Manifeste pour une alternative européenne écologique

Publié le 10 mai 2008 par Marc Vasseur

Je  vous livre le texte intégral d'On a toujours raison d'essayer. Pour tout vous dire... je m'y retrouve et cela faisait longtemps que je n'avais pas pris un tel "plaisir" en le lisant.

Manifeste pour une alternative européenne écologique

L’histoire est en suspens.

Soit la trajectoire d’effondrement dans laquelle s’inscrit notre civilisation de marché et de prédation se prolonge, et l’on verra la crise écologique globale précipiter la planète dans une régression sociale et humanitaire sans précédent ; soit la société affirmera son refus d’une telle spirale et surgiront alors les réformes nécessaires pour échapper au chaos et tracer l’horizon d’une nouvelle espérance. Nous n’avons plus le temps. Tous les indicateurs sont au rouge et déjà le grand cri des souffrances retentit. Les ressources s’épuisent, le climat s’emballe, le vivant se rétracte, les catastrophes s’enchaînent, les inégalités s’aggravent, les ventres crient famine, l’économie dérive, les liens sociaux se déchirent, le mal être individuel empire. L’humanité avance vers son désert. L’homme va vers son affaissement.

D’autres orientations économiques et sociales s’imposent. D’autres choix de société sont indispensables. Une autre politique de civilisation est possible. Ni demain, ni peut-être. Maintenant et résolument. L’enjeu est tel et son urgence si prégnante que nous ne pouvons plus consentir à la tradition des jeux de rôle auxquels la représentation politique se complaît, avec ses rabâchages traditionnels qui pétrifient le futur et ses crispations claniques qui dévalorisent les consciences. Quelques soient leurs référentiels idéologiques, les politiques bégaient devant les défis du nouveau siècle, refusant l’obstacle du grand tournant nécessaire. Ils restent assermentés à un modèle de développement insoutenable. Chacun à leur façon, ils persévèrent dans la reproduction d’un type de progrès de plus en plus aliénant.

La défense de la vie sous toutes ses formes et le devoir d’équité universelle commandent de passer à un autre niveau d’ambition et de changer de pratique politique.

D’abord, il faut rompre la perspective. Rompre avec les impostures de l’accompagnement social et écologique du mécanisme broyeur des hommes et de l’environnement ; rompre avec les illusions qui tentent de corriger les excès du productivisme marchand et s’épuisent à réguler l’irréversible ; rompre avec cette logique implacable qui conduit à nous accommoder honteusement de

perspectives douloureuses pour nos enfants et les trois quart des hommes et des femmes de cette planète. Rompre, c’est s’en prendre enfin aux racines, au sein du système économique et social comme au coeur de nous-mêmes, dans l’architecture de la mondialisation aussi bien que dans l’imaginaire de chacun, et c’est permettre ainsi, avant que le chaos ne vienne tout compromettre, l’éclosion progressive et pacifique d’une refondation de nos manières d’être et de vivre. Ni surenchère utopique, ni ivresse insurrectionnelle, l’objectif que nous poursuivons consiste à ouvrir les premières pistes d’un horizon émancipateur, redonnant sens au progrès et consistance à l’espoir.


Pour ce faire, le verrou que les forces idéologiques dominantes imposent à la société doit être débloqué. Produits d’une époque révolue où l’abondance et la croissance des richesses apparaissaient infinies, et où le plus avoir l’emportait sur le mieux être, les formes partidaires de la représentation politique, à droite comme à gauche, au centre comme aux extrêmes, ne sont plus en phase avec le temps de la rareté qui s’annonce, ni avec l’aspiration grandissante des populations à vivre autrement que dans l’accumulation, le factice ou les dettes, ni encore avec les interpellations de la crise écologique et sociale. Ce sont ces partis hors d’âge, avec leurs promesses irréelles et leurs réflexes obsolètes qu’il faut maintenant contester, électoralement et démocratiquement. Ce sont ces vestiges du passé qu’il s’agit de remplacer. Nous ne nous résoudrons jamais à un apartheid mondial et à la destruction de la nature que leur aveuglement véhicule.

C’est pourquoi il s’agit d’entreprendre la construction et la mise en mouvement d’un nouvel espace politique : la social-écologie. Au sein de celui-ci, les forces vives de la société se rassembleraient dans leur diversité pour tracer la perspective d’un autre modèle de développement et appliquer les transitions nécessaires.

Cet autre modèle n’est inscrit dans aucun dogme ni bréviaire, même s’il doit se rattacher aux meilleures traditions humanistes héritées de l’histoire des civilisations. Il se construira à partir des besoins humains de bientôt neuf milliards d’individus, de l’intérêt collectif, du partage des ressources et du respect des équilibres du vivant. Il se fondera sur les valeurs de justice sociale et de solidarité planétaire, de sobriété et de conscience des limites, de participation et de dialogue. Il orientera progressivement les activités vers de nouvelles façons de consommer, de produire, de se déplacer, de travailler, d’échanger, d’innover, d’habiter les territoires et de faire ensemble société.

Un nouvel espace politique ne peut se concevoir d’emblée qu’européen puisque l’Europe est notre village, et international puisque la planète est notre patrie.

L’Union européenne, malgré ses aléas, a bâti un espace de paix et de coopération entre les Etats qui la composent. Elle représente une puissance dont les choix constituent un formidable levier d’action planétaire. Les peuples qui la composent en attendent légitimement un projet qui les fédère. C’est donc là, au coeur de cette maison commune, à l’échelle de la masse critique que représente le continent européen, qu’il faut mettre la pression pour construire des politiques transnationales fondées sur les principes de la durabilité : durabilité des ressources et des équilibres naturels, durabilité des systèmes économiques, des contrats sociaux et des modes de vie. Ceux-là même qui sont inconciliables avec un système dont les deux dogmes, productivisme et consumérisme, précipitent les dégâts de la dérégulation, de la financiarisation et de la marchandisation. Une alternative européenne écologique repose sur l’impulsion de valeurs civilisationnelles basées sur l’épanouissement personnel et le mieux être collectif, a contrario des aliénations marchandes et techniciennes qui précipitent les individus dans la course au toujours plus, à l’excès, aux frustrations sans fin, à la compétition, à l’individualisme, à l’artificialisation et au désenchantement du monde. Il s’agit de rendre désirable un changement favorisant un nouvel imaginaire d’émancipation et d’encourager les élans de créativité, d’innovation et d’organisation collective tournés cette fois vers l’humain et la réconciliation avec la nature.
On a toujours raison d'inventer.