Ce lundi, Nicolas Sarkozy est encore en colère. Il a fait savoir tout le mal qu'il pensait de son ancienne directrice de campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui brigue désormais la mairie de Paris. Il s'énerve surtout contre cet article du Point qui le décrit en Tonton Flingueur de la Droite: "c'était peut-être vrai il y a quelques mois, mais maintenant, je ne dis plus de mal de personne !"
Les Gracques, un groupuscule d'énarques qualifiés de gauche, livrent une tribune dans le Monde contre la réforme fiscale et pour la réduction des dépenses. On croit rêver. On s'étrangle que ces personnalités anonymes aient les honneurs d'une accroche en Une du Monde une veille de Noël.
L'an prochain, la France devra emprunter 173 milliards d'euros (nets des rachats). Quelque 104 milliards de dette publique arrivent à échéance en 2014. La somme donne le tournis. Il ne faut pas. L'épargne privée, qui a légèrement baissé en fin d'année, est colossale: près de 1.450 milliards d'euros sont placés en assurance vie. Et 361 milliards en livret A et LDD. Et la France emprunte toujours à des taux historiquement bas - 1,54% en moyenne pour l'ensemble des emprunts à moyen et long terme en 2013, contre 1,86% en 2012 et 4,15% en moyenne entre 1998-2007.
Mardi, Hollande et sa compagne Valérie Trierweiler rendent visite à l'improviste et sans médias à un hôpital parisien. L'information sera confirmée le lendemain. Quelques élues UMP fustigent son retard à souhaiter un Joyeux Noël. On reste sans voix.
La vraie nouvelle est ailleurs: les statistiques du chômage à fin novembre sont publiées. C'est presque le grand jour, à quelques heures de la fin d'une année exécrable. Hollande avait promis "l'inversion-de-la-hausse-de-la-courbe-du-chômage". Cela ne voulait dire que la chômage devait se stabiliser à défaut de baisser franchement. L'année fut mauvaise, puisque la zone euro retomba en récession au printemps. Le gouvernement lui-même avait rabaissé ses prévisions de croissance pour l'année et celle d'après. Et cette même équipe Hollande n'avait pas embauché - ni fait embaucher- quelques centaines de milliers de chômeurs à coup de jobs publics ou de nouvelle réduction du temps de travail.
Bref, que fallait-il attendre de ces statistiques sinon pas grand chose ?
Finalement, jeudi soir, le suspense fut clos. Sur l'ensemble des catégories A, B et C (qui regroupent les demandeurs en recherche "positive" d'emplois), le nombre d'inscrits avait très légèrement fléchi entre octobre et novembre, de 5,18 à 5,17 millions. Mieux, le nombre d'entrées avait aussi largement baissé (d'environ 30.000). Mais on ne retenait qu'autre chose, le nombre de sans-emplois inscrits à Pôle Emploi qui avait augmenté de près de 18.000 personnes (catégorie A).
On aurait en rester là. Ecouter les commentaires désagréables, les railleries des uns, les leçons des autres. On aurait pu.
Mais l'Elysée publia quand même un communiqué surréaliste. François Hollande s'y exprime à la première personne. Car cet objectif d'inversion de la courbe du chômage qui a fait gloser la presse entière pendant près d'un an, c'est un peu son affaire personnelle.
Hollande veut donc y croire: "Les chiffres du chômage pour le mois de novembre (+ 17 800) viennent atténuer ceux du mois d’octobre (- 20 500), mais ils ne modifient pas la tendance. L’inversion de la courbe du chômage, sur laquelle je me suis engagé, est bien amorcée." Il faut être optimiste, coûte que coûte. Hollande livre une explication improbable: "En effet, l’évolution des demandeurs d’emplois sans aucune activité est passée de + 30 000 par mois au 1er trimestre 2013, à + 18 000 par mois au 2ème, puis à + 5 500 par mois au 3ème trimestre. Et sur les deux derniers mois, c’est une baisse moyenne de 1 350 du nombre des inscrits qui est enregistrée."
Nous avions bien lu - " sur les deux derniers mois, c’est une baisse moyenne de 1 350 du nombre des inscrits qui est enregistrée". La baisse de la hausse de l'inversion d'on-ne-sait-plus-quelle courbe était "amorcée".
Le ministre du travail Michel Sapin était à la peine, vendredi matin, pour faire un service-après-vente impossible.
François Hollande n'était pas dans le déni, il était à côté du sujet.
Le chômage, ce n'était pas cette baisse, ou cette hausse du nombre d'inscrits dans quelques sous-catégories de Pôle Emploi. Le chômage, c'est 502.000 nouveaux entrants à Pôle emploi encore en novembre, et autant de familles; c'est plus de 5 millions de personnes inscrites, avec 508 jours d'ancienneté moyenne à Pôle Emploi (+3 jours en un mois, +12 en un an).
2013, heureusement, était bientôt fini.
Crédit illustration: DoZone Parody