiers à cheval à Palermo). C'est l'un des trois tombeaux qui remontent à la fondation de la nécropole et qui n'ont pas été détruits depuis. Près d'elle, on a pieusement placé l'urne de ses beaux-parents, qu'en 1947, Perón a fait apporter d'Espagne où ils avaient achevé leur vie, lui en 1796 et elle en 1813. Et pour honorer la mémoire du fils, on a surmonté ce qui est maintenant un simple cénotaphe (2) d'une copie du drapeau de l'armée des Andes(3) L'église du couvent des récollets est devenue une basilique, la Basilique du Pilar, consacrée à la Vierge du Pilier, particulièrement chère à la dévotion des Espagnols et dont la vénération s'est répandue dans tout l'empire colonial pour y rester jusqu'à aujourd'hui. Ainsi donc l'un des pôles de notre promenade à Recoleta sera ce coin qui rassemble l'église, le cimetière où repose tout ce qui a compté dans la vie politique du pays dans une rivalité d'ostentation architecturale à qui aura la dernière demeure la plus imposante, la plus onéreuse et la plus prestigieuse (4) et le centre culturel Recoleta, dont je vous parle parfois parce qu'il accueille en permanence expositions, conférences et concerts.
Un second pôle sera le Museo Nacional de Bellas Artes, un des plus gros musées argentins (mais il est loin d'avoir la taille du Prado). Contrairement à nos musées qui sont constituées essentiellement de collections royales et aristocratiques séculaires, confisquées à la Révolution en France, plus souvent offertes au pays dans des contrées à l'histoire plus calme, et du résultat des pillages de pays que nous avons conquis ou dominés au XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, les musées argentins exposent surtout des collections privées montées dans ce but par des riches amateurs qui y ont consacré une grande partie de leur fortune, il est vrai considérable, et de quelques dons ou legs d'artistes. Le budget acquisition des musées argentins ne leur permet guère de participer aux enchères du marché de l'art et des documents historiques désormais mondialisé et hyper-concurrentiel. Le MNBA a donc pour atouts sa belle collection de peintres argentins, inconnus sur nos rivages mais qui valent pourtant le voyage, et les trois grands grands legs de beaux-arts, mobilier et vaisselle somptuaire qui nous permettent de comprendre comment l'oligarchie éclairée, en lui consacrant toute ses forces, a pensé la construction du pays et a voulu le hisser à la hauteur des puissances européennes de l'époque. Le musée est situé face à Plaza Francia, où nous ferons un tour bien entendu !


Vue partielle de Plaza Francia (le musée est hors champs sur la droite)
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Troisième pôle, toujours dans la même perspective qu'est l'élaboration du pays et de sa culture, du côté des possédants amoureux du savoir, en un temps où il n'y avait pas de ministère de la culture : le Musée des Arts hispano-américains Isaac Fernández Blanco

Une aile du Palacio Noel où est installé le Musée Isaac Fernández Blanco
vue depuis le jardin
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Le mécène dont il porte le nom a passé sa vie à constituer un fonds de beaux-arts, de mobilier et objets usuels. Il voulait que les Argentins prennent conscience de l'originalité de leur culture et de leur histoire et sachent les promouvoir face à l'arrivée massive d'Européens et la tentation qui chatouillait une autre partie de l'oligarchie de nier l'américanité du pays pour mieux l'angliciser (ce qui a heureusement échoué). Le musée offre donc une impressionnante plongée dans le passé de l'Argentine et de l'Amérique du Sud grâce à ce patriote qui, trois générations après l'indépendance, revendiquait à nouveau les racines coloniales de son pays. On repasse ainsi plusieurs siècles que Rivadavia et les successeurs de Rosas avait voulu nié et jeté aux oubliettes : les missions jésuites et le métissage avec les Indiens, les échanges commerciaux avec le Brésil lusophone et les autres zones de l'empire espagnol, ceux avec les Philippines et l'influence de l'esthétique asiatique dans les églises argentines qui s'en est suivi, les conséquences artistico-économiques de la découverte des mines d'argent du Potosí (actuelle Bolivie, province du vice-royaume du Pérou jusqu'en 1776 puis du vice-royaume du Río de la Plata sous le nom de Haut-Pérou). Vous en sortirez éblouis et ravis...
Le quatrième pôle d'intérêt du quartier, dans cette intense journée, est le sceau que la famille Alvear a voulu mettre sur ce quartier lorsque don Torcuato de Alvear (1822-1890), fils d'un héros ambigu de la guerre d'indépendance, devint le maire (intendente) de Buenos Aires (1883-1887) où il se voulut le baron Hausmann... au profit de la gloire familiale. C'est lui qui fit percer Avenida de Mayo et d'autres grandes artères de la capitale. Pour cela, il n'hésita pas à éventrer le très beau Cabildo qui avait été le berceau de la Révolution de 1810 (voir mon article sur notre premier jour à Buenos Aires). Et puis il commanda à Antoine Bourdelle, le sculpteur français (tant qu'à faire!), un monument mégalomane à la gloire de son papa, le général Carlos María de Alvear (1789-1852), officier ambitieux et paranoïaque qui prit ombrage des succès de son ami San Martín au point de financer les pamphlétaires qui, au service de Rivadavia et de ses sbires, tentaient de le flétrir et de le perdre dans l'opinion publique (raté!). Politicien ambigu après un premier et fougueux engagement révolutionnaire (il fut le très actif président de l'Assemblée de l'An XIII). Le monument, érigé entre Avenida Alvear et Plaza Intendente Torcuato de Alvear, entend rivaliser, en taille et en hauteur, avec le monument de Plaza San Martín (Retiro). Il faut dire que la famille Alvear avait très très mal vécu le retour solennel des cendres de San Martín en mai 1880, son mausolée dans la cathédrale et la popularité inouïe dont il jouissait encore et toujours dans la nation argentine.

L'invraisemblable monument au Général Alvear, vu dans son intégralité
depuis Plaza Intendente Alvear
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La très placide statue équestre, juchée sur son perchoir de granit rose, fut inauguré en 1926 sous la présidence de... Marcelo Torcuato de Alvear (1868-1942), petit-fils du statufié et fils du maire... En contrebas de la basilique et du cimetière, ce coin-là résume assez bien la manière dont certaines familles coloniales surent, non sans génie, tirer partie de la Révolution et de l'indépendance pour conquérir fortune et pouvoir pour se rendre maîtresses du pays. Son histoire est emblématique d'un processus historique très répandu en Argentine comme dans le reste de l'ex-empire espagnol.
La journée commencera avec un bref exposé de ma part pour mettre en place les grands repères de l'histoire, depuis les récollets jusqu'au mandat de don Torcuato et sa folie des grandeurs en passant par cette épidémie de fièvre jaune, la dernière à Buenos Aires, qui à l'été 1871 poussa les riches à quitter San Telmo et à se réfugier dans le nord où les cabanons du dimanche se transformèrent très vite en demeures de maître, donnant au quartier sa sociologie actuelle. Nous quitterons l'hôtel de bonne heure pour monter vers Recoleta. Nous y prendrons ensemble le déjeuner dans un restaurant du coin. Soirée et dîner libres. Les danseurs de tango pourront aller user les planchers (sacar viruta (5) al piso, comme on dit à Buenos Aires).
Les autres préféreront peut-être faire trempette dans la piscine et le jacuzzi de l'hôtel ou profiter d'un spectacle à l'affiche, se faire un restaurant ou un pique-nique dans leur chambre qui est équipée pour (frigo, micro-ondes, bouilloire, plaque de cuisson et vaisselle)...
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Grâce à son correspondant sur place, Human Trip peut vous offrir des extensions vers d'autres destinations, en Argentine ou dans les pays limitrophes, à votre guise, à l'intérieur des dates prévues (vous pouvez sauter des étapes de notre programme si vous le voulez), soit avant l'arrivée du groupe, le 25 avril, soit après son départ le 7 mai. L'agence se tient à votre service pour vous construire un programme sur mesure. Contactez-la par mail (info@humantrip.fr) ou par téléphone (04 86 11 01 71).
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Pour en savoir plus sur le voyage : consultez le programme sur le site de l'agence téléchargez-le en version imprimable sur mon site Internet découvrez l'Apart Hotel Monserrat grâce à son site Internet (qui est tout à fait fiable) reportez-vous aux autres articles sur le voyage déjà parus dans ce blog en cliquant sur le mot-clé Human Trip dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Les articles se lisent à l'écran du plus récent au plus ancien.
Pour en savoir plus sur Recoleta et les différents pôles touristiques décrits dans cet article : visitez le site Internet du Museo Nacional de Bellas Artes et connectez-vous à sa page Facebook visitez les pages du Museo de Arte hispano-americano Isaac Fernández Blanco sur le portail de la Ville Autonome de Buenos Aires (nous visiterons l'exposition permanente du Palacio Noel) et connectez-vous à sa page Facebook visitez le site Internet que deux passionnés ont consacré à la basilique del Pilar (validé par le Ministère de la Culture de la Ville Autonome de Buenos Aires) La paroisse Nuestra Señora del Pilar dispose de son propre site (à forte dimension confessionnelle, comme on peut bien le penser) mais c'est le site "officiel" de ce lieu. Ne vous étonnez pas d'y trouver force référence au Pape François. Il y a un lien ! Cette paroisse s'est aussi installée sur Facebook. Vous pouvez aussi visiter le site Internet du quartier et lire la letra de tango que Horacio Ferrer a dédiée à son quartier d'adoption (qui est aussi le quartier natal de sa mère) et que j'ai traduit dans un cahier bilingue publié dans la revue Triages (n° 20, Tarabuste Editions, juin 2008) (6)
Et surtout, surtout regardez, ci-dessous, cette interview du Maestro pour ses 80 ans : voilà une figure incontournable du quartier d'aujourd'hui... et, comme vous le savez, il est le fondateur et le président de notre chère Académie nationale de Tango de la République Argentine. L'interview est enregistrée chez lui au Palace Hotel Alvear. Ecoutez comment il parle de la ville, de sa femme, du café La Poesía à San Telmo, de sa mère, arrière-arrière-petite-nièce par alliance de Juan Manuel de Rosas (dont je vous parlais lors de notre étape précédente, à Palermo). Pour mieux suivre la conversation, appuyez-vous sur la traduction que j'en ai faite de cette merveilleuse interview en juin dernier. Autre grande artiste originaire de Recoleta et figure du quartier d'aujourd'hui : la chanteuse Amelita Baltar, dont je vous parle aussi assez souvent ici (voir mes articles sur elle). Dans ce blog, vous pouvez accéder aux diverses entrées sur l'actualité de Recoleta en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
(1) Rivadavia est en quelque sorte l'âme damnée de la période indépendantiste. Certes, c'est lui qui fonda l'Université de Buenos Aires et son nom mérite de rester dans l'histoire pour cela. Mais le reste ! Personnage fourbe, arrogant, anti-social, raciste, ivre de pouvoir, belliqueux... Bref, tout ce qui peut le rendre sympathique aux yeux d'un homme du XXIème siècle... Sa tradition politique a été reprise à partir de la fin du XIXème siècle par les penseurs de l'oligarchie, comme Sarmiento et Mitre, et portée au pinacle par la Generación del Ochenta (1880-1916). En toute logique, il est honni par l'actuel courant historique que les Argentins appellent le révisionnisme et qui institutionnalise l'interprétation du passé national, une vision à la fois souverainiste et sociale, c'est-à-dire péroniste pour l'essentiel et un peu radicale à la marge. (2) L'urne a en effet été placée en 1998 dans le gigantesque reliquaire qu'on a bâti à Yapeyú, dans la Province de Corrientes, autour de ce qui doit avoir été la maison natale du général San Martín et a dû servir de palais (fort modeste) au capitaine de Juan de San Martín (1728-1796) au temps où il était le vice-gouverneur du district de Yapeyú, de 1776 à 1781. La ville a été incendiée en 1817 par une expédition luso-brésilienne et il ne reste rien de la cité jésuite où San Martín a vu le jour, pas même les archives paroissiales où son baptême et celui d'un de ses frères ont dû être inscrits. Tant et si bien qu'on n'a pas la preuve qu'il est né là. Ce qui fait naître des tas de spéculations plus oiseuses les unes que les autres mais qui sont le revers de toute transformation d'un personnage historique en mythe (c'est la même chose pour Carlos Gardel). (3) Sur la vie de ce héros de l'indépendance, des droits de l'homme et de l'abolition de l'esclavage, qui a rendu le dernier soupir en France, à Boulogne-sur-Mer, sous la Seconde République, voir la biographie San Martín, à rebours des conquistadors, que j'ai publiée aux Editions du Jasmin en décembre 2012. Voir également la journée de ce voyage consacrée entièrement à ce personnage, deux jours auparavant (le lundi de cette dernière semaine d'avril 2014). L'original du drapeau de l'armée des Andes est conservé dans la ville de Mendoza. (4) Mais la tombe la plus visitée est un caveau familial qui à première vue ne se distingue pas des autres. Si ce n'est par la quantité de fleurs déposées devant. La concession des Duarte. C'est là que repose le corps embaumé d'Evita (1919-1952). (5) Comme ça, vous savez pourquoi une milonga de Palermo s'est baptisée La Viruta (le copeau... d'une des lattes du plancher -piso-, ce copeau qu'arrachent les semelles de danseurs si pris par leur passion qu'ils en transforment leurs inoffensives chaussures en rabots). (6) Vous pouvez retrouver toutes les références de mes livres, leur présentation et leurs modalités d'achat (prix, lieux, commandes...) sur mon site Internet.