Une pièce de Sébastien ThiéryMise en scène par Jean-Louis BenoitDécor de Jean HaasLumières de Jacques PuisaisCostumes de Marie SartouxAvec Bruno Solo, Sébastien Thiéry, Antony Cochin
Présentation : Tilt ! est un mélange choisi et remanié des textes de Sébastien Thiéry parmi les plus corrosifs, les plus explosifs et les plus irrésistibles de Sans ascenseur et Dieu habite Düsseldorf, ses deux premiers recueils de sketchs surréalistes (2003 et 2004).Deux hommes ahuris, timides et inoffensifs se posent des questions sur leur existence, leur famille, leur travail ou leur place dans la société. Ces dialogues drôles et loufoques ne seraient-ils pas finalement l’inventaire désenchanté d’une contemporaine et irrémédiable solitude ?
Mon avis : J’ai vu quatre des sept pièces signées Sébastien Thiéry (Dieu habite Düsseldorf, Cochons d’Inde, Qui est Monsieur Schmitt ?, Le Début de la fin), c’est dire si son univers me plaît et me transporte de joie.Tilt ! est en quelque sorte une œuvre de jeunesse puisqu’elle est composée d’un patchwork de textes datant aujourd’hui de dix ans et plus. Elle préfigure formidablement le contenu de ses pièces à venir, à savoir un univers absurde, déroutant, un ton décalé et une propension au non-sens qui n’appartient qu’à lui.
Rassurez-vous, en dépit de son titre, Tilt ! ne vous fera pas flipper. Quoi que… En tout cas, il y a largement de quoi perdre la boule. Personnellement, je lui ai trouvé un réel cousinage avec Les Diablogues de Roland Dubillard. On y retrouve le même humour loufoque, une même culture de l’illogisme. Pourtant, ces quelques saynètes totalement irrationnelles, mises bout à bout, finissent par avoir un sens. Si la forme des différentes situations est résolument saugrenue, au fil de l’histoire, le fond prend de plus en plus en plus d’épaisseur. C’est cette curieuse alchimie qui fait tout le charme de Tilt !. Tout en nous réjouissant, l’incohérence des propos s’estompe, craquèle comme un vernis, pour laisser apparaître la réalité du message contenu dans ce spectacle : la communication et le besoin de l’autre.
Alors même que les scènes sont tout à fait disparates, l’habile construction de la mise en scène fait qu’un lien se tisse entre les deux protagonistes. Ce sont deux solitudes qui se rencontrent, qui évoluent d’abord en parallèle avec beaucoup de méfiance, puis qui commencent à se chercher, à se plaire ensemble et enfin, se révélant complémentaires, qui finissent par fraterniser. Ce cheminement mental est très subtil. Ce sont deux marginaux, deux souffreteux de la vie, deux complexés. Au départ, ils sont comme deux aimants dont les deux pôles, identiques, se repoussent, et que leurs différences vont leur permettre petit à petit de s’attirer. Jusqu’à ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre…
Pour réussir à faire passer une telle subtilité, une telle humanité, il faut deux comédiens particulièrement fins. Déjà pour réussir à faire passer et à rendre (presque) crédibles des situations complètement délirantes ; ensuite, pour être capable de faire passer en quelques silences ou expressions leur profonde vulnérabilité. Dire que Bruno Solo et Sébastien Thiéry sont épatants dans cet exercice est un euphémisme. Ils sont carrément fascinants, chacun dans un registre très différent mais, comme je le soulignais plus haut, absolument complémentaires.
Gilbert 'Critikator" Jouin