Pour un militant de la mémoire de la traite des noirs, confronté au scandale quotidien, des rues françaises honorant des armateurs négriers (criminels contre l’humanité selon la loi du 10 mai 2001), qui laisse indifférent le mouvement antiraciste institutionnel, l’acharnement contre l’humoriste paraissait trop suspect pour être sincère.
Si je me suis réjoui que le Préfet d’Aquitaine ait autorisé ce spectacle, que je n’ai pas eu la curiosité d’aller voir, je ressens comme un malaise devant les provocations régulières, inutiles et de plus en plus choquantes de Dieudonné.
Sa dernière condamnation pour incitation à la haine et à la discrimination raciale par la cour d’appel de Paris, ce compagnonnage plus que suspect avec les penseurs et acteurs politiques de l’extrême droite, l’obsession et le fonds de commerce nauséabond qu’il s’est fait sur la mémoire de la shoah et un retour sur les délires manichéens et haineux qui se déversent sur la toile m’ont fortement interpellé sur les excès que cette liberté d’expression autorise à l’artiste Dieudonné. La liberté d’expression suppose aussi l’obligation de respect. Respect des consciences et des croyances. Des histoires et des mémoires. Des communautés et des individus fussent t-ils journalistes.
Victimisation, théorie du complot et règlements de compte systématiques ont fini par me convaincre que, si Dieudonné n’est pas anti-sémiste, son jugement et son talent sont définitivement voilés par une volonté de vengeance et par une course effrénée au buzz médiatique qui, s’il lui garantit une réelle audience, peut constituer effectivement un danger pour les valeurs d’une République qui, si elle est loin d’être parfaite, constitue un viatique pour la jeunesse.
Et, j’ai beau chercher, je ne trouve nulle part dans le discours et les actes de Dieudonné un signe d’apaisement, d’amitié. Aucune initiative de solidarité, de tolérance, aucun investissement social, aucun partage humaniste face aux grands défis qui s’imposent à la France et au monde. Rien qu’un superbe isolement dans un théâtre hanté par des contradicteurs imaginaires à qui il faut rendre coup pour coup. Rien de positif !
Et, il est vrai qu’à l’heure où Nelson Mandela rejoint sa dernière demeure, sa pensée et son action contre l’injustice nous enseignent que le combat pour la justice ne peut réussir que par le dialogue, la négociation, la communication et le travail en commun.
Alors je crois qu’il est temps que s’arrête cette provocation inefficace et inutile qui ne fait décidément du bien qu’au portefeuille de Dieudonné!