On ne s'amusera pas plus de cette énième bouffonnerie solférienne, parce qu'un autre occupe toute l'attention de ces mêmes zigotos qui nous gouvernent : Dieudonné. En effet, Dieudonné ne fait plus rire personne depuis 2003, et c'est un grave problème pour la France. Hier, Manuel Valls a déclenché l'opération Solution Finale. Récapitulons.
Dieudonné est aujourd'hui accusé d'être antisémite et tout simplement nazi. Va falloir y aller point par point.
Antisémitisme?
Les "débats" sur Dieudonné sont monnaie courante. Dorénavant, je n'y participe qu'à deux conditions :1/ que les contradicteurs admettent que le Verdict puisse être contesté2/ que le terme "antisémitisme" soit défini
La première conséquence de ces exigences est que cela m'évite de m'épuiser dans des myriades de discussions, la plupart des contradicteurs décrétant détenir la Vérité descendue sur Terre qu'on ne saurait remettre en cause (à moins d'être détraqué psychologiquement et/ou nazi soi-même) et se posent ainsi en défenseurs de la Raison (humaniste, démocrate, tolérante, Voltaire quoi), ce qui ne les empêche absolument pas, en revanche, de trouver logique de débattre sans en avoir défini les termes, puisqu'ils refusent tout aussi fréquemment de définir "antisémitisme". Résumé : on doit déclarer Dieudonné antisémite, mais on ne doit pas dire ce que signifie "antisémite". Curieux.
Pour moi, un antisémite serait quelqu'un qui prête des "qualités" à un groupe nommé "Les Juifs" et qui attribue ces qualités à tous les membres qui (d'après lui) composent ce groupe. [Petit aparté : je ne reviens pas sur le choix malheureux du mot désignant les peuples sémites, ça alourdirait encore le billet pour pas grand chose.] C'est peut-être curieux, mais c'est ainsi, je définis l'antisémitisme comme un racisme anti-Juifs. Dès lors, je ne vois pas bien l'utilité d'avoir un mot spécifique qui contribue selon moi à la prospérité du racisme anti-Juifs. On nous dit : les clichés anti-Juifs sont différents des clichés anti-Arabes. Oui, mais les clichés anti-Roumains sont différents des clichés anti-Noirs, etc. A partir du moment où on entretient une spécificité, on alimente les spéculations sur cette spécificité. Bref.
Bref, ce qui serait condamnable à mes yeux, serait effectivement de prêter des "qualités" (positives ou négatives) à un groupe (humain, ou non, d'ailleurs) et d'attribuer ces "qualités" à tous les membres de ce dit-groupe. Ça, ça n'a aucun sens. C'est contraire à toute idée d'autonomie, et sans même avoir à évoquer les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire, ça révolte l'esprit, en tout cas le mien. Quand je dis : "condamnable", j'entends : "intellectuellement". Il ne me viendrait pas à l'esprit encore lui, de poursuivre en justice un raciste. Ce serait aussi contraire à toute idée d'autonomie, et une stratégie de faiblesse assez lamentable.
Exemple : la banane de Taubira. Une telle insulte est particulièrement infantile, et a d'ailleurs été proférée par une enfant. Elle provoquerait des larmes dans une cour de maternelle. Mais, quand on est adulte, structuré, fort, et qui plus ministre de la République, on peut avoir une réaction plus digne et plus forte, me semble-t-il. Thérèse de Lisieux : "cette multitude d'offenses ne sont qu'une goutte d'eau dans un brasier ardent." Non ? Si. Pas besoin d'un sursaut Rrrrrépublicain.
Dieudonné est-il raciste?
Répondons à la question. Dieudonné est un métisse, un pied sur deux continents, et il se pense comme un pont (cf. le préambule à La gauche vent debout?). Depuis toujours, il ridiculise les frontières arbitraires et absurdes (couleur de peau, religion, nationalité, etc.) que les homo sapiens dressent entre eux. Pour lui, ça n'a pas de sens, il le dit, il le répète. C'est à ce titre qu'il s'engage alors politiquement contre le Front National. Dieudonné incarne l'anti-racisme. Preuves :
Spectacle Mes excuses : "Avec toutes ces conneries de communautarisme... chacun chez soi ça va être n'importe quoi... ça n'a aucun sens les Blancs les Noirs les Jaunes les Tachetés... mais quand tu t'attaques au communautarisme, t'as toutes les communautés sur le dos, moi je veux pas finir comme un Apache".
Spectacle Dépôt de Bilan : "toutes ces différences, toutes ces frontières, qui nous ont mené à... rien, rien, rien du tout".
Spectacle 1905 : la différence entre le Chinois et le Vietnamien, à ne pas manquer.
Chanson Palestine : chanson métisse déracinée cosmopolite (Nougaro, jazz, tziganes, etc.) aux multiples influences, l'oeuvre d'une pensée raciste? allons!...
En dernier ressort, tout est contenu dans l'apostrophe à un Chinois dans son public (spectacle 1905) : "T'es Chinois? mais pour quoi faire?". Ce n'est pas un extrait pris au hasard, c'est toute son oeuvre qui est parsemée de cette lutte contre le communautarisme = racisme.
Au début de ses ennuis, quand il était encore parfois invité sur des plateaux pour s'expliquer, il n'a pu que répéter inlassablement que, pour lui, "les Noirs", "les Juifs", etc. ça n'existe pas.
Hélas ! pour lui, il y a l'anti-racisme et >> l'anti-racisme <<. Et ça n'a rien à voir, c'est même le contraire. Jean Baudrillard l'avait fait remarquer : il y a SOS Baleines qui veut sauver les baleines, et il y a SOS Racisme qui veut sauver le racisme.
Mais alors, quel est son crime ?
"Il a une obsession sur les Juifs". Alors, il va falloir faire un petit peu de chronologie. Pourquoi ? Il y a quelques jours, la LICRA a annoncé qu'elle poursuivrait en justice Pierre Desproges en 2013 si son sketch sur Les Juifs sortait. C'est ce qu'elle a fait avec Dieudonné en 2003.
Là, certains se sentent un peu coincés, obligés de se démarquer des censeurs. On nous fait alors remarquer que Desproges c'est pas Dieudonné :
- Desproges était insoupçonnable
- Desproges n'a fait qu'un sketch sur cette question, et n'y est pas devenu obsessionnel
Ces deux objections ne tiennent pas.
1/ Desproges était en effet insoupçonnable, ça ne l'a pas empêché d'être soupçonné à l'époque (il se défendit des accusations d'antisémitisme en s'excusant auprès des anciens nazis de se moquer d'eux aussi peu charitablement), et ça n'empêche pas la LICRA aujourd'hui de faire ces déclarations. De plus, il faudrait expliquer en quoi Dieudonné, métisse franco-camerounais issu du duo avec Elie Semoun et militant anti-FN était soupçonnable d'être antisémite et néo-nazi en 2003. Ce n'est jamais fait, car c'est évidemment absurde. D'ailleurs, dans le sketch qui l'a fait tombé, ce qui a posé problème est le "Isra-Heil". Dieudonné assimilait Israel au nazisme. Dieudonné manifestait-il son amour du nazisme ? Ridicule.
2/ Desproges a fait un sketch sur la question, en expliquant que la Shoah était pour lui une horreur absolument incompréhensible ; et qu'il était par ailleurs agacé de la prétention de certains Juifs à détenir les clés de l'humour. Si, à l'époque, la LICRA l'avait traîné dans la boue et poursuivi en justice comme elle l'a fait pour Dieudonné, je ne pense pas que Desproges aurait dit : "ah oui, pardon, vous avez raison". C'est la censure qui fait réagir Dieudonné. Dieudonné a fait des sketchs sur tous les communautarismes, tous. Juste un exemple, dans "J'ai fait l'con", il dit : "je dois être chrétien, je m'appelle Dieudonné, qu'est-ce que je peux faire de plus? me faire enc**** par un curé?". Personne n'a essayé de faire censurer Dieudonné pour racisme anti-chrétien. Pas plus que pour racisme anti-musulman après La fine équipe du 11. Et caetera.
Non, ça n'a réagi que sur une question bien précise, et qui n'est pas le racisme anti-Juifs. Ce qui était inacceptable dans son sketch chez Fogiel, ce n'est pas de l'antisémitisme (il n'y en avait pas la moindre trace), c'était cette assimilation d’Israël au nazisme. Le sketch de Desproges joue avec les clichés antisémites, et on comprendrait presque que certains aient peur que ce soit pris au premier degré. Celui de Dieudonné n'est pas du tout sur ce terrain-là, il était clairement lié à une situation géopolitique. Ce qu'il dénonçait, c'était la politique d’Israël, et il voulait questionner Jamel Debbouze présent lors de l'émission, sur cette question.
Quelques mois auparavant, Edgar Morin avait commis le même "crime". Dans une tribune publiée dans Le Monde avec Sami Naïr et Danielle Sallenave, il écrivait :
" Les juifs d'Israël, descendants des victimes d'un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d'un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs victimes de l'inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les juifs, boucs émissaires de tous les maux, "bouc-émissarisent" Arafat et l'Autorité palestinienne, rendus responsables d'attentats qu'on les empêche d'empêcher."Edgar Morin a été poursuivi pour incitation à la haine raciale. On a voulu le faire passer pour un Juif ayant la haine de soi, un antisémite. Pour une inquiétude inspirée de Victor Hugo ("opprimés hier, oppresseurs demain"). Que ça ne fasse pas plaisir aux oppresseurs qu'on le dise, on le comprend ; qu'on conteste cette analogie, c'est tout à fait légitime ; mais traîner dans la boue et censurer...
Dieudonné a donc fait la même chose que Morin. Dans les deux cas, il est absurde de parler d'incitation à la haine raciale, puisque ce qui est dénoncé est précisément que les victimes de la haine raciale en deviennent les vecteurs. Edgar Morin a répondu par un très bon livre (Le monde moderne et la question juive), Dieudonné avec ses armes à lui (des provocations de plus en plus provocantes). Mais, Morin, ce n'était pas très dangereux, il touchait les milieux de la sociologie de gauche, bon. Dieudonné, lui, et en interpellant Jamel... c'est autre chose. La Grande Peur, c'est les banlieues.
Le nouvel antisémitisme?
C'est là que nos sursauteurs républicains doivent changer leur fusil d'épaule. Le problème, ce n'est pas l'antisémitisme vieille France, ça c'est terminé. Non, le problème c'est l'antisémitisme nouveau, celui des banlieues où les "muslims" s'énervent contre les "feujs" qui tuent leurs frères en Palestine.
Je trouve plus que légitime qu'ils s'énervent. Je suis moi-même assez énervé (et quand je suis énervé, ça fait mal). Seulement, il y a une différence entre s'énerver contre la politique israélienne (ce qui est parfaitement légitime) et l'attribuer à tous les Juifs (ce qui n'a pas de sens). Les sursauteurs républicains nous expliquent volontiers que dans les banlieues, on n'a pas cette subtilité. Et c'est vrai, mais ni plus ni moins qu'ailleurs. Les banlieues ne sont pas peuplées d'abrutis quand les centre-villes eux seraient le repaire du raffinement et de l'intelligence. Mais il est vrai que, un peu partout, les amalgames sont faits. Cependant! il est essentiel de rappeler certains points :
1/ le CRIF, la LICRA, toutes les associations communautaires s'ingénient à assimiler sionisme et même défense inconditionnelle de la politique israélienne (même d'extrême-droite comme actuellement) et judaïsme
2/ les mêmes traitent systématiquement de "traîtres à la patrie" et d'antisémites tout Juif critique. Edgar Morin, donc, Rony Brauman, Schlomo Sand, Noam Chomsky, Jacob Cohen, Gilad Atzmon, etc. la liste est très longue des "juifs ayant la haine de soi"
3/ les mêmes encore, représentant une infime minorité de la population juive de France prétendent représenter toute la population juive de France
= > Alors, on fait tout pour que les gens fassent l'amalgame. Pire! on le fait soi-même, ce sont eux qui font la Grande Confusion. Il est absurde et hypocrite de reprocher quelque chose à quelqu'un quand on le fait soi-même. Ces associations, relayées par les médias qui ne bronchent jamais, font l'amalgame. Emmanuel Chain dans la vidéo plus haut le dit : pour lui, il est évident que s'en prendre à un colon israélien extrémiste, c'est s'en prendre aux Juifs en général. N'importe quoi !
De la même façon, si, dès qu'un Mélenchon tape sur la "finance internationale", on a 15 jours de sursaut républicain dans les médias contre l'antisémitisme nauséabond de la gauche de la gauche, quel est le message envoyé ? "finance internationale = judaïsme". Qui fait l'amalgame ? Faut pas le reprocher aux autres, ensuite.
Le chantage à l'antisémitisme
Le voilà donc le crime de Dieudonné, s'être attaqué à la politique israélienne. Pour cela, il a été évincé des médias, empêché de travailler, traîné dans la boue, harcelé judiciairement (une vingtaine de procès avant d'enfin réussir à le faire condamner), agressé avec ses enfants, son public aussi a été agressé. Il a eu le courage ou l'inconscience de répondre à ça par des provocations humoristiques. Fait rarissime.
Que Shoah nanas choque, ça peut se comprendre. Mais il s'agit d'une réponse à ceux qui essayent de le tenir par la Shoah. Il y a eu la Shoah donc, on ne critiquera pas Israël. Ah bon ? Dieudonné les tient par l'ananas. Sa résistance par le rire est très étonnante.
Jean Bricmont : de la gauche morale par clap36
Dix ans durant, le système aura tout essayé. Et nous, spectateurs, nous avons pu observer comment il fonctionne. Quelques exemples :
- France 2 affirme dans Complément d'enquête que Dieudonné a comparé Taubira a Cheetah. Grotesque. Dans l'extrait volé du spectacle Le mur, il dit que Hollande se sert de Taubira comme de Cheetah. Ca fait une petite différence, non ?
- Les journalistes ne cessent de parler de l'obsession antisémite de Dieudonné et de Soral. On a le cas exceptionnel de ce journaliste de BFMTV qui ne va chercher Alain Soral que pour lui parler d'antisémitisme, qui lui pose pendant 38 minutes des questions sur ce thème et qui finit en disant : "vous n'avez parlé que de ça!" Exceptionnelle bouffonnerie. Dieudonné parle de tout depuis 10 ans, mais les médias ne reprennent que ce qui touche à cette question. Qui est obsédé ? L'islam, le christianisme, Chavez, l'écologie, le féminisme, l'école, la laïcité, la gay pride, l'Afrique, etc. jamais un journaliste n'est venu parler de ces questions à Dieudonné, c'est dans ses spectacles, pourtant.
- Le Président de la LICRA décide que la quenelle, geste pratiqué depuis 10 ans par Dieudonné et ses fans, en toutes circonstances (bras d'honneur), est un "salut nazi inversé". Depuis, la presse parle de la quenelle, et pas un article n'oublie de préciser que ce geste est "souvent comparé à un salut nazi inversé". Pas un journaliste pour mettre en doute, pour réfléchir, pour questionner. Sur 9000 photos, on en trouve un paquet lié au judaïsme, et ça valide!
- bon, etc.
La Solution Finale
Ainsi, Manuel Valls veut en finir. Je sais bien qu'on me reprochera de parler de Solution Finale et de faire passer Valls et Cukierman pour des nazis. Je le fais parce que c'est cette analogie qui a fait tomber Dieudonné... D'un côté, elle n'était pas pertinente, et il est amusant que ce point Godwin initial, utilisé par Dieudonné, ait été renversé au point d'être désormais utilisé par ses adversaires contre lui. Y en a marre d'utiliser Hitler à tout bout de champ. Personne n'a Hitler en face de lui, aujourd'hui. D'un autre côté ? cf. Edgar Morin.
Valls veut faire interdire les spectacles de Dieudonné. Cukierman est content parce que, si on le laissait faire, "on pourrait craindre des violences". Les seules violences constatées à ce jour ont toutes été le fait de la LDJ. Mais, Valls et Cukierman ne sont certainement pas au courant. La LDJ, ces joyeux drilles qui mènent des "expéditions punitives" et les revendiquent, contre les quenelliers, contre "les juifs ayant la haine de soi", etc. Eux, en effet, portent de la haine et de la violence. Jacob Cohen a été à deux reprises agressé par ces zozos, mais ça n'a pas ému grand monde dans le cirque médiatico-politique. Jonathan Moadab a vu sa voiture exploser, tout simplement... mais malheureusement pour lui, c'est pas des bougnoules ou des nègres, enfin des barbares quoi, qui ont fait le coup, donc tout le monde s'en fout. Pourtant, ça devrait plaire aux médias, ils pourraient en faire des tonnes sur les catégories : un journaliste! indépendant! juif! victime! mon dieu tout y est... mais non.
Il manque une base juridique à cette Solution Finale. Arno Klarsfeld y est allé de sa proposition. Depuis 10 ans, rien n'y a fait, Dieudo a gardé et augmenté son public, et celui-ci, boîte de crayons de couleurs, n'a jamais manifesté la moindre violence. Il faut pourtant absolument qualifier le trouble à l'ordre public. Notre ami Arno propose donc d'aller provoquer un trouble à l'ordre public, tout simplement. C'est de la folie furieuse.
Espérons que les fans de Dieudonné soient tous aussi forts que lui. La réponse : paix, humour et chansons. "C'est Dieudonné! c'est pour le spectacle...".