La mondialisation vue à travers les fibres du coton

Par Citoyenhmida

Partir d’un morceau de tissu en coton pour expliquer la mondialisation, ses causes et ses effets, les déséquilibres qu’elle engendre et les espoirs qu’elle peut susciter, tel est le défi que Erik ORSENNA, académicien, ancienne plume de François Mitterrand, romancier-essayiste et économiste à ses heures, a voulu relever dans son ouvrage “VOYAGE AUX PAYS DU COTON – Petit précis de mondialisation“, paru chez Fayard en septembre 2007.

Le périple d’Erik Orsenna commence en Afrique, précisément au Mali, terre où le coton a apporté un semblant de bien-vivre à la population dans les années 1970, avant de la précipiter dans la crise, crise aggravée par les injonctions des instances financières internationales brandissant leur sempiternelle menace : “PRIVATISEZ ou nous vous laissons tomber”!

Les pauvres subventions que les gouvernements africains versent bon an mal an à leurs agriculteurs, notamment à leurs cotonniers, ne représentent rien devant les déluges de dollars dont  les autorités fédérales américaines inondent leurs régions productrices de coton! Mais là, notre voyageur-enquéteur ne pourra ni voir ni enquêter à sa guise : le lobby pro-cotonnier américain est très grosse machine qui brassent des sommes énormes et génère des subventions encore plus énormes en faveur des cotonniers américains, malgré et surtout contre toute la philosophie et la réglementation de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Ensuite Erik Ornessa nous emmène au Brésil et vous fait découvrir ces immenses fermes de plusieurs milliers d’hectares, gagnés sur la forêt, sur la forêt amazonienne qui permet monde de respirer encore! Ces fermes étalées à perte de vue, avec leurs hangars de stockage, immenses sont le signe évident d’un Brésil moderne, d’un Brésil tourné vers le futur mais mû par une envie folle de profits financiers immédiats, très éloignés de la philosophe de l’agriculture.

Le voyage-enquête d’Erick Orsenna fait une halte en Egypte, terre de douceur et de convivialité, où le coton règne depuis des générations, où il fait vivre petits ouvriers agricoles, grandes familles propriétaires foncières , ouvriers et  grandes usines de textiles, et toute une kyrielle de spécialistes, en dépit des renversements brutaux et inattendus des marchés et des cours, qui  provoquent des ruines catastrophiques, mais n’empêchent cette culture de rester très présente dans le pays.

Pour finir, l’auteur fait un long détour par deux pays essentiels dans la production mondiale du coton, deux pays dont le système politique est marqué par un dictature spécifique mais aussi terrible l’une que l’autre.

D’abord, l’Ouzbékistan, le pays qui n’existe que par la neige de l”Himalaya tout proche lui prodigue toute l’eau dont il nourrit ses plantations de coton, que l’état contrôle tous les circuit et dont le peuple ne profite que dans une toute minime partie. La dictature des autorités centrales, surmultipliée par celles des chefs locaux encore plus avides de profits, ne laissent aux travailleurs – parfois réquisitionnés d’office – que des miettes de ce que rapporte cette culture qui permet ce pays d’exister dans le concert des nations.

L’autre pays que Eric Orsenna a choisi pour exemplifier le rôle du coton dans l’économie d’une nation,  c’est la Chine, bastion du communisme à la sauce capitaliste ou plus exactement d’un “capitalisme communiste”. Les villes  de Datang, capitale mondiale de la chaussette et  de Yiwu, capitale mondiale du commerce de pacotille, des jouets aux sous-vêtements,  ont été prises comme modèle par l’auteur pour nous expliquer ce système économique bâtard, fondé sur l’effort individuel et le dirigisme étatique. On y perçoit assez mal le rôle du coton, mais il ne saurait y avoir de chaussettes ni de sous-vêtements sans coton.

Le voyage intercontinental de ce français ne pouvait s’achever sans une escale dans son propre pays, dans le Jura où survivent encore quelques usines textiles qui travaillent le coton, et qui ont choisi la qualité à défaut de la quantité pour contrer la concurrence des pays comme la Chine ou le Brésil.

Livre  très enrichissant donc, d’autant que Eric Orsenna manie la langue française avec une maitrise rare, et il n’hésite pas à user d’un humour grinçant tout en gardant l’objectivité du scientifique qu’il est.

Bonne lecture!